TRAITS DOMINANTS
Presque toutes les provinces canadiennes sont censées connaître un ralentissement en 2025 (graphique 1). Bien que l’économie canadienne ait entamé l’année en force, la croissance devrait se ralentir en 2025 dans le sillage de la guerre commerciale déclenchée par les États-Unis et des changements apportés à la politique migratoire du Canada. La hausse du chômage et la baisse de la croissance de la population pèseront sur la progression de la consommation, et dans le marché du logement, l’activité a été freinée parce que les ménages reportent les achats importants. Il est probable que les exportations diminuent à cause des droits de douane et des retombées du ralentissement de la croissance de l’économie américaine. Nous nous attendons à ce que dans le centre du Canada, la croissance soit inférieure à la moyenne nationale, compte tenu de la plus grande exposition de ces provinces aux risques commerciaux (graphique 2). Même si nous continuons de croire qu’on évitera une récession, la mesure dans laquelle les droits de douane se répercuteront finalement sur l’économie — en plus de la possibilité que de nouveaux droits de douane soient imposés — est très incertaine. Les mesures adoptées dans les politiques fédérales et provinciales pourraient muscler l’activité économique, surtout dans le moyen terme. Ceci dit, les droits de douane et l’impact de la forte incertitude viendront probablement plomber la croissance dans toutes les régions du pays dans le court terme et aggraver les effets de la brusque réduction de la croissance de la population.
LÉTHARGIE DE LA CONSOMMATION DES MÉNAGES
La croissance des dépenses des ménages est appelée à se ralentir. La consommation des ménages a entamé l’année en force, grâce aux baisses de 225 points de base des taux d’intérêt de la Banque du Canada entre juin 2024 et mars 2025. Malgré les droits de douane et l’incertitude qui s’est fait jour au début de l’année, les ventes au détail du T1 ont été à nouveau solides dans l’ensemble, même si elles ont été portées dans une certaine mesure par les ventes de véhicules avancées à mars pour éviter les droits de douane qui sont entrés en vigueur en avril et se sont révélées léthargiques dans les économies les plus exposées aux droits de douane de l’Ontario et du Québec (graphique 3). Les données d’avril et de mai nous apprennent que les ventes de véhicules se ralentissent au T2, et nous nous attendons à ce que cette évolution se poursuive jusqu’à la fin de l’année. En outre, le rétablissement des prêts hypothécaires à des taux d’intérêt supérieurs est appelé à continuer de plomber le marché, d’autant plus que nous nous attendons à ce que la Banque du Canada s’abstienne d’abaisser encore les taux jusqu’à l’an prochain.
La léthargie de la conjoncture du marché du travail laisse entrevoir une croissance anémique de la consommation. L’économie tourne en deçà de son potentiel depuis le milieu de 2023, et les gains de l’emploi accusent constamment des retards par rapport à l’augmentation rapide de la population active, ce qui explique la hausse des taux de chômage dans l’ensemble du pays. La guerre tarifaire a dégradé encore plus le marché du travail : dans cinq provinces, il y a eu moins de travailleurs en mai qu’en février (graphique 4). L’Ontario a perdu environ 30 000 emplois en mars comme en avril, et dans l’Île‑du‑Prince‑Édouard, l’emploi accuse une baisse de plus de 2 % sur les trois derniers mois. Or, dans certaines provinces, l’emploi est plus résilient : quelques provinces, dont Terre‑Neuve‑et‑Labrador et la Saskatchewan, constatent même de vigoureux gains de l’emploi depuis le début de la guerre tarifaire. Nous nous attendons à ce que le marché du travail reste atonique, même si la croissance de l’emploi pouvait commencer à surpasser la progression de la population en raison du ralentissement de l’immigration, ce qui fera baisser les taux de chômage en 2026.
