Photo ci-dessus : Janna Wale, responsable de la recherche et des partenariats autochtones au Pacific Institute for Climate Solutions
Pendant des millénaires, les communautés autochtones côtières des territoires qui forment aujourd’hui la Colombie-Britannique ont aménagé des jardins de mer qui abritaient diverses espèces cultivées, comme les palourdes, afin de subvenir aux besoins de leurs communautés.
La méthode la plus efficace pour aménager ces jardins consiste à dresser un mur de pierres le long de la plage, à marée basse. Les mouvements de la marée entraînent l’accumulation de sédiments entre les pierres, formant ainsi un environnement propre et idéal pour les palourdes et la vie marine.
Les jardins de mer sont l’une des méthodes de production alimentaire les plus durables que les communautés autochtones font revivre afin de nous guider vers l’action et l’adaptation climatiques, nous explique Janna Wale, qui occupe le poste de responsable de la recherche et des partenariats autochtones au Pacific Institute for Climate Solutions.
Janna Wale est Gitksan, membre de la Première Nation Gitanmaax, et Crie-Métisse. Elle vit à Nanaimo, en Colombie-Britannique. Titulaire d’une maîtrise en sciences et durabilité de l’Université de Colombie-Britannique (campus d’Okanagan, à Kelowna), elle conjugue les savoirs autochtones et les sciences climatiques occidentales afin de renforcer la résilience des communautés autochtones aux changements climatiques.
La communauté de Mme Wale se trouve plus loin des rivages que celles qui bâtissent, cultivent et préservent les jardins de mer. Depuis plusieurs années, sa communauté constate une baisse marquée des populations de saumon dans les cours d’eau, ainsi que des changements dans le comportement alimentaire hivernal de l’orignal. Ces observations témoignent des profondes répercussions des changements climatiques sur la faune, que les communautés autochtones observent et documentent depuis des générations. Selon la chercheuse, les Canadiens et Canadiennes devraient investir autant d’efforts dans l’adaptation au climat que dans la lutte contre le réchauffement.
D’après les Nations Unies, l’adaptation aux changements climatiques vise à en réduire les conséquences négatives tout en renforçant la résilience lors de catastrophes naturelles, telles que les inondations, les sécheresses et les feux de forêt. Nous pourrions, par exemple, privilégier la construction de maisons hors des zones à risque d’inondation, ou la construction de maisons sur pilotis pour minimiser les dégâts. Il est aussi possible d’effectuer des brûlages dirigés en forêt pour éliminer les feuilles mortes et les branches sèches, qui peuvent entraîner des incendies incontrôlables.
Mme Wale explique que les communautés autochtones pratiquent souvent des brûlages dirigés, ou brûlages culturels, afin de limiter l’accumulation de débris végétaux dans les forêts, qui alimentent des feux de forêt plus violents. Ils améliorent également la santé du sol, réduisent la présence d’espèces envahissantes et stimulent une repousse riche en nutriments, ajoute-t-elle.
Lors d’un événement organisé par la Banque Scotia à l’intention de tout le personnel, Janna Wale a expliqué que «les changements climatiques nous accompagneront toute notre vie et c’est en nous y adaptant le plus rapidement possible que nous pourrons améliorer notre sort.»
Selon un rapport de l’Institut climatique du Canada, chaque dollar investi dans l’adaptation au climat rapporte entre 13 $ et 15 $ en retombées directes ou indirectes au fil des années.
Les effets des changements climatiques se font sentir plus fortement dans les communautés autochtones.
Mme Wale était conférencière principale lors de la webdiffusion de la Journée de la Terre organisée par la Banque Scotia, axée sur l’action climatique inclusive et la relation étroite entre réconciliation et enjeux climatiques.
Sa présentation a mis en lumière l’injustice climatique vécue par les communautés autochtones et la manière dont leurs savoirs participent à la recherche de solutions.
«Dans ma jeunesse, ma famille mettait deux jours à pêcher suffisamment de saumon pour se nourrir, expliquait Janna Wale. Pourtant, l’été avant ma 11e année, il nous a fallu des semaines pour nous assurer d’avoir assez de poissons pour nourrir nos familles pendant l’hiver.»
Saumon récolté, découpé et stocké par la famille de Janna Wale en Colombie-Britannique.
Mme Wale souligne que les conséquences des changements climatiques suscitent un sentiment d’anxiété chez de nombreuses personnes, autochtones ou non, à l’échelle du pays. La conférencière a donc présenté une adaptation d’un savoir qui lui a été transmis par ses Aînés et qui vise à ralentir les effets du réchauffement climatique :
«Le principe des sept générations consiste à prendre en considération les impacts de nos façons de faire et de nos décisions actuelles sur les sept prochaines générations. Lorsque l’on applique ce principe à l’anxiété liée aux bouleversements climatiques, les enseignements nous rappellent qu’il ne revient pas à nous de régler tous les problèmes tout de suite.»
Dans le cadre de son parcours de réconciliation, la Banque Scotia a établi un Plan d’action pour la vérité et la réconciliation, lequel comprend 37 engagements visant à bâtir des relations de confiance entre la Banque et les communautés, le personnel et la clientèle autochtones. Ce plan d’action privilégie l’environnement, l’établissement de relations de confiance avec les personnes issues des communautés autochtones, ainsi que l’appui à une transition mondiale vers une économie à faible empreinte carbone et à résilience climatique.
Selon Janna Wale, la réconciliation repose sur les relations ainsi que sur la «reconnaissance des torts causés et un sincère effort pour reconstruire la confiance». Cela comprend, entre autres, la réappropriation des savoirs traditionnels et la revitalisation de pratiques durables, comme les jardins de mer.
En changeant notre façon de voir la terre pour la considérer à la fois comme une ressource et comme un membre de la famille, nous pouvons réparer les relations entre nous et construire un avenir «plus juste, plus équilibré et plus durable», affirme-t-elle également.
Mme Wale précise que l’élaboration de solutions équilibrées passe par la reconnaissance de la valeur scientifique des savoirs autochtones.
«Forte de ses 14 000 années d’expérience sur ce territoire, ma communauté dispose des connaissances et de la volonté nécessaires pour participer à la création de solutions aux enjeux climatiques. Pour y parvenir, il est essentiel de porter une attention consciente à la composition des cercles décisionnels», explique-t-elle.