Ci-dessus : Rendu d’une serre mobile en développement dans le cadre de GENESIS.

Et si vous pouviez cultiver des fruits tropicaux au Canada toute l’année, en zone rurale ou urbaine, en utilisant simplement la chaleur résiduelle de votre maison?

C’est l’ambition d’une des trois phases de GENESIS, un vaste projet de recherche dirigé par Jean-Michel Lavoie, professeur de génie chimique à l’Université de Sherbrooke, qui vise à repenser la façon dont nous produisons de la chaleur, de l’électricité et de la nourriture de manière durable au Canada.

«C’est pourquoi nous avons choisi le nom de GENESIS, déclare M. Lavoie. Nous recréons en effet un système complet qui vise à répondre à la plupart des besoins de la population : chauffage, électricité et alimentation, tout en réduisant les émissions de carbone.»

La phase du projet axée sur la production alimentaire consiste à créer des mini-serres mobiles qui pourraient être attenantes à des maisons ou à des bâtiments industriels afin d’utiliser l’excédent de chaleur pour faire pousser des légumes et des fruits, et réduire ainsi les émissions associées au transport des produits sur de longues distances.

Le projet GENESIS, soutenu par le fonds Climate Action Research Fund de la Banque Scotia, comporte également un volet qui vise à mettre au point une technologie permettant de capter les émissions d’une usine ou d’une génératrice et de les convertir, à l’aide d’électricité, en carburant plus propre pour les véhicules.

Une autre partie du projet vise à mettre au point de petites génératrices capables d’utiliser des fragments de bois résiduels et d’autres déchets ménagers secs pour produire de la chaleur et de l’électricité au bénéfice des communautés hors réseau et isolées.

Essais à Lac-Mégantic

Les trois volets de GENESIS font l’objet de recherches à Lac-Mégantic (Québec), une petite ville d’environ 6 000  habitants située à environ une heure et demie au nord-est de Sherbrooke (Québec). Lac-Mégantic s’est fortement appuyée sur les énergies renouvelables et durables au cours des dernières années pour reconstruire la ville à la suite d’un terrible accident ferroviaire ayant entraîné une explosion en 2013. Cette année-là, en juillet, un train transportant du pétrole brut a déraillé et explosé dans le centre de la ville, déversant du pétrole et tuant des dizaines de personnes.

Depuis, Lac-Mégantic vise à devenir une «Ville écoresponsable et exemplaire». Cela se traduit notamment par la mise en place du premier microréseau du Québec, qui utilise des panneaux solaires installés sur les toits de plusieurs structures et des unités de stockage d’énergie afin de fournir de l’électricité à environ 30 bâtiments institutionnels, commerciaux et résidentiels. L’équipe de GENESIS travaille avec Lac-Mégantic pour utiliser l’électricité du microréseau dans certains de ses projets.

Bénéficiaire du fonds de recherche sur l’action climatique de la Banque Scotia en 2023

En 2023, l’Université de Sherbrooke a été l’un des dix bénéficiaires du fonds Climate Action Research Fund de la Banque Scotia, une initiative de 10 millions de dollars sur 10 ans lancée en 2021, qui octroie des subventions à des organismes menant des recherches et des projets liés au climat.

«La Banque Scotia a été l’un des premiers soutiens de ce projet, déclare M. Lavoie. Outre le financement, cela a également contribué à renforcer notre crédibilité. Cela nous a donné un sérieux coup de pouce.»

La ville de Lac-Mégantic finance également le projet.

«Nous croyons que des recherches ambitieuses et des idées de grande envergure comme celles-ci pourraient contribuer à atténuer les changements climatiques, déclare Kim Brand, vice-présidente, Développement durable mondial à la Banque Scotia. Par l’entremise du fonds de recherche sur l’action climatique de la Banque Scotia, nous appuyons le travail important d’innovateurs canadiens comme l’Université de Sherbrooke, afin de favoriser la transition vers une économie à plus faible émission de carbone.»

GENESIS-X

L’idée initiale qui a mené à GENESIS est née il y a environ cinq ans, selon M. Lavoie. La première phase du projet a été baptisée GENESIS-X. Elle consiste à utiliser de l’électricité pour convertir le dioxyde de carbone des gaz de combustion, soit les gaz émis par des dispositifs industriels, tels qu’un four ou une chaudière, en carburant utilisable pour les véhicules. Le procédé mis en œuvre vise à convertir le dioxyde de carbone et l’eau en gaz de synthèse, un élément important dans de nombreux processus chimiques. Toujours selon M. Lavoie, le gaz de synthèse peut être converti en diesel synthétique ou en méthanol, dont l’utilisation comme carburant fait l’objet de plus en plus de recherches.