L’INVESTISSEMENT APPORTE UN CONCOURS POSITIF À LA CROISSANCE
Le marché du logement est léthargique. Les ventes de logements existants se sont ralenties dans certaines provinces — surtout les marchés les plus chers de la Colombie-Britannique et de l’Ontario, après le déclenchement de la guerre commerciale. Toutefois, sur le marché du logement, l’activité dans les provinces à l’est de l’Ontario a été remarquablement résiliente. En Colombie-Britannique et en Ontario, les nouvelles mises en chantier de logements continuent d’évoluer tendanciellement à la baisse; pourtant, la construction résidentielle a apporté un concours positif à la croissance au T1 dans la plupart des provinces, surtout la Saskatchewan (graphique 5). L’apaisement de l’incertitude économique aurait pour effet de déverrouiller la demande refoulée, essentiellement en Ontario et en Colombie-Britannique, provinces dans lesquelles les rythmes des ventes actuels restent inférieurs aux niveaux fondamentaux et dans lesquelles les nouvelles mises en chantier de logements évoluent tendanciellement à la baisse depuis un certain temps. La baisse des taux d’intérêt ferait souffler de nouveaux vents contraires sur la construction d’habitations, tout autant que les nouvelles initiatives de l’État pour étayer la construction de logements. Ceci dit, le ralentissement de l’immigration réduira en partie la demande de logements, surtout dans les grandes villes, qui constatent depuis longtemps qu’elles accueillent plus que leur juste part de nouveaux arrivants au Canada. En outre, le gouvernement fédéral a annulé la TPS pour les primo-accédants qui achètent les logements neufs dont la valeur peut atteindre 1 million de dollars et a réduit la TPS sur les nouveaux logements dont le prix varie entre 1 million et 1,5 million de dollars pour les primo-accédants. Cette politique aura pour effet d’augmenter la demande de logements; toutefois, d’autres facteurs comme l’incertitude tarifaire et le ralentissement des marchés du travail seront probablement prépondérants dans le court terme.
Les investissements des entreprises reprennent du mieux après avoir sombré dans une torpeur. En 2024, le Canada est resté fidèle à son faible niveau d’investissements des entreprises : la plupart des provinces ont comptabilisé une croissance modeste (ou négative) de ces investissements, à l’exception de la Nouvelle-Écosse et de l’Île-du-Prince-Édouard, qui ont inscrit des hausses d’environ 15 % et 5 % respectivement. L’année 2025 a mieux commencé, puisque jusqu’à maintenant, toutes les provinces sont en voie de surpasser leurs chiffres de 2024 — hormis la Nouvelle-Écosse, qui a accusé un léger repli après avoir démarré 2024 en trombe (graphique 6). Si la guerre tarifaire et l’incertitude liée à cette guerre sont évidemment négatives pour les investissements des entreprises, les perspectives à moyen terme sont prometteuses, puisqu’il y a de nombreux projets majeurs en gestation. Les intentions du gouvernement fédéral d’écourter considérablement les délais d’approbation des grands projets et de recenser et de mettre en œuvre les projets d’« intérêt national » devraient donner lieu à de nombreux projets significatifs, qui viendront s’ajouter aux projets en gestation.
LES EXPORTATIONS SONT APPELÉES À DÉGRINGOLER À CAUSE DE LA GUERRE COMMERCIALE
La forte croissance des exportations du T1 se ralentira. Au T1, les exportations canadiennes ont été considérables (graphique 7) parce que les entreprises américaines ont acheté des produits supplémentaires en prévision des droits de douane qui allaient être imposés, ce qui a musclé la croissance de l’économie canadienne au début de l’année. On a constaté que cet impact commençait à se dénouer dans les données sur les exportations pour avril, qui faisaient état des chiffres mensuels les plus faibles depuis 2021 pour les exportations de biens et de marchandises canadiennes. Ces exportations devraient probablement rester léthargiques jusqu’à la fin de l’année, en raison des droits de douane continus (et récemment haussés), de même qu’à cause des retombées du ralentissement de la croissance de l’économie américaine en raison de la guerre commerciale déclenchée par les États-Unis. Si l’élimination des droits de douane américains imposés au Canada avait pour effet de dynamiser les perspectives canadiennes, tant et aussi longtemps que les États-Unis continueront d’imposer de lourds droits de douane à leurs partenaires commerciaux (surtout la Chine), la croissance de l’économie américaine est appelée à se ralentir encore, ce qui continuera de peser sur les exportations canadiennes.
Les sanctions tarifaires chinoises ont elles aussi des répercussions. Si au Canada (à bon droit), l’attention a surtout été monopolisée par la guerre commerciale déclenchée par les États-Unis, les tarifs imposés par la Chine, soit 25 % sur les produits de la mer et 100 % sur certains produits du canola, ont des incidences dans certaines régions du Canada, surtout les provinces de l’Atlantique et des Prairies. La Nouvelle-Écosse est la province la plus fortement sanctionnée, puisqu’environ 9 % du total de ses exportations sont pénalisés par ces droits de douane, surtout le homard. Terre‑Neuve‑et‑Labrador et la Saskatchewan constateront elles aussi les impacts de ces droits de douane sur leurs exportations de crevettes et du tourteau de canola respectivement.
