• Les Canadiens iront aux urnes le 28 avril. Dirigé par le premier ministre Mark Carney récemment intronisé, le Parti libéral se situe, selon les sondages, en territoire majoritaire, même si le risque d’un gouvernement minoritaire n’est pas complètement hors de question.
  • Les tensions commerciales (et autres) avec les États-Unis préoccupent les électeurs à l’heure où les boutons de panique habituels — comme l’immigration et l’environnement — sont relégués à l’arrière‑plan, tandis que d’autres — comme l’abordabilité et le logement — gardent le devant de la scène.
  • Les deux partis dominants — les libéraux et les conservateurs1 — ont avancé de généreuses promesses sur le sentier de la campagne, en prenant des engagements, pour les nouvelles dépenses brutes, de 129 G$ et de 110 G$ respectivement sur un mandat de quatre ans.
  • Les plans d’économie et de revenus sont plutôt douteux. Le Parti conservateur projette des économies de 148 G$ — 41 G$ de plus que les plans de dépenses. Or, plus du tiers de la compensation s’explique par la notation dynamique des gains estimatifs apportés par la croissance aux revenus. En excluant ces gains pour permettre d’établir les comparaisons, le déficit net s’inscrit à 15 G$ (graphique 1).
Graphique 1 : Dépenser maintenant, économiser plus tard
  • Le plan du Parti libéral, qui ne comprend pas de gains dynamiques pour les revenus, offre une compensation partielle de 52 G$ pour un coût net de 83 G$ (après les charges de la dette) sur la plateforme. Les deux plans misent sur les économies substantielles apportées par l’efficience, en plus des recettes tarifaires, et justifient une saine dose de circonspection.
  • Ni l’un ni l’autre des partis dominants ne fait campagne sur l’austérité. Les conservateurs engageraient des déficits marginalement plus modestes que le référentiel préélectoral à l’horizon — si l’on accepte la notation dynamique des revenus — ou légèrement plus considérables par ailleurs. Les libéraux ajouteraient plus de 0,5 % du PIB aux nouvelles dépenses nettes annuelles, en équilibrant à moyen terme un nouveau budget « opérationnel ». Ni l’une ni l’autre des plateformes ne tient compte d’une récession potentielle induite par les tarifs — ni même un ralentissement pour cette raison —, ce qui pourrait facilement faire rebasculer nettement à la hausse les projections du déficit et de la dette en pourcentage du PIB (graphiques 2 et 3). 
Graphique 2 : Il faut probablement s'attendre à ce que les déficits se creusent; Graphique 3 : Les parcours potentiels de la dette nette du gouvernement fédéral
  • Les deux partis font la promotion d’un programme de croissance en mettant l’accent sur le relèvement des investissements dans le secteur des ressources, alors que les libéraux conjuguent ce programme avec des investissements haussés dans les infrastructures publiques (en ajoutant ~0,75 % du PIB par an dans les investissements liés aux capitaux dans le plan budgétaire). En raison des complications du paysage administratif et institutionnel, le prochain gouvernement aurait du pain sur la planche pour respecter ces importants engagements.
  • L’écart entre les engagements et les politiques pourrait être considérable. Certaines politiques s’étendent à différentes questions, et si elles sont adoptées, elles pourraient avoir des incidences sur certains secteurs ou certaines régions; or, les forces exogènes des marchés dominent essentiellement les grands titres de l’actualité dans le court terme.
  • La plupart des facteurs — mondiaux et intérieurs — laissent au moins orientationnellement entendre que la croissance pourrait se ralentir et que les emprunts pourraient être gonflés dans un paysage plus clément. Les solides fondamentaux ne permettraient guère d’apporter au Canada, au moment d’écrire ces lignes, une marge de manœuvre sécuritaire; or, le fléchissement de certains fondamentaux pourrait empirer la situation. Le prochain gouvernant n’aura probablement pas de grande marge de manœuvre pour commettre des faux pas dans l’application des politiques.
  • En raison de la stabilité relative des sondages dans les dernières semaines et de l’activisme budgétaire bien canalisé, les résultats électoraux attendus penchent probablement en faveur de l’urgence d’abaisser le taux à un jour, ce qui cadre avec nos prévisions économiques les plus récentes. Par ailleurs, il faut être attentif au risque d’un gouvernement minoritaire, qui pourrait paralyser l’intervention décisive dont on a absolument besoin aujourd’hui.

