Ci-dessus : Summer Paul (Première Nation Sipekne’katik), Alexandria Francis (Première Nation Pictou Landing) et l’experte en broderie aux piquants de porc-épic Crystal Gloade (Première nation Millbrook) étudient une broderie de piquants au Smithsonian’s National Museum of the American Indian.
Les Mi’kmaq réclament le retour en Nouvelle-Écosse de milliers de biens culturels historiques qui se trouvent actuellement à la Smithsonian Institution, à Washington. Parmi ces biens, on retrouve des tenues de cérémonie, un wigwam et des jeux traditionnels.
Les biens, dont certains ont plus de 150 ans, sont des «pièces manquantes du puzzle» de l’histoire des Mi’kmaq, d’après Tim Bernard, directeur général du Mi’kmawey Debert Cultural Centre (MDCC), le musée qui accueillera ces artefacts traditionnels à Debert, en Nouvelle-Écosse. Il souligne que leur rapatriement contribuera à préserver les savoirs qu’ils renferment pour les générations futures.
«Ces biens me permettent de mieux comprendre ce que mes ancêtres devaient faire pour survivre», explique M. Bernard, originaire de la Première Nation Millbrook.
«En jetant un éclairage sur les arts, l’artisanat, les modes de vie et les habitations, comme les wigwams, la collection contribue à démystifier un passé un peu fragmenté, voire très fragmenté.»
L’ouverture du Mi’kmawey Debert Cultural Centre est prévue pour 2028. Sa vocation consiste à célébrer et explorer l’héritage culturel, les sites archéologiques et les enseignements des Mi’kmaq. Dans le cadre d’une collaboration de longue date, le MDCC et le Smithsonian’s National Museum of the American Indian planifient le retour au Canada de cette grande collection.
L’une des étapes les plus importantes de cet effort pluriannuel, appelé «Home to Mi’kmakik» (littéralement «Retour vers Mi’kma’ki), consiste à envoyer des artisans et artistes maîtrisant les méthodes traditionnelles de broderie perlée, de broderie de piquants de porc-épic et de vannerie au Smithsonian de Washington afin qu’ils puissent étudier les biens et assister la préparation de leur transport vers la Nouvelle-Écosse.
Dans le cadre du programme pour les artistes mi’kmaq émergents et émergentes, soutenu par la Banque Scotia, des artisans mi’kmaq se sont rendus à plusieurs reprises au Smithsonian afin de recenser, nettoyer et préparer les biens pour leur retour.
Crystal Gloade, brodeuse de piquants chevronnée originaire de la Première Nation Millbrook, dit se sentir comme «une enfant dans un magasin de bonbons» à la vue et au toucher des créations mi’kmaq de ses ancêtres :
«C’est incroyable pour moi d’être là et de pouvoir les tenir dans mes mains. Leur travail est si minutieux, les piquants et les couleurs sont d’une finesse exquise.»
Mme Gloade fait partie du groupe de dix créateurs et créatrices, dont deux apprentis, qui ont été envoyés au Smithsonian entre mars 2024 et janvier 2025.
«Ces objets font partie de notre patrimoine, de la culture que nous voulons transmettre, explique-t-elle. De savoir qu’ils vont revenir, c’est comme de retrouver leur trésor et de le ramener à la maison.»
La Banque Scotia a investi 300 000 $ sur trois ans pour soutenir ce programme par l’entremise de ScotiaINSPIRE, son initiative d’investissement communautaire de 500 millions de dollars visant à renforcer la résilience économique des personnes, des familles et des collectivités. Cela s’inscrit également dans le Plan d’action pour la vérité et la réconciliation de la Banque Scotia, lancé en 2024, qui comprend 37 engagements répartis en six axes stratégiques visant à rétablir des relations de confiance avec la clientèle, le personnel et les collectivités autochtones.