LES VENTS CONTRAIRES DE LA DÉMOGRAPHIE
Les facteurs démographiques ont une forte incidence sur les perspectives de croissance à plus long terme des provinces. Le repli de l’admission des résidents permanents ainsi que la contraction substantielle du nombre de résidents non permanents ralentissent sensiblement la croissance de la population en général et de la population active dans tout le Canada (graphique 8). Les politiques du gouvernement fédéral consistent à réduire significativement le nombre de résidents non permanents (RNP), surtout parce qu’on délivre moins de permis d’études et de permis dans le cadre du Programme de mobilité internationale. En raison des changements intervenus dans la politique migratoire, la croissance de la population est très limitée depuis le début de 2025. (On estime que la population de Terre‑Neuve est inférieure à ce qu’elle était il y a six mois.) Cette tendance devrait se poursuivre, puisque le gouvernement fédéral a l’intention de réduire la proportion des RNP pour qu’elle passe de 7,3 % de la population totale à la cible de 5 % d’ici la fin de 2027. Dans notre scénario référentiel, nous prévoyons que la croissance de la population se ralentira pour s’établir à 1,0 % en 2025 et à 0,5 % en 2026.
La baisse du nombre de résidents non permanents sera un facteur clé dans le modelage des différentes prévisions pour les provinces. Nous nous attendons à ce que l’Ontario et la Colombie-Britannique (CB) accusent le coup des effets les plus prononcés des nouvelles politiques migratoires du gouvernement fédéral parce que ces provinces comptabilisent un nombre considérable d’étudiants internationaux et qu’elles ont effectivement inscrit, depuis le début de l’année, les ralentissements les plus importants dans la croissance de leur population. Or, les provinces de l’Atlantique ont connu les ralentissements les plus brusques, puisqu’elles sont aussi confrontées à une forte baisse de la migration interprovinciale nette. Le Québec est moins pénalisé parce qu’il a accueilli un moins grand nombre d’étudiants internationaux; toutefois, le durcissement des règles de l’Étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) finira par peser sur cette province, puisqu’elle est tributaire de cette main‑d’œuvre.
La migration interprovinciale continue de représenter une difficulté pour les provinces de l’Atlantique. Si le courant des Ontariens qui s’installent dans l’Est — pendant ce qui s’est amorcé pendant la pandémie — se poursuit, il se ralentit rapidement. En outre, les provinces de l’Atlantique comptabilisent aujourd’hui une perte nette de résidents qui vont s’installer en Alberta et au Québec, ainsi que des influx nets modestes (et ralentis) depuis les autres provinces (graphique 9). Ces tendances devraient perdurer, et à l’heure où le mouvement des Ontariens qui vont s’installer dans les provinces de l’Atlantique continue de se ralentir, cette région pourrait connaître une migration interprovinciale nette stagnante, voire négative, ce qui pèsera, de concert avec le ralentissement de la migration internationale, sur les perspectives de croissance des provinces de l’Atlantique.
COLOMBIE-BRITANNIQUE
La croissance de l’économie de la Colombie-Britannique a été légèrement inférieure à la moyenne nationale en 2024. Cette croissance a essentiellement été portée par l’industrie des services, puisque l’industrie des biens a continué d’affronter des vents contraires, doublés d’une contraction de l’activité dans le bâtiment. La croissance des ventes au détail a été amoindrie pendant la plus grande partie de 2024; toutefois, à la fin de 2024 et au début de 2025, les dépenses de consommation se sont relevées en réaction à la baisse des taux d’intérêt. Depuis, cet élan s’est modéré sur fond d’escalade de l’incertitude et en raison des vents contraires liés aux tarifs douaniers. De même, en Colombie-Britannique, les ventes de logements, qui avaient commencé à progresser au T4 de 2024, se sont repliées au début de 2025 pour atteindre le rythme désaisonnalisé le plus faible depuis le milieu de 2023.