LE PRIVILÈGE CITOYEN

Les Canadiens éliront le 28 avril le 45e gouvernement du pays. Le gouvernement au pouvoir, mené par les libéraux, a confié à un nouveau gouvernant la conduite du pays il y a quelques semaines à peine lorsque Justin Trudeau s’est démis de ses fonctions au début de mars. Le premier ministre Mark Carney a convoqué une élection dans les jours qui ont suivi son entrée en fonction, sans quoi il aurait dû affronter un vote incontournable de défiance parce que le soutien du gouvernement minoritaire s’est effrité il y a quelques mois. Depuis, l’horizon libéral est nettement plus radieux.

La plupart des experts parient aujourd’hui sur une victoire libérale. À moins d’une semaine des élections, les sondages permettent de croire à un résultat probablement majoritaire — soit au moins 172 des 343 sièges du Parlement — selon les probabilités de l’ordre de 4 sur 5 (graphique 4). Les conservateurs n’ont qu’une mince chance de former le prochain gouvernement. Selon la prépondérance des probabilités, le risque d’un gouvernement minoritaire n’est pas de moindre importance (~13 % d’après ce sondage).

Graphique 4 : En territoire majoritaire selon les sondages

Le prochain gouvernement devra se mettre à l’œuvre sans tarder. Le discours du Trône pourrait suivre en moins de quelques jours, afin de faire connaître le programme du nouveau gouvernement pour le prochain Parlement. Un budget pourrait emboîter le pas en moins de quelques semaines, pour mettre en branle certaines priorités les plus impérieuses. Une victoire minoritaire pourrait freiner ces délais puisque l’édification d’une coalition (formelle ou autre) serait compliquée, puisque les autres partis accusent un retard considérable dans cette course à deux chevaux.

LES PRIORITÉS, LES PERCEPTIONS ET LE JEU POLITIQUE

La conjoncture géopolitique chez nos voisins du Sud a rapidement remanié les préoccupations des électeurs. Sur fond de menaces commerciales coriaces et même de perspectives d’annexion, les relations avec les États-Unis sont au premier rang des préoccupations pour de nombreux Canadiens. Le coût de la vie est toujours un très grand motif d’inquiétude, de concert avec les pressions actuelles qui s’exercent sur la santé et le logement. L’impératif de la croissance économique a été ravivé alors que des enjeux comme l’immigration, le climat et le déficit sont relégués à l’arrière‑plan (graphique 5). 

Graphique 5 : Priorités et perceptions des électeurs

Le président américain Trump a repoussé les négociations commerciales avec le Canada jusqu’au lendemain des élections. Sur papier, les positions commerciales des deux partis candidats sont comparables : la double priorité des négociations stratégiques et des réformes intérieures. Les deux partis sont favorables à des tarifs de représailles ciblés, de concert avec un raffermissement du programme commercial interne, avec la diversification des échanges commerciaux et avec des programmes d’aide propres à certains secteurs. Les deux plans misent sur les recettes tarifaires — chiffrées à 20 G$ cette année dans un cas comme dans l’autre — pour compenser les autres pressions qui pèsent sur les dépenses. Ni l’un ni l’autre des deux partis ne comptabilise des programmes de relance plus vastes dans l’éventualité d’une guerre commerciale à grande échelle, et le référentiel économique préélectoral plutôt favorable date d’avant la conjoncture récente. 

Nul ne saurait s’avancer pour dire si l’un ou l’autre des partis a plus d’impact au volant des négociations. Selon les sondages Angus Reid, le libéral Mark Carney serait nettement en avance sur le chef conservateur Pierre Poilievre pour ce qui est de la possibilité de traiter le tumulte américain selon l’opinion publique; or, selon l’expérience des autres pays jusqu’à maintenant, on ne distingue guère de logique ou de raison qui pourraient permettre de déterminer les tactiques à employer.

REMETTRE EN MARCHE LES MOTEURS

Pour le Canada, la meilleure garantie consiste à redoubler d’ardeur pour raffermir la croissance, la productivité et la compétitivité, et les deux partis font état de très grandes ambitions. Le parti conservateur s’engage à relever le PIB d’un demi‑millier de milliards de dollars sur cinq ans, ce qui laisse entendre que la croissance du PIB réel pourrait être de l’ordre de 4 % par an (et de ~3 % par habitant). Le parti libéral s’abstient de fixer une cible de synthèse, mais laisse entendre qu’il prévoit de mobiliser un demi‑millier de milliards de dollars en nouveaux investissements (publics et privés) sur les cinq prochaines années. Cette prévision cadrerait essentiellement avec (ou serait même supérieure à) notre précédente prospective d’une cible de croissance du PIB de 2 % par habitant. D’après nos plus récentes prévisions économiques, l’économie canadienne suit actuellement un parcours qui est loin de ces deux cibles ambitieuses, d’autant plus que nous avons déjà comptabilisé une certaine intervention budgétaire malgré un fléchissement des perspectives de croissance.

