• Il se pourrait que le PIB du T2 soit en train de fléchir.
  • Les facteurs qui l’expliquent sont variés : il s’agit aussi bien des droits de douane que de la météo et des incendies de forêt.
  • Jusqu’à maintenant, l’inflation sous‑jacente est toujours trop forte et récalcitrante…
  • … en prévision des risques prospectifs de l’inflation, au‑delà du simple PIB et des arguments flous.
  • Pour ce qui est des DCM fondamentales aux États‑Unis, les surprises se multiplient; le secteur de la consommation a toutefois trébuché.
 
  • PIB canadien : évolution en % sur un mois, avril 2025, en données désaisonnalisées :
  • Données réelles : ‑0,1
  • Banque Scotia : 0,0
  • Consensus : 0,0
  • Auparavant : 0,2 (données révisées par rapport à 0,1)
  • Estimation « éclair » de mai : ‑0,1

En avril et en mai, l’économie du Canada a trébuché, après avoir été révisée à la hausse jusqu’en mars. Les raisons ont probablement beaucoup à voir avec le dénouement des effets de l’anticipation tarifaire, ainsi qu’avec les incendies de forêt et la météo. Le T1 et le T2 sont probablement le mieux réunis pour ce qui est du pistage afin de lisser ces effets; l’objectif continue de porter : a) sur la croissance du S2 de 2025; et b) sur les facteurs plus complexes qui expliquent l’inflation sous‑jacente jusqu’à maintenant et à terme.

Le PIB s’est replié de 0,1 % sur un mois en avril, ce qui représente deux dixièmes de moins que le pronostic « éclair » initial publié par Statistique Canada il y a environ un mois. Ce repli s’explique en partie par les données plus anémiques publiées depuis ce pronostic. Il s’explique aussi en partie par une révision à la hausse du PIB de mars, qui s’est relevé d’un cran à 0,2 % sur un mois en données désaisonnalisées, ce qui constitue un point de décrochage supérieur pour le PIB d’avril et ce qui rend plus difficile la continuité de la croissance.

Le graphique 1 indique que l’activité manufacturière et le commerce de gros ont constitué un énorme facteur dans le repli du PIB d’avril; ces deux secteurs se sont conjugués pour rogner trois dixièmes de point pondérés sur la croissance du PIB de ce mois. Il s’agit d’un dénouement du modeste relèvement du PIB apporté par ces secteurs dans les mois précédents. L’activité manufacturière et le commerce de gros s’étaient conjugués pour ajouter, en chiffres arrondis, 0,2 point de pourcentage à la croissance du PIB en janvier et à celle de février. Ces deux secteurs ont surperformé en raison de l’anticipation tarifaire, mais sont dès lors appelés à sous-performer puisque ces effets s’estompent. À terme, la tendance est appelée à rester atonique dans ces catégories.

Graphique 1 : Apports pondérés des secteurs au PIB réel de avril

L’estimation éclair du PIB de mai s’établit à ‑0,1 %. Cette estimation appelle quelques mises en garde. D’abord, le pronostic est limité par les facteurs, puisque nous n’avons pas de détails au‑delà de cette explication de Statistique Canada :

« Les baisses observées dans l'extraction minière, l'exploitation en carrière, et l'extraction de pétrole et de gaz, dans les administrations publiques et dans le commerce de détail ont été contrebalancées en partie par la hausse enregistrée dans les services immobiliers et les services de location et de location à bail.»

Deuxièmement, la léthargie de mai s’explique probablement par une combinaison des incendies de forêt et de la météo. Si Statistique Canada insiste tant sur l’exploitation minière et sur l’extraction pétrogazière, c’est peut‑être en raison des interruptions limitées qui ont été déclarées par ce secteur et qui seraient liées aux incendies. Statistique Canada avait publié ce rapport, qui comprenait une estimation des effets des incendies de forêt sur ces secteurs : ils représentaient 0,125 % du PIB canadien. En outre, dans les régions densément peuplées du pays comme l’Ontario et le Québec, la lenteur de l’arrivée du printemps a pu amoindrir l’activité dans les catégories saisonnières. Honnêtement, mai a été un mois piteux pour la météo dans le centre du Canada.

Troisièmement, les estimations éclair du PIB se prêtent toujours à un risque de révision élevé même si, à ce stade, nous ne pouvons pas savoir dans quel sens les révisions seront apportées.

Le PIB du T2 s’est inscrit à ‑0,3 % sur un trimestre en données désaisonnalisées et en rythme annualisé après s’être établi à 1,6 % sur un trimestre en données désaisonnalisées et en rythme annualisé (graphique 2). Ces résultats se fondent sur le PIB mensuel jusqu’en mai en supposant que le PIB de juin fait du surplace uniquement pour éviter de fausser artificiellement le calcul par rapport à ce que nous savons jusqu’à maintenant.

