Par Sarah Walker
Thayde Olarte n’est arrivée au Canada qu’avec 16 valises. Celles-ci contenaient tout ce que sa famille – son mari, leurs trois enfants et leurs animaux de compagnie – et elle ont pu emmener lorsqu’ils ont fui l’instabilité politique et économique du Venezuela, leur pays d’origine.
Aujourd’hui, Mme Olarte gère plus de 19 000 employées et employés de 15 pays différents en tant que première vice-présidente des Services bancaires aux particuliers et Services bancaires numériques au sein du secteur des Opérations internationales de la Banque Scotia. Elle est responsable d’une clientèle de plusieurs millions de personnes et ses décisions ont des répercussions sur des économies entières.
Comment s’est-elle rendue là?
«Chaque étape franchie répondait à un objectif précis, explique Mme Olarte. Cet objectif combine mon désir de croître au niveau personnel et celui d’aider ma famille et la communauté ou l’organisation dont je fais partie. Ma façon de vivre est pleine d’intention.»
Un problème à résoudre
Les débuts de Mme Olarte au Venezuela étaient modestes et ne laissaient pas présager la carrière épanouissante qu’elle connaît actuellement. À plusieurs reprises, elle a pu être témoin des conséquences de l’exclusion financière sur les autres. Souvent, l’accès aux services bancaires de base ne se révélait pas seulement difficile, mais carrément impossible pour des familles comme la sienne.
C’est lorsqu’elle a choisi une université publique, qu’elle décrit comme une «passerelle vers différentes cultures, idéologies et façons de penser», qu’elle a réalisé que sa famille n’était pas la seule à être confrontée à ces limites, qui étaient en fait systémiques.
«Comprendre ce défi au travers de mes propres expériences m’a permis de réaliser que nous avions un grave problème à résoudre», déclare Mme Olarte. Il fallait alors répondre à la question suivante : comment faire en sorte que les gens puissent accéder aux outils financiers dont ils ont besoin pour mieux vivre?
Armée de son diplôme en économie, elle a commencé à se pencher sur la question en tant qu’assistante d’enseignement spécialisée dans les services financiers offerts aux personnes à faible revenu. Par la suite, elle a vécu sa première expérience professionnelle dans un programme coopératif en finance au sein d’une institution financière régionale de développement. Elle a fourni un soutien technique en matière d’inclusion financière pour les micros, petites et moyennes entreprises en Amérique latine.
«J’ai vite appris à tisser des liens avec les différentes communautés et à comprendre leurs véritables besoins, explique Mme Olarte. Le défi était de créer des solutions qui conviendraient à la fois à la clientèle et aux banques afin de rendre cet échange durable pour les deux parties.»
Elle le faisait très bien. En 2012, alors que la situation politique et sociale au Venezuela devenait intenable, Mme Olarte a malheureusement dû recommencer à zéro dans un nouveau pays. Elle a dû réapprendre les fondements mêmes du secteur bancaire et, surtout, veiller à ne pas perdre de vue sa raison d’être.
La Banque Scotia lui a offert un poste, qu’elle a accepté. Grâce à sa ténacité et à sa motivation, Mme Olarte a pu gravir les échelons de l’entreprise, passant de première directrice régionale, Risque de crédit aux particuliers à vice-présidente, Crédit à la consommation, pour finalement gérer la stratégie de technologie financière de la Banque. Elle occupe son poste actuel depuis 2022.
La clé du succès
L’approche de Mme Olarte en matière de services bancaires repose sur un principe simple : derrière chaque opération financière se cache une personne pleine d’espoirs, de peurs et de rêves.
Ses équipes conçoivent et déploient des programmes ciblés dans divers marchés afin d’offrir aux particuliers et aux petites entreprises l’accès aux solutions et au soutien dont ils ont besoin.
«Mon but a toujours été de déployer des programmes sur plusieurs marchés afin d’aider les gens à renforcer leur autonomie, explique Mme Olarte. Nous veillons à ce que tous les services que nous offrons correspondent aux besoins de notre clientèle. Certains aspects de ce métier nécessiteront toujours des interactions humaines.»