Les deux partis déverrouilleraient une meilleure croissance grâce à des efforts majeurs de mise en valeur des infrastructures et des ressources; or, chaque parti a son approche. On relève au moins un nombre étonnant de similitudes dans les slogans, puisque chacun jure d’améliorer le paysage des investissements : les libéraux annoncent un « guichet unique » et un « couloir infrastructurel critique », et les conservateurs, une « fenêtre unique » et un « couloir énergétique national » pour simplifier les approbations et accélérer le développement. Par ailleurs (et au risque de sursimplifier considérablement la situation), les libéraux seraient favorables à l’idée de miser sur des mesures du secteur public pour attirer les capitaux privés, alors que les conservateurs réduiraient l’empreinte du gouvernement pour atteindre des objectifs comparables.

En raison du paysage administratif compliqué, aujourd’hui aggravé par les incertitudes mondiales, chacun des deux partis aurait du pain sur la planche pour rehausser les investissements.

DÉPENSER AUJOURD’HUI…

Les deux partis ont adopté d’énormes engagements de dépenses (ou d’« investissements ») — de plus de 100 G$ — même si leur exposé ne permet guère d’établir facilement des comparaisons. Pour faciliter l’information, nous comptabilisons ces mesures dans les « dépenses », soit toutes les mesures qui viennent s’ajouter aux coûts budgétaires, par exemple les nouveaux programmes et les revenus auxquels on renonce en abaissant les impôts, entre autres. Nous catégorisons dans les « économies » toutes les mesures qui réduisent les pressions budgétaires (par exemple l’élimination de programmes et la recherche des économies ou des gains d’efficience). La plateforme du Parti conservateur prévoit aussi des estimations des revenus dynamiques apportés par les changements dans les politiques, soit les revenus supplémentaires que devrait produire le relèvement des investissements ou de l’activité économique. La plateforme libérale ne comprend pas ces gains potentiels. Tout le monde sait qu’il est difficile d’établir des estimations, surtout dans un environnement très incertain. Pour les besoins de la comparaison, nous présentons le plan du Parti conservateur avec et sans les estimations dynamiques de revenus.

Le Parti libéral présente un plan de dépenses (brutes) de 129 G$. Il a annoncé dans les premiers jours du déclenchement de l’élection, en la calculant à 22 G$ sur quatre ans, sa mesure signature — une baisse d’impôts de 1 point de pourcentage, à 14 %, dans la fourchette inférieure des revenus des particuliers. Vient ensuite une hausse progressive des dépenses militaires (18 G$ selon le principe de la comptabilité d’exercice ou 31 G$ selon le principe de la comptabilité de caisse) pour atteindre la cible de 2 % de l’OTAN d’ici 2030 (graphique 6). L’annulation déjà annoncée de la hausse du taux d’inclusion des gains en capital s’inscrit au troisième rang, à près de 13 G$, suivie d’une provision de 12 G$ pour augmenter les investissements dans le logement abordable en faisant appel à une nouvelle entité du programme Maisons Canada, qui permettrait au gouvernement de se remettre à construire des logements. Il a réservé environ 5 G$ pour les mesures de protection contre les tarifs; par ailleurs, les 12 premiers engagements constituant les trois quarts des nouvelles dépenses sont liées aux infrastructures (graphique 7). Si ces mesures sont mises en œuvre, l’effet net serait de l’ordre de 25 G$ par an (~0,7 5% du PIB) en investissements publics ou en dépenses d’infrastructures sur l’horizon prévisionnel (graphique 8).

Graphique 6 : Le plan libéral pour les dépenses militaires
Graphique 7 : Les engagements signatures dans les dépenses – Parti libéral; Graphique 8 : Le profil des dépenses par priorité – Parti libéral

Le logement est toujours très présent sur le radar libéral. En plus du budget du programme Maisons Canada, les mesures d’encouragement fiscales destinées aux investisseurs multirésidentiels et les congés de TPS pour les primo‑accédants porteraient la suite des mesures de logement à un supplément de 19 G$ en coûts budgétaires sur la durée du mandat (et à un impact budgétaire plus considérable dans l’augmentation de l’activité du crédit). Nous comptabilisons encore 6 G$ dans le financement des infrastructures pour les paliers inférieurs de gouvernement en contrepartie d’une réduction des redevances d’aménagement. On étendrait aussi les délais pour construire un demi‑million de nouveaux logements par an sur l’horizon prévisionnel plus vaste de 10 ans, tout en s’engageant à revoir les marchés hypothécaires, notamment en explorant la possibilité de prolonger la durée du terme du prêt hypothécaire (engagement qui avait déjà été adopté dans l’Énoncé économique de l’automne).