En général, le méthanol est produit à partir de gaz naturel, mais si on utilise la technologie du projet et des gaz de combustion, on évite en quelque sorte de recourir à des combustibles fossiles et on produit une version plus propre du carburant, selon les explications de M. Lavoie.

GENESIS X equipment in contained unit

Équipement utilisé dans le cadre du pilote GENESIS X.


«L’espoir étant de pouvoir commercialiser des unités qui permettront aux industries de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, déclare-t-il.

«Le projet pilote GENESIS-X sera installé cet été à Lac-Mégantic, en utilisant l’électricité excédentaire du microréseau de la ville, et sera mené pendant trois ans.»

Il s’agissait du projet initial, mais la portée de GENESIS s’est accrue au fil du temps.

GENESIS Alpha

Une autre phase, baptisée GENESIS Alpha, a été ajoutée par la suite, afin d’étudier comment produire de la chaleur et de l’électricité pour les communautés isolées ou hors réseau. Comme M. Lavoie nous l’explique, on utilise souvent des génératrices pour produire de l’électricité dans des endroits où les lignes électriques sont difficiles à atteindre, et la plupart fonctionnent avec du diesel en raison de la facilité de transport de ce carburant. Dans ces conditions, l’objectif est de créer de petites génératrices qui peuvent fonctionner avec de la biomasse, matière organique renouvelable non fossile provenant des plantes et facilement accessible, comme combustible. M. Lavoie mentionne que l’on pourrait utiliser, par exemple, les résidus de bois provenant de l’entretien des routes.

Selon lui, cette technologie pourrait aider les communautés isolées, en particulier dans le Nord, à devenir plus indépendantes sur le plan énergétique.

Elle sera d’abord testée à Lac-Mégantic, mais GENESIS a établi un partenariat avec la Corporation Nibiischii, un organisme appartenant à des Cris qui gère la réserve faunique des Lacs-Albanel-Mistassini-et-Waconichi, au Québec. Des essais seront ensuite menés sur un site au nord de Chibougamau, dans le centre du Québec.

«Ils vont utiliser cette technologie dans différents pavillons de chasse et de pêche, mais à terme, elle pourrait être adoptée dans la communauté afin de réduire les déchets et d’accroître l’indépendance en matière d’énergie, d’électricité et de chauffage», indique M. Lavoie.

GENESIS Beta

L’équipe de M. Lavoie a ensuite eu l’idée de produire des aliments après avoir reçu de nombreuses questions sur le problème de la chaleur industrielle résiduelle, c’est-à-dire la chaleur générée par les processus industriels qui n’est pas utilisée, mais perdue et rejetée dans l’environnement. Il existe des technologies permettant de récupérer cette chaleur, comme les échangeurs de chaleur, qui peuvent contribuer à accroître l’efficacité énergétique et à réduire les émissions.

Le volet du projet de l’Université de Sherbrooke baptisé GENESIS Beta visera plutôt à capter cette chaleur résiduelle et à l’utiliser dans des serres mobiles pour cultiver des fruits et des légumes. Des petites serres mobiles sur des remorques, plutôt que de grandes serres permanentes, permettent de s’adapter à des sites ruraux comme à des environnements urbains où l’espace est limité. En outre, la construction de grandes serres nécessite souvent une autorisation de zonage, alors que les petites serres mobiles sur roues ne font pas l’objet de ces exigences supplémentaires, nous explique M. Lavoie.

«Une serre mobile est facile à installer là où on en a besoin, et peut être retirée s’il le faut, indique-t-il. Et il est facile d’en ajouter. Nous pourrions installer une serre comme dix serres.»

Ces serres seront assemblées et testées dans un premier temps à Lac-Mégantic, puis dans un second temps à Sherbrooke, en milieu urbain.

Au début, l’équipe commencera par cultiver des ananas, M. Lavoie en ayant acheté environ 250 plants l’année dernière à une entreprise sherbrookoise qui devait s’en débarrasser. À plus long terme, elle s’efforcera de cultiver des plantes indigènes, comme l’argousier, qui produit des baies orange vif riches en vitamine C.

GENESIS Alpha et Beta n’en sont qu’à leurs débuts, mais M. Lavoie s’attend à ce que la technologie de ces deux projets soit mise en place et commence à être testée d’ici l’été 2026.

Une fois la technologie validée, il espère que des entrepreneurs ainsi que des jeunes pousses contribueront à mettre ces concepts sur le marché à grande échelle, ce qui aura une incidence plus large. Par exemple, une entreprise dérivée, Secant Fuel, a été créée l’année dernière pour commercialiser la technologie développée dans le cadre de GENESIS-X. Depuis sa création, Secant Fuel a mis à l’échelle son prototype et prévoit effectuer un projet pilote avec des partenaires locaux.

«L’objectif est de créer des jeunes pousses, des entreprises dérivées, et des petites et moyennes entreprises pour fabriquer ces unités», déclare M. Lavoie.