• L’économie canadienne a fini le T1 comme on s’y attendait, en fléchissant…
  • … en prévision des risques de baisse qui se multiplient du fait de la politique américaine erratique.
  • L’économie américaine a été plus vigoureuse que ce qu’indique le PIB pour le T1…
  • … compte tenu de la solide croissance nette des importations et des variations de stocks exceptionnelles entraînées par les tarifs douaniers.
  • L’inflation sous‑jacente des États-Unis s’est embrasée au T1, mais a clôturé en s’allégeant avant l’imposition des tarifs douaniers.
  • La croissance du PIB nord‑américain aura tôt fait de s’affaisser en raison des politiques du gouvernement des États‑Unis.
 
  • PIB du Canada, évolution en % sur un mois, en données désaisonnalisées, février :
  • Données réelles : -0,2
  • Scotia : -0,1
  • Consensus : 0,0
  • Auparavant : 0,4
  • Pronostic « éclair » de mars : +0,1

L’économie du Canada a inscrit une légère croissance au T1 de concert avec les chiffres mensuels volatils du PIB, qui ont été essentiellement au rendez-vous des attentes. L’orientation est très prospective du point de vue des risques. Je vais donc tâcher d’être assez bref. Les marchés ont à peine réagi.

Le PIB a perdu ‑0,2 % sur un mois en février, ce qui est moindre que le consensus (0,0) et ce qui est légèrement inférieur à mon estimation (-0,1). J’avais estimé la baisse à ‑0,3 % d’après mon modèle de régression élémentaire.

L’estimation « éclair » préliminaire pour le PIB de mars s’inscrivait à +0,1 % sur un mois, ce qui cadrait aussi avec mes attentes, mais ce qui était fondé, faut-il le reconnaître, sur le peu d’information dont nous disposions et ce qui pouvait être révisé.

En somme, le pistage du PIB du T1 s’inscrit à 1,5 % sur un trimestre en données désaisonnalisées et annualisées, ce qui concorde avec les attentes dont j’ai parlé dans mon communiqué hebdomadaire (graphique 1). C’est loin d’être génial.

Graphique 1 : La croissance du PIB canadien

Le graphique 2 fait état des apports pondérés à la croissance du PIB de février par secteur. La croissance a été portée par l’activité manufacturière, vraisemblablement dans l’anticipation des tarifs douaniers, par la finance et l’assurance, ainsi que par les minuscules apports de quelques autres secteurs. C’est surtout l’exploitation minière et pétrogazière, suivie d’autres secteurs dans une moindre mesure, qui a pesé le plus lourdement sur la croissance.

Graphique 2 : Les apports pondérés des secteurs au PIB réel de février

Pour ce qui est de mars, il faut se rappeler que nous n’avons pas les détails. Nous n’avons que l’estimation préliminaire de 0,1 %, selon le pronostic livré de vive voix, à savoir :

« Les hausses dans le secteur de l’exploitation minière, des carrières et de l’extraction pétrogazière, dans le commerce de détail ainsi que dans le transport et l’entreposage ont été en partie compensées par les baisses dans l’activité manufacturière et dans le commerce de gros. »

Si la croissance du PIB est de l’ordre de 1,5 % pour le T1, on se rapproche du PIB potentiel, ce qui veut dire que le Canada n’a ni augmenté, ni diminué une petite partie de la mollesse (soit l’écart de production négatif). Cet écart n’a pas donné de très bons résultats lorsqu’il s’agissait d’expliquer les pressions tenaces de l’inflation sous‑jacente qui sont dominées par d’autres facteurs.

Toujours est‑il que le T1 a probablement été le point culminant de la croissance du PIB canadien cette année. Nous prévoyons une croissance annualisée sur un trimestre inférieure à 1 % dans chacun des autres trimestres de 2025, et il est probable qu’il y ait plus de risque de baisses que de hausses à cause des politiques désastreuses de Donald Trump pour l’économie américaine comme pour l’économie mondiale.

  • PIB des États-Unis au T1, sur un trimestre en données désaisonnalisées et annualisées, évolution en % au T1 :
  • Données réelles : -0,3
  • Scotia : -1,1
  • Consensus : -0,2
  • Auparavant : 2,4

Parfois, le PIB n’est pas ce qu’il y a de mieux comme baromètre de la vigueur de l’économie. C’est le cas pour ce trimestre, comme je vais l’expliquer.

Premièrement, en surface, il semble que l’économie a été léthargique puisqu’elle s’est contractée de ‑0,3 % sur un trimestre en rythme désaisonnalisé et annualisé. Il semble donc que le consensus a eu raison, ce qui est toutefois trompeur, puisque l’estimation médiane est venue masquer la vaste fourchette des estimations qui étaient assez bien réparties, soit entre -1 % et +1 % environ.