Si le taux de chômage de la CB reste inférieur à la moyenne nationale, il a augmenté, depuis la fin de 2024, pour surpasser légèrement sa moyenne prépandémique — malgré les gains de l’emploi dans les cinq premiers mois. Cette progression est essentiellement attribuable au rebond du taux de participation au marché du travail, qui avait fléchi pendant une grande partie du deuxième semestre de 2024, alors que la croissance de l’emploi de cette province était anémique.
Bien que la diversification de l’ensemble de ses exportations lui permette d’amortir dans une certaine mesure les impacts de la guerre commerciale américaine, la CB affronte peut-être les vents contraires démographiques les plus violents de toutes les provinces. La CB réunit la part la plus forte de résidents non permanents et constate déjà de brusques baisses dans les influx migratoires (graphique 10). Ces vents contraires démographiques pèseront sur la croissance, notamment en limitant la demande exprimée pour les nouveaux logements. En CB, les mises en chantier de logements évoluent tendanciellement à la baisse depuis le milieu de 2023 et partant, la construction d’habitations pourrait plomber à nouveau l’ensemble de la croissance en 2025, surtout si les taux d’intérêt restent plus élevés pour plus longtemps. Toutefois, le gouvernement provincial est en train de rehausser les dépenses en immobilisations publiques, ce qui permettra de contrer le ralentissement continu dans la construction de logements.
ALBERTA
L’Alberta s’est inscrite en 2024 au troisième rang des provinces pour le rythme de croissance, puisqu’elle a continué de miser sur ses ressources naturelles et sur ses gains de population — qui ont été portés par la migration internationale et interprovinciale à la fois. Les ventes au détail ont été solides : elles ont explosé au quatrième trimestre l’an dernier grâce aux dépenses de consommation, qui ont réagi à la baisse des taux d’intérêt. Dans le secteur du logement, l’activité est restée relativement stable en 2024 sur fond de croissance vigoureuse de la population; elle s’est toutefois repliée au début de 2025 pour atteindre, dans la foulée des tensions commerciales avec les États-Unis, le rythme désaisonnalisé le plus faible depuis le premier semestre de 2023. Or, le taux de chômage de l’Alberta reste légèrement supérieur à la moyenne nationale et augmente depuis la fin de 2024 parce que les niveaux de l’emploi ont légèrement fléchi dans les cinq premiers mois de l’année en raison des vents contraires que font souffler les tarifs douaniers et l’incertitude.
Nous nous attendons à ce que cette province s’inscrive en tête de liste, en 2025, pour la croissance de l’économie des provinces. Si la croissance de la population s’est ralentie, cette province est toujours une destination attrayante pour les migrants internationaux et interprovinciaux, ce qui continue de fortifier son avantage démographique. En outre, même si les exportations à destination des États‑Unis représentent une large part du PIB albertain, cette province exporte essentiellement des produits de l’énergie, dont le tarif douanier est moindre et qu’il n’est pas facile de remplacer dans le court terme. C’est pourquoi la production pétrolière est restée stable dans les premiers mois de la guerre tarifaire (graphique 11) et qu’elle devrait continuer d’étayer la solide croissance de la province. En outre, nous nous attendons à ce que les investissements dans le secteur pétrogazier restent solides; ils pourraient être musclés encore par les efforts du gouvernement fédéral pour lancer de nouveaux projets majeurs, notamment dans le secteur de l’énergie.
SASKATCHEWAN
L’économie de la Saskatchewan s’est inscrite au deuxième rang des provinces pour la croissance la plus fulgurante en 2024, en talonnant l’Île‑du‑Prince‑Édouard (ÎPÉ). La croissance des ventes au détail a été vigoureuse pendant une grande partie de l’année et s’est encore relevée au début de la nouvelle année. Bien que les ventes se soient ralenties en mars parce que les droits de douane ont assombri l’horizon, les perspectives sont étayées par la résilience du marché du travail. Le taux de chômage a baissé dans les cinq premiers mois de l’année, grâce aux solides gains de l’emploi et à un taux de participation légèrement moindre.
Le secteur de l’exploitation minière est celui qui a apporté le plus grand concours à la croissance en 2024, à la fois directement grâce à la forte augmentation de la production du secteur et à la dynamisation de la construction technique (graphique 12). Ce secteur est appelé à continuer de connaître une forte croissance, grâce à la construction en cours de la mine de potasse de Jansen de BHP au coût de 14 milliards de dollars : il s’agit de la mine la plus importante dans le monde. Les travaux se poursuivront jusqu’en 2029.