Le Parti conservateur avance un plan de dépenses brutes de 110 G$. Il promet de réduire la fourchette inférieure de l’impôt des revenus des particuliers — beaucoup plus substantiellement — de 2,25 points de pourcentage (à 12,75 %) et calcule cette mesure à 30 G$ sur quatre ans. Il s’engage aussi à atteindre d’ici 2030 la cible de 2 % de l’OTAN pour une autre tranche de 17 G$. Les impôts reportés par ce parti sur les gains en capital et à réinvestir au Canada sont chiffrés à 12,7 G$, alors que l’annulation de l’impôt sur les gains en capital représente un autre supplément de 12,6 G$. Ses deux initiatives de logement — soit le programme d’encouragement à réduire les redevances d’aménagement, ainsi que le congé de TPS pour les nouveaux logements — représentent ensemble un autre supplément de 19 G$, en plus d’un plan d’ensemble visant à construire 2,3 millions de logements sur cinq ans. Enfin, ses deux mesures signature de promotion de la sécurité financière des personnes âgées totalisent 7,9 G$ (graphique 9). 

Graphique 9 : Engagements signatures dans les économies et les revenus – Parti conservateur

… ET ÉCONOMISER PLUS TARD

La plateforme libérale prévoit des mesures de compensation des dépenses de 52 G$ sur quatre ans. Il s’agit des recettes tarifaires de 20 G$ cette année, en faisant observer qu’il s’agit d’une provision pour l’instant. (Le gouvernement fédéral impose aujourd’hui des tarifs de 25 % sur des biens importés des États-Unis et dont la valeur est de l’ordre 60 G$.) Le solde de 32 G$ est calculé sur les « économies apportées par l’accroissement de la productivité du gouvernement », ce qui comporte un ensemble de mesures qui consiste à regrouper des services, à consolider des programmes, à faire moins appel à des experts‑conseils externes et à miser sur l’intelligence artificielle. Le Parti libéral plafonnerait (sans toutefois sabrer) l’emploi dans la fonction publique. Le plan plafonnerait à 2 % la croissance annuelle des dépenses directes des programmes. Après avoir soldé ces économies dans le plan de dépenses de 129 G$, le parti chiffre sa plateforme à 77 G$, et les charges incrémentielles dans le remboursement de la dette porteraient cette somme à 83 G$.

Le Parti rouge équilibrerait d’ici 2028 un budget « opérationnel » nouvellement défini (en estimant à 15 G$ environ aujourd’hui le déficit). Cette nouvelle mesure viendrait solder les dépenses de l’État qui concourent à la formation du capital ou à « tout ce qui permet de construire un actif, qu’il soit détenu directement dans le bilan du gouvernement, d’une entreprise ou d’un autre palier de gouvernement ». Dans ce plan, le Parti libéral déclare que les baromètres traditionnels des déficits et de la dette en pourcentage du PIB baisseraient au fil du temps (après avoir augmenté dans la première année) et que l’impact net viendrait ajouter 0,5 point de pourcentage (du PIB) aux déficits annuels, en laissant la dette remonter de presque 2,5 points de pourcentage après quatre ans par rapport au référentiel préélectoral du DPB.

Le plan du Parti conservateur permettrait de comptabiliser sur quatre ans la prodigieuse somme de 148 G$ en économies ou en compensation des recettes perdues. Ce chiffre est légèrement inférieur — à 95 G$ — lorsqu’on solde les revenus dynamiques pour permettre d’établir des comparaisons. Ces revenus dynamiques sont attribués à la croissance supplémentaire et aux revenus de l’État apportés par le nouveau report de l’impôt des gains en capital, par les nouveaux logements construits et par l’abrogation de différentes politiques (sur la taxe carbone, sur le mandat des ventes de véhicules électriques, sur le plafond d’émissions du secteur pétrolier et gazier, sur le projet de loi C‑69 et sur le Règlement des combustibles propres). Par ailleurs, une réduction dans le recours aux experts‑conseils rapporterait 23,5 G$, la répression de l’évasion fiscale, un supplément de 12,9 G$, les compressions des programmes d’aide (9,4 G$) et une longue liste d’économies ou de coupures de programmes, dont les principaux programmes de logement du gouvernement libéral : le Fonds d’accélération du logement et le Fonds canadien pour les infrastructures liées au logement (graphique 10). Le Parti lui‑même chiffre la plateforme à un solde net positif de 39 G$ lorsque ces économies sont appliquées aux nouveaux engagements de dépenses. Lorsqu’on solde les revenus dynamiques, le déficit net s’établit à 15 G$.