«La Banque Scotia est heureuse de pouvoir soutenir les démarches de rapatriement de ces biens aux communautés Mi’kmaq de Nouvelle-Écosse, affirme Nicola Ray Smith, première vice-présidente, région de l’Atlantique, Banque Scotia.
«Il est très important pour nous de collaborer avec les communautés autochtones et d’appuyer leurs démarches de réappropriation culturelle. La Banque Scotia s’est engagée à prendre des actions concrètes en soutien à la communauté, comme le développement de partenariats comme celui-ci, dans le cadre de son cheminement vers la réconciliation.»
La collection compte plus de 500 références dans son catalogue, mais chaque entrée peut correspondre à plusieurs objets distincts, tels qu’un jeu avec ses dés et ses pions, explique Sharron Farrell, directrice des collections du MDCC. Ce sont donc plusieurs milliers d’objets qui seront rapatriés en Nouvelle-Écosse.
«Les trésors cachés dans ces artefacts ne demandent qu’à être révélés, déclare Mme Farrell, membre de la Première Nation Miawpukek. Toutefois, plus nous devons attendre, plus nous perdons d’Aînés entretemps. Nous ressentons vraiment l’urgence de ramener ces biens chez nous, mais nous voulons bien sûr le faire correctement.»
Si certaines lois américaines restreignent le rapatriement de biens, notamment les objets historiques autochtones, le Canada n’impose aucune limite en la matière. Ainsi, les deux organisations se sont entendues pour qualifier le transfert de prêt à long terme au MDCC, pour une période de 20 à 25 ans, indique M. Bernard.
À l’heure actuelle, l’équipe de conservation du National Museum of the American Indian procède au nettoyage délicat des biens mi’kmaq et s’apprête à entamer la seconde partie de la collection.
Pendant ce temps, les plans pour la conception du MDCC progressent. Les travaux devraient commencer au printemps 2026 et la construction du bâtiment devrait durer environ 18 mois. Il faudra ensuite six mois de plus pour s’assurer que les systèmes respectent les normes, précise M. Bernard.
Rendus du Centre culturel Mi’kmawey Debert à Debert (N.-É.).
«Ce sera un musée de classe internationale, équipé de systèmes de contrôle climatique, explique Tim Bernard. Ces systèmes doivent être pleinement fonctionnels et inspectés par le National Museum of the American Indian pour garantir qu’ils sont bien mis au point.»
M. Bernard précise que la préparation des biens en vue de leur transport devrait suivre un échéancier similaire.
«Nous cherchons aussi à établir la façon optimale de procéder au transfert, tant du point de vue pratique que cérémonial», rapporte Mme Farrell.
Il s’agit d’un projet d’une grande complexité aux retombées durables.
Selon Tim Bernard, «ce rapatriement favorisera le processus de guérison de notre peuple, notre nation. Le projet Mi’kmawey Debert contribuera à notre guérison, car il permettra aux gens de mieux connaître notre passé. Ainsi, nos ancêtres pourront renouer avec la communauté.»
Summer Paul, une apprentie en broderie aux piquants de porc-épic de Mme Gloade et une participante du programme pour les artistes mi’kmaq émergents et émergentes, se dit fière de pouvoir contribuer à «écrire l’histoire».
Elle a été touchée par sa visite du Smithsonian avec Mme Gloade, qui est aussi sa tante, et la découverte des motifs élaborés en personne.
«J’essaie d’imaginer le contexte de l’époque et le processus créatif des artistes, ainsi que le temps et les efforts qu’il a fallu pour donner vie à ces œuvres», explique Mme Paul, qui est membre de la Première Nation Sipekne’katik.
Depuis, cette expérience inspire ses broderies et ses créations artistiques.
«Le fait de voir nos paniers et de constater la quantité d’épinette utilisée dans leur confection m’a profondément éclairée, témoigne Mme Paul. À présent, je souhaite essayer de reproduire moi-même un de ces paniers à la manière de mes ancêtres.»