Shaun Osborne
Stratège cambiste en chef
Stratégie des marchés des changes
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Le dénouement de la présidentielle américaine de novembre a donné lieu à un basculement des paradigmes dans notre réflexion sur les perspectives du dollar US. En prévision de la présidentielle, nous nous attendions à un fléchissement graduel du dollar US en 2025, puisque la croissance de l’économie américaine s’est modérée et que les taux d’intérêt américains ont baissé — en matant le concept de l’« exceptionnalisme américain » qui a été le moteur essentiel du discours optimiste sur le dollar US.
Le retour à la Maison‑Blanche du président Trump et le raz‑de‑marée républicain à la Chambre des représentants et au Sénat changent considérablement les calculs pour le dollar US. Cette monnaie a bien réagi à la perspective d’un deuxième mandat du président Trump. Or, il y a toujours beaucoup d’incertitude sur les modalités et le calendrier du déploiement des politiques de la nouvelle administration. Cette incertitude fait augmenter la volatilité des marchés de change depuis le milieu de 2024.
Les baisses d’impôts prévues et les politiques de déréglementation escomptées viennent étayer les attentes vis-à-vis de la croissance de l’économie américaine, alors que la mise en œuvre des tarifs douaniers favorisera le dollar US et fera augmenter les risques d’inflation aux États-Unis. Dans le même temps, la Fed est en train d’adopter une approche plus prudente pour ce qui est de l’horizon des politiques. Les progrès accomplis dans la lutte contre l’inflation sont freinés, et il se peut que les décideurs souhaitent prendre le temps d’évaluer les conséquences des politiques du président Trump pour l’économie américaine.
Nous avons rajusté nos prévisions pour le dollar US dans le sillage de la présidentielle. Les changements sont importants et font état de notre point de vue, puisque nous pensons que le rendement récent du dollar US continuera d’exercer sa domination par rapport à ses grandes devises comparables pendant que l’attention des investisseurs sera monopolisée par les bonnes nouvelles cycliques américaines, soit la surperformance de l’économie des États-Unis et ses taux d’intérêt relativement élevés. Le facteur de l’« exceptionnalisme » devrait constituer, dans les prochains mois, l’un des principaux porteurs de la vigueur du dollar US. En vérité, cette dynamique se donnait déjà libre cours avant la présidentielle. La résilience des statistiques sur la croissance de l’économie américaine a obligé les marchés à reconsidérer à quel point et dans quel délai la Fed assouplirait sa politique monétaire à la fin de 2024 et en 2025, et le dénouement de l’élection n’a fait que renforcer ces tendances.
Dans nos prévisions révisées pour le dollar US, nous nous attendons à ce que la récente vigueur de cette monnaie perdure en 2025, puisque la nouvelle administration tâchera rapidement de mettre en œuvre les priorités de sa politique officielle. Le dollar US est appelé à se raffermir pour se hisser à 1,00 $ (et éventuellement pour franchir ce seuil) par rapport à l’euro (EUR) dans les prochains mois et à frôler à nouveau les récents pics de l’ordre de 160 par rapport au yen japonais (JPY). Le dollar canadien (CA) pourrait à nouveau s’échanger à un niveau proche du creux atteint pendant la pandémie en 2020 (soit un peu moins de 1,47). Les risques de querelles commerciales ralentiront la croissance en Europe et en Asie par rapport à l’économie américaine, ce qui fera souffler des vents contraires fondamentaux plus violents sur les grandes devises. Il se pourrait que le dollar CA soit bien entendu considérablement pénalisé par les tarifs douaniers; de même, la lenteur de la croissance mondiale, qui pourrait aussi peser sur les matières premières industrielles et sur les prix de l’énergie, maintiendrait à un moindre niveau, pour le Canada, les termes de l’échange, déjà faibles.
La confiance dans les perspectives optimistes du dollar US devrait toutefois rester assez mesurée. Si les ambitieuses mesures tarifaires à appliquer largement viendront hausser sensiblement le dollar US, plusieurs contraintes potentielles pèsent sur la capacité du dollar US à se raffermir durablement. Premièrement, les marchés ont déjà écarté la possibilité d’une intervention tarifaire rapide et brutale dès le début du deuxième mandat du président Trump. Or, les premiers indices laissent entendre qu’une approche plus réfléchie pourrait se faire jour. Il se pourrait qu’on anticipe alors, dans les cours du dollar US, de trop « bonnes » nouvelles (optimistes). On ne connaît pas non plus la riposte des économies qui seront assujetties aux tarifs douaniers américains. Deuxièmement, durant la campagne, on a appris que d’éminentes personnalités de l’équipe Trump se penchaient sur les moyens de faire appel au taux de change du dollar US (généralement très valorisé) pour pouvoir remodeler le commerce mondial. Le président élu Donald Trump a lui‑même relevé l’« énorme problème de monnaie » des États-Unis en raison de la surperformance du dollar US (en visant surtout le yuan chinois — CNY — et le JPY). Troisièmement, un vigoureux programme d’immigration pourrait entraver la croissance de l’économie américaine et faire monter les salaires et l’inflation à plus long terme. Enfin, il se pourrait que les investisseurs commencent à mettre en cause la pérennité de la politique budgétaire américaine puisque la nouvelle administration envisage d’abaisser les impôts des particuliers et des sociétés.
Si l’attention des investisseurs est surtout aujourd’hui monopolisée par les avantages cycliques du dollar US, les déséquilibres structurels qui se profilent à l’horizon — et la possibilité que cette tendance s’accélère si la politique budgétaire est considérablement assouplie dans le deuxième mandat du président Trump — représentent effectivement une difficulté potentielle pour la performance à plus long terme du dollar US. Les investisseurs pourraient réclamer une meilleure contrepartie si le président Trump déclenche une hausse significative de la dette nationale des États-Unis. Cette contrepartie pourrait se présenter sous la forme d’une augmentation des rendements sur les bons du Trésor des États-Unis ou sur la dette du Trésor américain ou d’un fléchissement du dollar US, ou encore sous ces deux formes à la fois.
Les annales nous apprennent que les déficits américains (du compte courant et du compte budgétaire) en pourcentage du PIB mondial produisent effectivement un choc sur la performance du dollar US, même si ce choc est décalé. Elles nous apprennent aussi que le créneau temporel pour une réaction négative à la hausse des déficits pourrait s’élargir un peu plus dans la prochaine année ou dans les deux prochaines années, surtout si la dynamique de la dette se détériore substantiellement et que le rythme de la croissance déçoit.
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