LE CANADA DOIT ADOPTER UNE STRUCTURE-CADRE DE REDEVABILITÉ BUDGÉTAIRE ET MACROÉCONOMIQUE À LA FOIS
- Le gouvernement fédéral du Canada déploie finalement de sérieux efforts pour infléchir la léthargie tendancielle de la productivité et de l’investissement. Le prochain budget devrait constituer une remise à plat audacieuse – et nécessairement risquée – pour remettre l’économie sur les rails.
- Le résultat de la dernière ligne du budget suscitera sans aucun doute beaucoup d’attention, puisque c’est une kyrielle de déficits de plus en plus considérables et une trajectoire d’endettement très sensible à la conjoncture économique qui nous attendent.
- On a maintes fois réclamé des garde-fous budgétaires plus judicieux pour veiller à ce que le gouvernement continue de se consacrer à sa tâche tout en prévoyant une marge de manœuvre pour les investissements transformationnels. Il s’agirait d’un point de départ. Or, les garde-fous budgétaires devraient être assortis d’objectifs macroéconomiques clairs, dont le PIB par habitant et les cibles de croissance des investissements non résidentiels, pour veiller aussi à mesurer l’exécution des politiques par rapport à des résultats économiques tangibles.
- À elle seule, la redevabilité budgétaire n’est pas suffisante si la croissance représente l’objectif à atteindre : il faut aussi suivre les résultats économiques.
UN RECADRAGE RISQUÉ
L’élection du président Donald Trump et les menaces économiques brandies par la suite contre le Canada et les autres partenaires commerciaux ont donné lieu à une prise de conscience depuis longtemps attendue sur les causes de la contre-performance économique du Canada. On connaît ces difficultés depuis de nombreuses années; or, trop peu d’efforts y ont été consacrés pour les corriger. Il a fallu les menaces de notre partenaire économique le plus important pour mettre en lumière ces difficultés et capter toute l’attention politique. On reconnaît aujourd’hui généralement que le Canada doit muscler spectaculairement la productivité et l’investissement non résidentiel des entreprises si nous voulons infléchir la tendance et relever notre train de vie mesuré selon le baromètre lacunaire, mais informatif du PIB par habitant.
Les entreprises et les ménages canadiens misent tous leurs espoirs sur une sérieuse correction du parcours par les décideurs à tous les échelons du gouvernement. Les premiers signes – soit essentiellement le projet de loi C-5 et les accords des provinces pour libéraliser les barrières commerciales interprovinciales – laissent entendre que la dynamique s’accélère. Or, les Canadiens s’attendent à ce que le prochain budget fédéral fasse état des nouvelles mesures concrètes à adopter par le premier ministre Mark Carney à l’heure où il tâche de transformer l’économie et de catalyser les finances privées.
Ces efforts auront probablement un coût budgétaire substantiel. La question de savoir si ces coûts et le déficit qu’ils entraîneront se révéleront justifiés ou excessifs sera fonction de leur impact sur les parcours budgétaires et économiques à la fois. La redevabilité de l’État est depuis trop longtemps trop étroitement arrimée au respect des prévisions déficitaires ou à la baisse du ratio de l’endettement par rapport au PIB. Ces seuils faibles se sont même révélés difficiles à atteindre pour les gouvernements malgré les vents favorables surprises des dernières années. En outre, les marchés n’ont pas pénalisé le gouvernement fédéral pour son exécution budgétaire des dernières années, de sorte qu’ils n’ont donc pas encore su jouer le rôle de mécanisme de redevabilité important. Et lorsque les marchés télégraphieront leurs inquiétudes, il sera probablement trop tard pour éviter une sérieuse débâcle.
UN RECADRAGE RESPONSABLE
Nous laissons entendre qu’une structure-cadre de redevabilité plus généralisée pourrait mieux servir les Canadiens. Cette structure comprendrait deux volets : la redevabilité par rapport à certains objectifs macroéconomiques de concert avec la redevabilité des résultats budgétaires.
On a beaucoup réfléchi à la redevabilité budgétaire, comme l’a fait, entre autres très récemment, le Conseil canadien des affaires. Les consultations menées par cet organisme auprès d’une pléiade d’acteurs ont permis de se pencher sur les meilleurs moyens de définir les ancrages budgétaires fédéraux. Sans surprise, si le consensus a été évasif, les auteurs du rapport proposent un certain nombre d’indicateurs et de principes très sensibles qui pourraient servir de structure-cadre d’ancrage pour les plans et les résultats budgétaires, à savoir :
1. « Adopter un tableau de bord de baromètres et de lignes de conduite qui établissent une orientation durable, dans le moyen terme, y compris dans des scénarios soumis à des contraintes conjoncturelles. Il n’y a pas d’ancrage qui livre à lui seul tout le récit budgétaire. Essentiellement, une approche « durable » consiste à « contenir et réduire » les fardeaux du déficit et de l’endettement du Canada.
2. « S’assurer que les garde-fous sont pratiques du point de vue des opérations de l’État et se traduisent par des contraintes réelles et effectives.
3. « Mettre au point une structure-cadre budgétaire favorable à l’amélioration de la croissance et propice aux investissements publics et privés à la fois.