Nous croyons que la Saskatchewan surpassera à nouveau la moyenne nationale en 2025, grâce à la forte croissance soutenue du secteur minier et de la construction de logements et à la progression positive (mais ralentie) de la population. Si les tarifs douaniers chinois sur certains produits du canola se répercutent sur cette province, leur impact est limité, puisque ces tarifs ne portent pas sur le produit principal du canola qu’elle exporte, soit la semence de canola.
MANITOBA
En 2024, la croissance de l’économie manitobaine a été légèrement inférieure à la moyenne nationale : elle a été portée entièrement par les entreprises de services parce que les taux d’intérêt élevés ont plombé le secteur des biens de l’économie. La baisse des taux d’intérêt durant l’année écoulée a permis de relever d’un cran les dépenses de consommation. Les ventes au détail ont repris du mieux au quatrième trimestre de 2024 et au début de 2025. Dans les ventes de logements, l’activité a continué de se relever en 2024; elle s’est toutefois tassée au début de 2025 parce que les vents contraires que font souffler les droits de douane et l’incertitude ont pesé sur les perspectives.
Le secteur de l’agriculture, qui constitue la première catégorie exportatrice de cette province, a été stable (graphique 13). Comme la Saskatchewan, le Manitoba est pénalisé par les droits de douane chinois sur certains produits du canola; or, l’impact est limité en raison de l’exiguïté du champ d’application de ces droits de douane. Les exportations de biens de consommation, qui ont plus que doublé entre 2017 et 2022, restent solides; elles se sont toutefois légèrement repliées depuis 2023.
Nous nous attendons à ce que la croissance de l’économie manitobaine concorde essentiellement avec la moyenne nationale pour 2025 et la prochaine année. La croissance de la population s’est ralentie, mais reste orientée à la hausse, et la diversification de l’ensemble des exportations de cette province devrait lui permettre d’accuser une partie du choc tarifaire. En avril, les exportations ont brusquement plongé par rapport au même mois l’an dernier; on a toutefois relevé d’importantes distorsions dans le commerce international au cours des premiers mois de 2025, puisque les entreprises américaines ont devancé certaines importations pour éviter les droits de douane annoncés. Les statistiques sur les échanges commerciaux devraient en quelque sorte se normaliser d’ici la fin de l’année, même si le Manitoba consacre une part importante de son activité économique aux secteurs les plus ciblés par les droits de douane américains, dont l’acier et l’aluminium ainsi que la construction automobile, de même que dans les secteurs auxquels des droits de douane sectoriels pourraient être imposés, dont les produits pharmaceutiques. C’est pourquoi les impacts de la guerre commerciale américaine sur l’économie manitobaine pourraient se multiplier durant l’année.
ONTARIO
La croissance de l’économie ontarienne a été légèrement inférieure à la moyenne nationale en 2024, puisque dans l’industrie des services, la croissance a été partiellement effacée par la léthargie dans les entreprises de biens. L’activité s’est contractée l’an dernier dans les entreprises manufacturières et dans le bâtiment, secteurs plombés par les taux d’intérêt qui étaient élevés à l’époque. Même si la croissance des ventes au détail a été inférieure à la moyenne nationale en 2024, l’activité dans ce secteur s’est relevée au quatrième trimestre. Cet élan s’est transposé sur le premier trimestre de 2025, puisque les dépenses de consommation ont réagi à la baisse des taux d’intérêt, avant que la croissance soit ralentie par les vents contraires que font souffler les droits de douane et l’incertitude. Dans le secteur du logement de cette province, l’activité a aussi commencé à croître au quatrième trimestre l’an dernier; elle s’est toutefois repliée dans les derniers mois, ralentie par le rythme désaisonnalisé le plus faible depuis la fin de 2023.
Il semble que le marché du travail de cette province souffre le plus des effets des droits de douane américains, puisqu’il a perdu 60 000 emplois en mars et en avril. Le taux de chômage a augmenté de près d’un point de pourcentage entier de plus que sa moyenne prépandémique. Si les droits de douane américains imposés aux importations de biens prévoient aujourd’hui l’exemption de la plupart des produits conformes à l’Accord Canada‑États‑Unis‑Mexique (ACEUM), le ralentissement des échanges commerciaux et de l’activité économique qui en découle continue de peser sur les perspectives de croissance de l’Ontario.
