- La croissance record de la population oblige à redresser à la hausse les prévisions de l’activité économique pour cette année et l’année suivante.
- C’est sur la consommation et l’offre de travailleurs que l’impact de cet essor économique se fait le plus sentir.
- La vigueur de la croissance de la population nous amène à hausser notre estimation de la production potentielle, de sorte que les pressions inflationnistes qui découlent de l’écart de production sont essentiellement les mêmes que dans nos prévisions précédentes. Nous nous attendons toujours à ce que l’inflation atteigne la cible de 2 % de la Banque du Canada en 2025.
- En raison de la stabilité de l’écart de production et de l’inflation par rapport à nos précédentes prévisions, nous restons d’avis que la Banque du Canada maintiendra ses taux aux niveaux actuels jusqu’au T2 de 2024; elle entamera alors une série de baisses graduelles.
- Comme dans nos précédentes prévisions, les risques pour le parcours de taux basculent à la hausse en raison des plus récentes révisions apportées à la hausse à la croissance dans une série de redressements haussiers.
Il est à nouveau nécessaire de réviser à la hausse les prévisions pour le Canada. Les données publiées jusqu’à maintenant cette année restent étonnamment solides, surtout dans les secteurs de l’économie sensibles aux taux d’intérêt, ce qui s’explique essentiellement par la demande refoulée résiduelle pour la consommation et le logement, qui sont tous deux liés, en partie, à l’augmentation sans précédent de la population constatée au Canada (parmi un vaste ensemble d’autres facteurs). Ces hausses ont dynamisé la demande : les nouveaux résidents achètent des biens et des services; or, elles ont probablement aussi amorti la pression haussière qui s’exerce sur les salaires lorsqu’ils font partie de la population active, en musclant l’offre de travailleurs. Ce bond dans la croissance de la population nous amène à réviser d’environ 0,2 % par an, ce qui cadre avec les propres révisions apportées par la Banque du Canada à cet indicateur de l’activité, notre estimation de la production potentielle — soit le taux de croissance non inflationniste de l’économie. C’est ce qui nous amène à réviser à la hausse nos prévisions pour l’activité économique au Canada cette année et l’an prochain : nous nous attendons à des impacts minimes sur nos prévisions inflationnistes, puisque l’écart de production — indicateur des pressions inflationnistes qui s’entend de la différence entre la production réelle et la production potentielle – ne bouge relativement pas. C’est pourquoi, dans cette mise à jour des prévisions, nous ne nous attendons pas à des variations dans nos perspectives de taux par rapport aux prévisions précédentes, malgré cette plus forte croissance.
Le rythme fulgurant de la croissance de la population fixe très haut la barre par rapport à laquelle nous entrevoyons des reculs purs et simples dans l’activité économique. C’est pourquoi aujourd’hui nous nous attendons uniquement à une légère baisse trimestrielle de l’activité économique au T1 de 2024 et à une légère croissance de 0,2 % au T4 de 2023, dans la foulée d’un gain de 0,7 % au T3 de 2023. Nous nous attendions auparavant à de très légères baisses de la croissance du PIB au T3 comme au T4 de 2023.
Il faut envisager dans un contexte historique la hausse spectaculaire de la croissance démographique et son impact sur l’activité économique pour vraiment apprécier le résultat extraordinaire. La croissance démographique est sur le point de dépasser le taux de croissance sans précédent constaté l’an dernier, alors qu’un million de nouveaux résidents environ s’étaient installés au pays. La croissance démographique du T2 de 2023 représente quasiment le triple de la moyenne statistique d’avant la pandémie (graphique 1). Ce rythme record s’est accéléré au cours de la fin du deuxième trimestre, ce qui plante le décor pour une accélération encore plus forte au troisième trimestre. Grâce à ces puissants vents favorables, il paraît très improbable que l’économie se contracte dans le trimestre en cours.
En outre, cette croissance de la population concourt à la vigueur de la consommation constatée jusqu’à maintenant cette année. Il y a un certain temps, nous avons parlé, dans ces pages, de la demande refoulée des ménages, qui était appelée à se traduire par une forte consommation. C’est ce qui s’est passé de toute évidence. Même si la demande refoulée exprimée pour les biens et les services se ralentit petit à petit alors que la consommation reste vigoureuse (graphique 2), la hausse de la population fait en sorte que la demande exprimée pour les biens et les services est plus forte que ce que nous avions cru possible.
Si la vigueur de la croissance de la population hausse évidemment la croissance, le PIB réel par habitant dresse un portrait différent. La croissance de la population dépasse celle de l’économie, et ce faisant, elle fait baisser la production par habitant. Il n’est guère étonnant, dans ce cas, que les Canadiens et les Canadiennes indiquent qu’ils sont mal à l’aise avec la situation de l’économie, même si les perspectives sont meilleures que prévu auparavant. Il se pourrait qu’il n’y ait pas de récession technique (soit deux trimestres de baisse de l’activité économique) dans ce pays quand on examine le PIB; or, nous devrions cette année être témoins d’une baisse considérable du PIB réel par habitant.
Compte tenu de la révision à la hausse de la production potentielle, qui concorde essentiellement avec l’augmentation du PIB réel, nous nous attendons à ce que les pressions inflationnistes cadrent avec ce à quoi nous nous attendions dans les dernières prévisions. L’inflation de synthèse devrait continuer de baisser graduellement, puisque l’impact des faits qui se sont produits il y a un an (essentiellement, la flambée des prix de l’essence) se répercute sur les données entrantes. Nous nous attendons à ce que l’inflation totale s’établisse à une moyenne de 3,7 % cette année et plonge à 2,4 % l’an prochain. Les baromètres de base de l’inflation fondamentale devraient suivre un parcours comparable à celui des impacts de la politique monétaire sur notre production cumulée. L’inflation, totale ou fondamentale, devrait revenir sur la cible de 2 % de la Banque du Canada en 2025.
En révision des prévisions relativement stables de l’inflation par rapport à nos prévisions précédentes, nous n’avons pas modifié nos prévisions de taux au Canada. Nous croyons que le cycle de durcissement de la Banque du Canada tire à sa fin et qu’elle entamera une série de baisses graduelles à partir du T2 de 2024. Il va de soi que cet avis est conditionné au ralentissement économique que nous projetons. Si l’économie reste plus vigoureuse ou que les mesures fondamentales de l’inflation restent obstinément supérieures à 3 %, le gouverneur Macklem devrait hausser encore les taux. C’est pourquoi les risques du taux directeur à court terme sont manifestement à la hausse.
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