Le PIB américain a été plus vigoureux que ce que le chiffre de synthèse permet de croire. C’est ce que nous apprend le graphique 3, qui donne la répartition des apports pondérés à la croissance du PIB par constituante. Les importations ont retranché 5 points de pourcentage sur l’estimation de la croissance de synthèse sur un trimestre en données désaisonnalisées et en rythme annualisé, ce qui est énorme et ce qui s’explique par l’anticipation tarifaire. Une partie de ce poids s’est transposée dans les stocks, qui ont apporté 2,25 points de pourcentage à la croissance du PIB américain au T1. En somme, les entreprises américaines ont haussé leurs importations et leurs commandes pour se donner le temps de s’adapter aux tarifs en cumulant des stocks prétarifaires afin de répondre à la demande.

Graphique 3 : Les apports au PIB réel américain du T1

Parmi les autres constituantes, la consommation s’est ralentie à 1,8 % sur un trimestre en données désaisonnalisées et annualisées (graphique 4) et a apporté 1,2 % à la croissance du PIB en chiffres pondérés. Les exportations n’ont apporté que 0,2 % en chiffres pondérés. Les investissements fixes (hors stocks) y ont ajouté 1,3 point de pourcentage, essentiellement grâce à l’investissement non résidentiel et surtout en raison d’un apport de 1,06 point des achats de biens d’équipement (graphique 5). Les dépenses du gouvernement ont pesé sur le PIB (graphique 6).

Graphique 4 : La consommation américaine manque de souffle; Graphique 5: Les investissements fixes du secteur privé aux États-Unis; Graphique 6: Les dépenses du gouvernement des É.-U.

La demande intérieure finale est toutefois essentielle. Pour les États-Unis, ce baromètre ne tient pas compte du commerce et des stocks et priorise plus directement l’économie intérieure. La demande intérieure finale a crû de 2,3 % sur un trimestre en données désaisonnalisées et annualisées (graphique 7). Cette croissance, qui s’inscrit dans la continuité du ralentissement récent, est cependant toujours respectable.

Graphique 7 : La demande intérieure finale aux É.-U.

Malheureusement, la croissance de l’économie américaine est appelée à s’affaisser dans le court terme. Selon nos prévisions, il faut s’attendre à ce que le PIB augmente de moins de 1 % sur un trimestre en données désaisonnalisées et annualisées dans chacun des cinq prochains trimestres; l’économie devrait être complètement freinée vers la fin de l’année. Si le PIB rebondit au prochain trimestre, ce sera probablement en raison des variations nettes des apports des importations et des stocks à la croissance, puisque les effets de l’anticipation tarifaire se dissiperont pour céder la place au vidage des rayons des magasins. Les prévisions tendancielles pour l’économie américaine sont maussades à mon avis.

La plus grande surprise, c’est que l’inflation sous‑jacente des dépenses de consommation des ménages a explosé, pour s’établir à 3,5 % sur un trimestre en données désaisonnalisées et annualisées, ce qui est supérieur aux attentes, puisqu’on avait prévu un taux d’inflation dans la fourchette inférieure des 3 % (graphique 8). S’il en est ainsi, c’est essentiellement parce que les dépenses de consommation des ménages de base de février ont été révisées à la hausse pour passer de 0,37 % sur un mois en données désaisonnalisées à 0,5 %. L’inflation sous‑jacente des dépenses de consommation des ménages pour mars a été légèrement inférieure au consensus, comme l’indiquent les chiffres mensuels (graphique 9).

Graphique 8 : L'inflation des DCM de base aux États-Unis; Graphique 9 : L'inflation des DCM de base aux États-Unis

L’indice du coût de l’emploi pour le T1 aux États-Unis a augmenté de 0,9 %, ce qui a été dans les clous (graphique 10).

Graphique 10 : Les coûts de l'emploi aux États-Unis

La croissance de la consommation américaine a‑t‑elle atteint un pic en mars (graphique 11)? La consommation pourrait à nouveau croître fortement en avril, si on s’en remet à des indicateurs comme les prévisions de l’industrie pour un rebond des ventes d’automobiles dans ce mois en prévision des surtaxes. La consommation a aussi été musclée par les gains des revenus (graphique 12). À terme, la question est de savoir dans quelle mesure la consommation fléchit compte tenu de l’ensemble a) de la confiance qui baisse, b) des pertes d’emploi potentielles et c) de la dissipation des effets de l’anticipation tarifaire. Nous nous attendons à ce que les dépenses de consommation s’affaissent fortement en 2025.

Graphique 11 : La consommation réelle des ménages américains; Graphique 12 : Le revenu réel disponible aux États-Unis