Mme Olarte contribue également à l’initiative Femmes de la Banque Scotia. À titre de membre du conseil d’administration, elle participe à la création de programmes visant à lever les obstacles du secteur bancaire auxquels les femmes des marchés qu’elle supervise doivent faire face.
«En Amérique latine, beaucoup de femmes n’ont pas accès aux services bancaires de base. Pourtant, ce sont souvent elles qui soutiennent financièrement leurs familles, explique Mme Olarte. Parfois, c’est une question d’éducation : elles ne savent pas qu’elles peuvent demander un prêt. D’autres fois, c’est une question de temps : elles n’obtiennent pas le soutien nécessaire.»
Grâce à cette initiative, des équipes enseignent désormais à ces femmes à gérer les entrées et sorties de fonds et à créer les réseaux professionnels dont elles ont besoin pour faire croître leur entreprise.
«De petits changements dans la façon dont les gens gèrent leurs finances suffisent pour avoir un effet déterminant sur ces communautés», soutient Mme Olarte.
Redonner au suivant
«Je ne serais pas là aujourd’hui si celles et ceux qui m’ont précédée ne s’étaient pas sentis responsables de me guider ou de me soutenir, confie Mme Olarte en parlant de son engagement envers la prochaine génération de banquières et banquiers, en particulier les femmes. Il m’appartient désormais de suivre leur exemple, et j’assume cette responsabilité avec le plus grand sérieux.»
Elle guide des mentorées et mentorés dans la mise en œuvre de «cercles» de soutien. Elle privilégie les petits réseaux de marraines et parrains qui peuvent défendre leurs intérêts aux échelons plus élevés ainsi que les petits réseaux de personnes qui valorisent leur travail. Elle précise qu’il leur revient de déterminer quels groupes de personnes peuvent répondre à leurs besoins.
«Je dois 99 % de mon succès aux leçons que j’ai apprises en cours de route et au fait d’avoir parlé aux bonnes personnes, explique Mme Olarte. Même si certaines personnes peuvent vous aider dans votre parcours, vous en êtes la seule ou le seul responsable.»
Selon elle, il y a quelque chose de puissant dans le fait de savoir que l’on peut vivre sa vie d’une manière qui est importante pour nous – et personne d’autre.
«Vous pouvez avoir une raison d’être pour guider chacune de vos actions, affirme Mme Olarte. Cette raison d’être peut s’étendre à votre vie personnelle, par exemple au soutien que vous offrez à votre famille et aux communautés et organisations dont vous faites partie.»
Votre influence dépassera vos attentes si vous croyez réellement en ce que vous faites. Cela fera également de vous une ou un leader hors pair.
«Les leaders d’exception sont celles et ceux qui vous inspirent… qui font naître une étincelle en vous, affirme Mme Olarte. Ces personnes vous incitent à aller de l’avant et restent à vos côtés à toutes les étapes du parcours. Leur but n’est pas de vous donner la solution, mais plutôt de vous guider vers votre destination.»
Elle s’appuie sur ces principes au quotidien.
«Je ressens le poids de ma responsabilité tous les jours, confie Mme Olarte. Vous devez toujours évaluer l’incidence de vos décisions sur les autres – votre clientèle, votre équipe et vos proches. N’oubliez pas votre raison d’être.»
Elle ajoute qu’il faut également savoir faire preuve de courtoisie.
Lorsqu’elle repense à son parcours, Mme Olarte se dit reconnaissante des expériences qu’elle a vécues. Avant tout, elle est reconnaissante d’avoir eu la chance de s’installer au Canada avec sa famille.
«Ce pays est devenu notre nouvelle maison. Il m’a permis de renouer avec ma passion, le secteur bancaire, et d’offrir à mes enfants, avec l’aide de mon mari, une seconde chance de grandir sans limites, se rappelle-t-elle. Maintenant, toutes mes décisions sont influencées par mon désir de créer cette même opportunité pour d’autres. Qui dit grande réussite, dit grande responsabilité.»
Cet article a été publié pour la première fois dans Women of Influence et est republié avec permission.