L’industrie automobile est un secteur clé de l’économie ontarienne et est fortement intégrée dans l’ensemble du couloir nord‑américain. En 2024, les exportations d’automobiles et de pièces détachées de l’Ontario à destination du monde entier ont totalisé 68,2 G$; à elles seules, les exportations à destination des États-Unis ont totalisé 65 G$, dont les deux tiers environ sont soumises aux tarifs douaniers. Même si les tarifs américains sur les pièces détachées ne sont pas encore entrés en vigueur, les tarifs imposés dans les importations de voitures continuent de perturber le secteur de la construction automobile et de faire souffler des vents contraires sur ce secteur, ce qui pèsera sur les perspectives de l’Ontario.
Outre les vents contraires que font souffler la population et les droits de douane sur l’économie, l’Ontario est aussi appelé à connaître un ralentissement, à nouveau cette année, dans l’investissement résidentiel. Même s’il faut toujours accélérer le rythme de la construction de logements, les mises en chantier de logements dans cette province évoluent tendanciellement à la baisse depuis 2022 (graphique 14). C’est pourquoi l’investissement résidentiel plombe la croissance de l’Ontario depuis les trois dernières années. Malgré la baisse des taux d’intérêt, ce ralentissement s’est accéléré en 2024, et le déclenchement de la guerre commerciale américaine a fait plonger en mars 2025 les mises en chantier de logements, qui ont atteint leur plus creux depuis août 2009, à la fin de la Grande récession. Les mises en chantier ont un peu rebondi en avril et en mai; elles restent toutefois nettement inférieures au niveau nécessaire pour permettre à cette province d’atteindre son objectif, soit construire 1,3 million de nouveaux logements d’ici 2031. S’il n’y a pas de reprise importante dans la construction de logements, il est probable que l’investissement résidentiel reste léthargique ou redevienne négatif en 2025, ce qui plombera dans l’ensemble le taux de croissance de l’Ontario et les améliorations que cette province souhaite apporter à l’abordabilité des logements. Malgré la demande refoulée dans le logement, la brusque chute de l’immigration et les taux d’intérêt plus élevés pour plus longtemps font souffler des vents contraires qui freinent la construction de logements. Nous nous attendons à ce que l’Ontario fasse moins bien que la moyenne nationale en 2025 comme en 2026.
QUÉBEC
La croissance de l’économie du Québec a été légèrement inférieure à la moyenne nationale en 2024. Cette croissance a été portée par l’expansion dans le secteur des services, qui a été effacée en partie par la léthargie dans le secteur des biens. Les taux d’intérêt élevés à l’époque expliquent les contractions dans le secteur manufacturier et dans les services publics; ces contractions ont été en partie masquées par les améliorations dans le bâtiment, dans la production agricole et dans le secteur de l’extraction des métaux.
La baisse des taux d’intérêt a favorisé une reprise des dépenses de consommation. La croissance des ventes au détail a été supérieure à la moyenne nationale puisque la baisse des taux d’intérêt est venue étayer la progression des dépenses de consommation au T4 de 2024; cet élan s’est transposé sur le T1 de 2025, avant que la croissance soit ralentie par les vents contraires que font souffler les tarifs douaniers et l’incertitude économique. Dans le même temps, l’activité dans les ventes de logements dans cette province au quatrième trimestre a repris du mieux; depuis, elle s’est toutefois repliée un peu. Le marché du travail du Québec a été plutôt résilient malgré les vents contraires tarifaires jusqu’à maintenant en 2025 : le taux de chômage a à peine augmenté depuis décembre. Or, la croissance de l’emploi dans les cinq premiers mois de 2025 s’est considérablement ralentie.
Même si le Québec sera moins pénalisé par les changements apportés à la politique migratoire fédérale, les tarifs douaniers américains pèseront de plus en plus sur l’économie de cette province, surtout dans le secteur de l’acier et de l’aluminium. En 2024, les exportations d’aluminium et d’acier du Québec à destination des États-Unis, désormais soumises aux tarifs douaniers, se sont chiffrées respectivement à 10,8 G$ et à 2,8 G$, ce qui représente plus de 90 % de ces exportations à destination des autres pays. Les tarifs de 50 % imposés par les États-Unis sur les importations d’acier et d’aluminium pèseront sur les exportations de ces métaux par le Québec. Cependant, la croissance des investissements publics permettra d’amortir une partie de ces chocs (graphique 15). Nous croyons que le Québec fera moins bien que la moyenne nationale cette année et en 2026.
