En 2012, lorsqu’Alep – l’une des plus anciennes villes du monde encore habitées et le centre industriel et financier de la Syrie – est devenue le principal champ de bataille du soulèvement contre le président syrien Bachar al-Assad, la famille de Tony Jabbour a perdu sa maison et son entreprise de toiture et d’étanchéité en pleine croissance. Avec ses parents et ses sœurs, monsieur Jabbour a été contraint de fuir sa ville et de trouver un endroit plus sûr en Syrie pour repartir à zéro.

Ils ne sont pas les seuls. Selon un rapport de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) publié en 2023, un déplacé interne sur trois demeure en Syrie, après plus de dix ans de conflit.

« Beaucoup de personnes quittent leur pays dès le début d’un conflit, explique monsieur Jabbour, aujourd’hui partenaire de recrutement à Jumpstart Refugee Talent. J’ai choisi de rester et d’essayer d’aider d’autres Syriens déplacés parce que j’avais vécu la même expérience et que je comprenais les difficultés qu’ils éprouvaient. » Depuis 2016, cet organisme sans but lucratif dirigé par des réfugiés aide les réfugiés récemment établis à trouver un emploi intéressant ou des occasions d’entrepreneuriat.

En Syrie, monsieur Jabbour, qui parle couramment l’anglais et l’arabe, avait sollicité du financement auprès d’organismes internationaux pour aider ses compatriotes à rouvrir leurs entreprises ou à trouver un emploi. Toutefois, les préoccupations croissantes liées à la sécurité l’ont contraint à se réfugier au Canada en 2019. Sa famille l’a rejoint à la fin de 2021; ils vivent maintenant tous dans la région du Grand Toronto.

Il y a six mois, après avoir occupé des postes dans quelques entreprises, monsieur Jabbour s’est joint à l’organisme Jumpstart, basé à Toronto. Il fait partie de l’équipe responsable du Talent Hub, un programme de placement virtuel qui propose un accompagnement individualisé aux réfugiés : on évalue leurs besoins professionnels, on établit un plan de carrière, on les aide à rédiger un CV et à se préparer à une entrevue avec un employeur canadien. Le Hub défend également les intérêts des réfugiés auprès des employeurs et travaille avec ces derniers pour favoriser l’embauche de réfugiés.

Tony Jabbour

Photo : Tony Jabbour


Dans le cadre de ScotiaINSPIRE – une initiative de la Banque Scotia, qui s’est engagée à investir 500 millions de dollars sur dix ans pour soutenir la résilience économique des groupes défavorisés –, Jumpstart Refugee Talent a reçu 500 000 dollars en financement communautaire sur deux ans. Cette somme aidera l’organisme à offrir davantage de services et à accélérer son travail auprès des réfugiés.

« Pour une personne qui commence une nouvelle vie, se trouver un emploi intéressant est essentiel, déclare Maria Saros, vice-présidente et directrice mondiale, Impact social, à la Banque Scotia. C’est pourquoi ScotiaINSPIRE s’engage à éliminer les obstacles qui se dressent contre l’avancement professionnel des groupes défavorisés ou sous-représentés, tels que les réfugiés. Nous sommes fiers de soutenir l’organisme Jumpstart Refugee Talent et les efforts qu’il déploie pour aider les réfugiés à se construire une vie de qualité au Canada. »

Selon Jumpstart, la société canadienne et l’économie ont tout à gagner en mettant à profit les compétences des réfugiés, plutôt que de les voir commencer au bas de l’échelle. « Nous sommes reconnaissants à la Banque Scotia d’avoir eu la perspicacité d’assurer l’avenir du Canada par l’accélération de l’inclusion économique des réfugiés, dit Darrell Pinto, directeur de l’emploi à Jumpstart Refugee Talent.

« Grâce à l’investissement de ScotiaINSPIRE en grande partie, Jumpstart a aidé plus de réfugiés à trouver des emplois intéressants cette année. Nous avons augmenté de 80 % le nombre d’employeurs canadiens (dont la Banque Scotia) avec lesquels nous avons collaboré. Nous avons constaté une augmentation de 181 % des recommandations de réfugiés présélectionnés à des postes vacants, un bond de 266 % du nombre d’entrevues et une croissance de 294 % du nombre d’embauches. »

À la fin de 2022, monsieur Jabbour faisait partie des quelque 108,4 millions de personnes au monde qui, selon les données du HCR, ont été déplacées de force en raison de persécutions, de conflits, de violences et de violations des droits de la personne. Rien que l’année dernière, 19 millions de personnes ont été déplacées, ce qui représente la plus forte augmentation sur un an. Bien que de nombreux déplacés ne quittent jamais leur pays d’origine, le nombre de réfugiés à travers le monde a grimpé à 35,3 millions en 2022, alors qu’il était de 27,1 millions un an plus tôt – c’est la plus forte augmentation enregistrée, selon le HCR. Plus de 52 % de ces réfugiés venaient de trois pays seulement : la Syrie (6,5 millions), l’Ukraine (5,7 millions) et l’Afghanistan (5,7 millions).