4. « S’assurer que les ancrages ne sont pas facilement abandonnés et que la structure-cadre est obligatoire pour l’État. C’est ici que la crédibilité se conquiert et se perd. »1
Nous croyons qu’un mécanisme de volonté macroéconomique doit assurer l’appoint de la redevabilité budgétaire, ce qui est tout aussi important. En somme, la dette est beaucoup moins inquiétante lorsqu’elle génère une hausse soutenue de la productivité et du train de vie. Le risque réel réside dans les politiques budgétaires qui ne parviennent pas à produire ces résultats. La volonté du gouvernement fédéral de réaliser un nouvel équilibre opérationnel, en prévoyant une exception pour les dépenses en capital, devrait constituer une structure‑cadre porteuse de rigueur dans l’examen des dépenses, et pourrait en faire une fonctionnalité de la réaffectation continue des dépenses, peut-on espérer. Or, cette volonté est toujours consacrée aux intrants, et non aux extrants, ce qui ne permet guère d’en connaître les impacts.
Nous plaidons depuis longtemps en faveur d’une cible de croissance du PIB par habitant comme moyen d’orienter et d’évaluer les paramètres des politiques de l’État. L’idée est simple : le PIB par habitant est un quasi-indice sommaire, mais utile du train de vie; il s’est replié dans les dernières années, et le programme politique était résolument consacré à le rehausser afin d’apporter des améliorations substantielles au bien-être des entreprises et des ménages canadiens. Essentiellement, la volonté claire de le rehausser obligerait à filtrer les initiatives des politiques d’après leur impact attendu sur la croissance économique. Puisqu’il n’y a pas de contrainte budgétaire lourde qui obligerait les gouvernements à consentir de réels compromis, cet objectif macroéconomique pourrait inculquer une rigueur et donner lieu à des compromis au moment de mobiliser puis de dépenser les ressources des contribuables. En outre, cet objectif donnerait aux Canadiens et aux Canadiennes une idée claire de ce que veut dire l’agenda économique du gouvernement pour leur quotidien.
Il est impossible d’atteindre une cible du PIB par habitant sans augmenter considérablement l’investissement non résidentiel ni accroître dans le même temps la productivité. Une volonté macroéconomique crédible devrait donc aussi être assortie d’un objectif d’investissement explicite. Dans nos précédents travaux, nous avons estimé qu’il faudrait, pour réaliser une hausse annuelle de 2 % du PIB par habitant, tenir un rythme de croissance de l’investissement supérieur de 60 G$ par an aux tendances prépandémiques, en plus de relever chaque année de 1,3 % la croissance de la productivité multifactorielle. Ce rythme et cette hausse pourraient constituer le socle des objectifs formels du PIB par habitant, de l’investissement et de la productivité. Un PIB par habitant moins ambitieux réclamerait bien entendu moins d’investissements et une croissance moindre de la productivité.
Nous reconnaissons que cet objectif macroéconomique ne serait guère attrayant pour les gouvernants politiques. La volonté d’atteindre des cibles – ainsi que la redevabilité qui doit s’ensuivre – peut être risquée, surtout quand les résultats ne sont pas au rendez-vous. Les répercussions économiques des politiques peuvent varier dans le temps et sont souvent incertaines, et les chocs imprévus font régulièrement dérailler les plans. Pour alléger ce fardeau, les objectifs macroéconomiques pourraient constituer des engagements pluriannuels plutôt que des cibles annuelles. Rehausser le profil du stock de capitaux du pays dans cette structure-cadre permettrait aussi d’évaluer l’ensemble des progrès accomplis. Les résultats annuels serviraient toujours de point de contrôle pour savoir si les politiques sont en voie de produire des résultats pour les Canadiens.
LE CANADA DOIT PRENDRE DES RISQUES EN FAISANT PREUVE DE RIGUEUR
L’expérience vécue dans les tractations avec le président Donald Trump met en exergue la nécessité d’une gestion économique plus rigoureuse des gouvernants politiques du Canada. Le Canada ne peut plus accepter les piètres résultats qui finissent par caractériser l’économie canadienne. Notre pays peut compter sur un pharaonesque patrimoine de ressources naturelles, sur l’une des populations actives les plus instruites dans le monde, de même que sur l’accès privilégié à de nombreuses puissances économiques développées et émergentes. Tout l’art consiste aujourd’hui à faire fructifier tout le potentiel de ces avantages exceptionnels.
Il semble que le premier ministre Mark Carney soit en train de préparer les Canadiens à des investissements générationnels pour justement atteindre ces objectifs. Le budget du 4 novembre devrait révéler l’ampleur et le coût de ces plans. Compte tenu de la hausse attendue des déficits associés à ces investissements transformationnels, nous recommandons que le gouvernement mette en place de robustes mécanismes de redevabilité pour s’assurer de déployer les ressources budgétaires en restant fidèle à des objectifs macroéconomiques clairs. Il faudra donc instituer une structure-cadre budgétaire ancrée aux lignes de conduite suggérées par le Conseil canadien des affaires, de concert avec une volonté claire de hausser le train de vie grâce à un objectif de croissance du PIB par habitant et de l’investissement non résidentiel.
1 T. Argitis et S. Dupont, notes des « présidents »; « Consultations budgétaires 2025 », Conseil canadien des affaires, 2025.
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