PROVINCES DE L’ATLANTIQUE
En 2024, la croissance de l’économie des provinces de l’Atlantique, soit le Nouveau‑Brunswick, la Nouvelle‑Écosse et l’Île‑du‑Prince‑Édouard, a été menée par l’ÎPÉ, qui a inscrit le rythme de croissance le plus rapide parmi les 10 provinces. L’économie de la Nouvelle‑Écosse et celle du Nouveau‑Brunswick ont elles aussi inscrit une croissance supérieure à la moyenne nationale en 2024. Le secteur des services a été le premier facteur de croissance de ces trois provinces, la vigueur de la construction et de l’activité manufacturière aidant.
Dans l’ensemble des provinces de l’Atlantique, la croissance des ventes au détail a concordé avec la moyenne nationale en 2024 ou a été supérieure à cette moyenne, puisque les dépenses de consommation ont continué d’augmenter dans le premier trimestre de 2025. Et même si les gains de l’emploi se sont ralentis dans les cinq premiers mois de 2025, les marchés du travail sont restés stables dans ces provinces : le taux de chômage de mai concordait étroitement avec celui de la fin de 2024 dans l’ÎPÉ et en Nouvelle‑Écosse et a même baissé au Nouveau‑Brunswick.
Au T4 de 2024, les ventes unitaires de logements dans les provinces de l’Atlantique ont atteint leur plus haut depuis le S1 de 2022; elles se sont toutefois légèrement repliées au début de 2025 du fait de l’augmentation des tarifs et de l’incertitude croissante, et le repli a été plus prononcé en Nouvelle‑Écosse, qui a aussi connu le relèvement le plus important à la fin de 2024. La vigueur de l’activité économique de la région s’explique par la croissance de sa population, qui devrait, même si on s’attend à ce qu’elle se ralentisse en raison de la réduction des cibles migratoires internationales du gouvernement fédéral, donner lieu à un regain de la croissance dans la région. Essentiellement, la construction de logements est appelée à continuer d’apporter un concours positif à la croissance, compte tenu de l’essor soutenu des nouvelles mises en chantier de logements (graphique 16).
Les provinces de l’Atlantique sont moins exposées que certaines autres provinces au risque des échanges commerciaux, en raison de leurs parts moindres dans les exportations. Les premières données de 2025 nous apprennent que l’économie de ces provinces a été plutôt résiliente à la guerre tarifaire américaine, même si l’ÎPÉ a perdu beaucoup d’emplois. En outre, la croissance de la population est restée bien orientée. Nous nous attendons à ce que la croissance de l’économie des provinces de l’Atlantique se ralentisse, mais à ce qu’elle surclasse la moyenne nationale en 2025 et en 2026.
TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR
L’économie de Terre‑Neuve‑et‑Labrador a considérablement rebondi en 2024 après s’être contractée dans les deux années précédentes. La croissance a été portée par les ressources naturelles de cette province, notamment grâce à l’accroissement de l’activité dans le secteur pétrogazier et dans l’extraction minière. La croissance de la population et les gains de l’emploi, de concert avec la baisse des taux d’intérêt, expliquent la hausse des dépenses de consommation. La croissance des ventes au détail a été vigoureuse pendant une grande partie de l’année écoulée; de même, sur le marché du logement, l’activité a repris du mieux. L’élan s’est transposé sur le premier trimestre de 2025 avant de manquer de souffle en mars en raison des vents contraires que font souffler les tarifs douaniers et l’incertitude économique.
La production pétrolière a continué d’évoluer tendanciellement à la hausse dans les premiers mois de la guerre commerciale américaine (graphique 17). Bien que l’on s’attende à ce que la production pétrolière se ralentisse lorsque les gisements atteindront la fin de leur durée utile, les projets d’infrastructures planifiés pour l’hydroélectricité à Churchill Falls et sur d’autres sites permettront de contrer le ralentissement dans le secteur pétrogazier et constitueront un moteur de croissance à la fois nouveau et important pour l’économie de cette province.
Si la croissance de la population a été négative dans le premier semestre de 2025, les statistiques économiques nous apprennent que l’économie a été plutôt résiliente dans les premiers mois de la guerre commerciale américaine. Nous nous attendons à ce que cette province surclasse la moyenne nationale cette année et en 2026.
AVIS
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