En 2021, le Canada a accueilli plus de 130 000 réfugiés. Le gouvernement canadien s’est engagé à accueillir au moins 40 000 réfugiés afghans au cours des deux prochaines années, ce qui augmentera probablement dans les années à venir le nombre total de réfugiés qui auront besoin d’aide pour s’intégrer dans la société.

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Les réfugiés vivent une meilleure expérience lorsqu’ils se sentent accueillis par les Canadiens

Tony Jabbour, partenaire de recrutement à Jumpstart Refugee Talent

Pour de nombreux réfugiés, la langue représente un obstacle majeur. Selon monsieur Jabbour, sa maîtrise de l’anglais lui a facilité la tâche. « Je passais des heures à marcher dans le centre-ville de Toronto et à parler avec les gens pour me faire une idée de la communauté. » Il recommande à tous les réfugiés d’apprendre dès que possible la langue – l’anglais ou le français – et de la maîtriser.

Un autre défi de taille, c’est de trouver un logement. Monsieur Jabbour a indiqué que la plupart des propriétaires demandent une cote de crédit, mais lorsque les réfugiés arrivent, ils n’en ont pas. « J’ai eu la chance de pouvoir rester chez mon cousin pendant près d’un an, ce qui m’a permis de trouver un emploi, d’améliorer mon dossier de crédit et d’emménager enfin dans mon logement. »

Or, la recherche d’emploi pourrait bien être le plus grand obstacle. Celle de monsieur Jabbour a été entravée par l’assaut de la COVID-19, et il lui a fallu plus de six mois pour trouver du travail. Il a obtenu son premier emploi dans une entreprise qui aidait des organismes à recueillir des fonds.

Monsieur Jabbour aurait aimé connaître l’existence de Jumpstart Refugee Talent à son arrivée. « Lorsque j’ai appris ce que Jumpstart tentait d’accomplir, la manière dont il s’y prenait et toutes les initiatives qu’il souhaitait mettre en place, précise-t-il, j’ai voulu m’impliquer pour soutenir les réfugiés qui arrivent au Canada. »

Sign at airport: "Welcome to Canada Syrian Families"

Photo : Signe accueille Syriens déplacés


Le message qu’il envoie aux employeurs canadiens : il faut donner aux réfugiés la possibilité de faire leurs preuves. Pour les employeurs, la meilleure façon de trouver des réfugiés à embaucher, c’est de contacter Jumpstart. « Nous avons plus de 2 500 clients à la recherche d’un emploi et nous travaillons avec les employeurs pour faciliter leur embauche. »

L’année dernière, Jumpstart a servi 1 839 réfugiés de 63 pays, a aidé quelque 460 clients à trouver un emploi intéressant et a établi des relations avec 104 employeurs.

Monsieur Jabbour croit que nous avons tous un rôle à jouer dans l’accueil des réfugiés. « Si vous savez qu’un réfugié vit près de chez vous, parlez-lui, offrez-lui la possibilité de pratiquer la langue, donnez-lui un sentiment d’appartenance. Soutenez aussi les entreprises dirigées par des réfugiés. »

Il recommande également de faire du bénévolat auprès d’un organisme d’aide aux réfugiés. Les professionnels peuvent devenir des mentors et aider les réfugiés à se bâtir un réseau qui fera progresser leur carrière.

« Les réfugiés vivent une meilleure expérience lorsqu’ils se sentent accueillis par les Canadiens, soutient monsieur Jabbour. »

La liberté, la sécurité et la paix sont des choses que beaucoup tiennent pour acquises. « On ne se rend pas compte de leur importance tant qu’on n’a pas eu à fuir pour sauver sa peau, déclare-t-il. Les réfugiés à qui je parle me disent qu’ils sont reconnaissants envers le Canada, qui leur a ouvert ses portes et leur a donné la chance d’être libres. »

« En fin de compte, je mérite de vivre en paix. Je mérite d’être libre. Je mérite le respect. Je mérite une vie où chaque jour, je n’ai pas à m’inquiéter qu’il m’arrive quelque chose, à moi ou à ma famille ».