Graphique 10 : Engagements signatures dans les économies et les revenus - Parti conservateur

UN RÉSULTAT NET PLUS CONSIDÉRABLE

En bref, il semble que l’expansion budgétaire soit appelée à se poursuivre au Canada. Il ne fait aucun doute qu’il faut améliorer les gains d’efficience et la productivité du gouvernement; or, il est extrêmement difficile de réaliser des économies, et pour l’heure, il ne semble pas être question des transferts — aux ménages et aux autres paliers de gouvernement. Un examen fiscal — promis par les deux partis — permettrait finalement de réaliser des économies; or, il faut aussi compter du temps, et les deux partis ont déjà renoncé à une certaine marge de manœuvre fiscale qui pourrait permettre de faciliter cette transition ultime. Les plans des deux partis justifient une saine dose d’attention, en attendant d’autres détails sur leur exécution.

Ni l’un ni l’autre des deux partis ne prévoit de récession potentielle. Pour être juste, cette prévision ne leur apporterait pas de votes, même s’il y a un risque vraisemblable de récession à l’horizon. Dans ce cas, il faudrait adopter d’autres mesures de relance à court terme, alors que les stabilisateurs automatiques effriteraient davantage le résultat net. Pour permettre d’établir des comparaisons, nous avons représenté (dans les graphiques 2 et 3) l’évolution rapide des perspectives budgétaires s’il devait se produire un ralentissement modéré.

Dans l’ensemble, la situation de la dette du Canada n’apporte qu’un certain confort. La dette nette du gouvernement général a une situation favorable par rapport aux pays comparables; toutefois, sa dette brute — qui est plus d’actualité en période de stress comme simili indicateur de la liquidité — est plus médiocre (graphiques 11 et 12). Dans le même temps, les agences de notation ont récemment averti quelques provinces puisque les paliers de gouvernement inférieurs provisionnent défensivement une hausse des dépenses, ce qui devrait servir de rappel qu’en définitive, dans l’ensemble des paliers de gouvernement, les chiffres s’additionnent. 

Graphique 11 : La dette nette du gouvernement général; Graphique 12 : La dette brute du gouvernement général

Le pays est aussi plus exposé aux aléas du commerce extérieur que les pays comparables. Cette réalité est devenue très évidente sur les marchés des devises dans les jours des grandes annonces tarifaires. Un ensemble cohérent de politiques de valorisation de la croissance pourrait s’attirer des faveurs par rapport aux marchés obligataires; or, il n’apporterait dans le court terme qu’une compensation partielle. Même si les écarts entre les rendements à long terme sur les bons du Trésor américain et ceux des obligations du gouvernement du Canada se sont rapprochés pendant le tumulte des marchés au début d’avril, ils sont tous deux plus élevés en raison des politiques américaines brouillonnes.

L’impact net d’une léthargie potentielle de la croissance, la hausse des besoins en emprunt et un environnement dans lequel le loyer de l’argent augmente laissent entendre que le gouvernement fédéral dispose d’une marge d’erreur réduite dans l’application de ses politiques.

QUE LE MEILLEUR PLAN L’EMPORTE

Le Canada a besoin d’une intervention décisive et audacieuse. Le prochain premier ministre du pays n’exercera sans doute pas beaucoup de contrôle sur les politiques au sud de la frontière — et n’a franchement pas autant de pouvoir en deçà de ses propres frontières que ce qu’il pourrait espérer — pour réaliser encore un autre demi‑millier de milliards de dollars dans la production ou dans les investissements dans un environnement très incertain. Or, il dispose effectivement d’un plan annuel de dépenses d’un demi‑millier de milliards de dollars et de solides bilans. La hausse des investissements permet de relever la productivité, ce qui devrait ensuite favoriser le rehaussement du train de vie des Canadiens. La volonté y est, mais les résultats ne se produiront que si on met en œuvre des mesures d’intervention. 

1 Cette note ne porte que sur les plateformes des deux partis dominants compte tenu de l’avance écrasante dont ils disposent. Nous citons les estimations des coûts des deux partis.