Graphique 2 : La croissance du PIB canadien

L’économie est‑elle donc en train de vraiment trébucher au T2? La situation est ambiguë pour deux raisons. Premièrement, l’anticipation tarifaire du T1 se dénoue au T2 et il faut des données plus épurées par la suite pour avoir une meilleure idée des tendances sous‑jacentes. Deuxièmement, ce pistage dresse un portrait incomplet de ce qui se produit parce qu’il ne fait appel qu’aux comptes mensuels de production et du PIB d’après les revenus, qui ne captent pas les variations des stocks et des échanges commerciaux. Ces variations sont extrêmement importantes quand les chocs de l’offre sont accentués par les effets des droits de douane et puisqu’on ne sait pas vraiment comment se dénoueront ces deux effets lorsque le surcroît des importations du T1 (d’où le poids qui pèse sur le PIB comme effet de fuitage) s’infléchira au T2 alors que les stocks ajoutés aux chiffres de la croissance du T1 pourraient eux aussi s’infléchir. Nous en aurons donc la preuve dans les chiffres trimestriels du PIB.

La BdC serait‑elle influencée par ces chiffres? Là encore, la situation est ambiguë. Le PIB est un intrant dans une structure‑cadre de déficit des extrants, et la BdC avait estimé que l’écart serait compris entre ‑1 % et 0 % au T1. Cet écart pourrait se creuser au T2, en attendant toutefois la publication du PIB d’après les dépenses de tout le trimestre et de l’évaluation que fera la BdC des dommages dans la colonne de l’offre.

Mais à l’évidence, d’autres facteurs expliquent la raison pour laquelle l’inflation sous‑jacente reste aussi élevée et récalcitrante tendanciellement, malgré une mollesse potentiellement légère. Le travail de la BdC consiste à orienter l’inflation sur une cible de l’ordre de 2 %, en le faisant prospectivement. Elle n’atteint pas cette cible jusqu’à maintenant pour ce qui est des pressions qui sous‑tendent les prix, en rappelant que l’IPC de synthèse est fortement abaissé en raison de l’annulation de la taxe sur le carbone pour les consommateurs.

Toujours est‑il que la voie à suivre pour la BdC sera aussi éclairée par les droits de douane et par les effets de la chaîne logistique sur l’inflation, par les perspectives d’une activité commerciale significative et par le pacte sur la sécurité, ainsi que par la mesure selon laquelle le Canada s’échinera à mettre au point la relance budgétaire. Ce que le Canada ne doit surtout pas faire, c’est répéter l’erreur de surfaire la relance monétaire et budgétaire combinée sans avoir la preuve que l’inflation est jusqu’à maintenant enlisée dans les blocages de la chaîne logistique.

L’INFLATION AMÉRICAINE ÉTONNE LÉGÈREMENT À LA HAUSSE ALORS QUE LE SECTEUR DE LA CONSOMMATION FLÉCHIT

L’inflation sous‑jacente des DCM aux États‑Unis a pris presque tout le monde de court en augmentant de +0,18 % sur un mois en données désaisonnalisées, chiffre qui a été arrondi à 0,2 %. C’est plus que l’IPC sous‑jacent et que les rajustements pour tenir compte des différents coefficients de pondération des DCM dans les catégories de l’IPC et dans les apports des prix des producteurs aux DCM. Ce résultat reste toutefois toujours aussi faible (graphique 3); or, tout le débat est prospectif en ce qui concerne le moment où les pressions de l’inflation sous‑jacente pourraient s’exercer en raison des répercussions tarifaires.

Graphique 3 : L'inflation des DCM de base aux États-Unis

Toutefois, le choc le plus retentissant a porté sur la colonne des revenus et la colonne des dépenses des chiffres sur la consommation qui ont été publiés cet avant‑midi. Les revenus ont baissé de 0,4 % sur un mois en mai, après une importante hausse de 0,7 % en avril. Les dépenses ont reculé de ‑0,1 % sur un mois et ont perdu 0,3 % en chiffres corrigés de l’inflation. Ces chiffres sont beaucoup plus faibles que ce qu’indiquait le groupe témoin des ventes au détail. Les dépenses consacrées aux biens ont flanché de ‑0,76 % sur un mois en données désaisonnalisées, et les dépenses consacrées aux services se sont envolées de 0,14 %. Les fortes baisses des dépenses de consommation et des revenus des ménages sont comptabilisées après les chiffres corrigés de l’inflation (graphiques 4 et 5). 

Graphique 4 : La consommation réelle des ménages américains; Graphique 5 : Le revenu réel disponible aux États-Unis