• L’inflation canadienne s’est à la limite brusquement repliée en mai.
  • Elle pourrait encore revenir à la charge.
  • Or, les indicateurs fondamentaux sont beaucoup plus discrets, et les statistiques laissent entrevoir une décrue.
  • D’autres données essentielles seront publiées.
 
  • IPC canadien, évolution en % sur un mois//évolution en % sur un an, en chiffres non désaisonnalisés, mai 2023
  • Données réelles : 0,4/3,4
  • Scotia : 0,5/3,5
  • Consensus : 0,4/3,4
  • Auparavant : 0,7/4,4
 
  • Inflation fondamentale au Canada, évolution en % sur un mois en données désaisonnalisées et en rythme annualisé//évolution en % sur un an, mai 2023
  • Moyenne tronquée : 2,4 (révision par rapport à 4,9/4,2 à 5,5/4,2)
  • Médiane pondérée : 3,0 (déjà révisée par rapport à 4,8/4,2 à 4,2/4,3)
  • IPC de base hors aliments et énergie : 2,5 (déjà révisé par rapport à 4,2 /4,4 à 4,2/4,4)

À sa réunion de juillet, la BdC pourrait très bien marcher à nouveau sur un fil de fer.

Les pressions inflationnistes canadiennes se sont brusquement repliées à la limite, ce qui donne à la Banque du Canada un peu plus de marge de manœuvre pour étaler potentiellement les nouvelles hausses envisageables. Pour ma part, je hausserais quand même les taux en juillet, compte tenu du risque haussier soutenu de l’inflation tendancielle. Toutefois, l’importance consacrée par la BdC à la dépendance statistique entre deux réunions et les leçons apprises dans le passé sur les étapes de la mise au point me font pour l’instant douter que le Conseil de direction vienne enchaîner deux hausses de suite. Les fortes révisions apportées à la limite aux pressions des prix fondamentaux lancent une mise en garde : il ne faut pas trop se fier aux premières variations des données.

Les incidences pour la Banque du Canada

Nous continuons de prévoir une hausse de 25 points de base au T3. Nous avons toutefois positionné le pronostic sur juillet plutôt que sur septembre, puisque tout dépend des données. À la limite, ces données penchent provisoirement en faveur d’une hausse en juillet.

Les précédents sont clairs : les remaniements de la politique de la BdC ne suivent pas nécessairement une ligne droite en enchaînant les hausses de taux. Intuitivement, il s’agit d’un constat attrayant quand le taux directeur est déjà bien installé en territoire restrictif et que l’incertitude est forte. Toutefois, cette intuition est étayée depuis lors par des exemples du passé; c’est ainsi que la BdC a escamoté une hausse en septembre 2018 alors qu’elle suivait un parcours haussier ou une baisse en mars 2015, entre deux réductions.

Du point de vue de l’information géographique qui se répercute sur le pronostic, je souhaite toujours prendre connaissance de toute la suite de données avant la décision de juillet, dont les enquêtes statistiques de la BdC de vendredi, les estimations du PIB qui seront publiées vendredi pour avril et mai, puis les emplois et les salaires du vendredi suivant. Or, à ce stade, même les prix post‑IPC pour une hausse en juillet me paraissent élevés.

Il n’empêche que la forte dépendance statistique se bute à des pressions haussières tendancielles pour le risque inflationniste. L’économie est toujours bien ancrée en territoire de demande excédentaire, et il n’y a pas vraiment de progrès à l’heure où les pressions incrémentielles se multiplient.

Je ne crois pas que la Fed aura nécessairement un impact sur la décision de la BdC en juillet. Ce matin, les statistiques macroconjoncturelles américaines étaient très vigoureuses dans l’ensemble du point de vue des commandes de biens durables, avec un relèvement massif de 12,2 % sur un mois pour les ventes de logements neufs, un bond beaucoup plus important qu’attendu de la confiance des consommateurs et un progrès de presque 1 % des prix de revente de logements pour le deuxième gain mensuel d’affilée. Bien qu’il ne s’agisse pas de données sur l’inflation du premier palier ni de statistiques sur les emplois, cette évolution donne l’impression que le secteur des ménages américains s’habitue plutôt bien, jusqu’à maintenant, aux hausses de taux, compte tenu d’autres incidences comme les marchés de l’emploi et la situation générale des finances des ménages américains.

Les statistiques probantes d’aujourd’hui justifient une hausse de la Fed en juillet. Or, la décision de la BdC de hausser ses taux en juin, pendant que la Fed a marqué le pas, est venue donner à la banque centrale canadienne une légère marge de manœuvre.

LES DÉTAILS

Le graphique 1 fait état des grands indicateurs qui penchent pour une hausse en juillet. Ils ne sont généralement pas mis en évidence dans la publication des statistiques générales. L’IPC de base traditionnel (hors aliments et énergie) a gagné 2,5 % sur un mois en données désaisonnalisées et en rythme annualisé, contre 4,2 % le mois précédent. L’IPC en médiane pondérée s’est envolé de 3 % sur un mois en données désaisonnalisées et en rythme annualisé contre 4,2 % le mois précédent. L’IPC en moyenne tronquée a décollé de 2,4 % sur un mois, en données désaisonnalisées et en rythme annualisé, contre 5,5 % le mois précédent. La suite de ces chiffres s’établit à une moyenne de 2,6 %, ce qui représente deux points entiers de moins que le mois précédent. Ce n’est pas encore modeste, mais il s’agit d’un net redressement pour un mois à peine, ce qui nous rappelle à quel point les données sur les prix peuvent être volatiles.

Graphique 1 : Au Canada, l'inflation fondamentale s'est repliée en mai

Ce sont les indicateurs qui importent par rapport aux baromètres sur un an dans les différents indicateurs fondamentaux. L’IPC de base traditionnel sur un an est influencé par les effets de base d’il y a un an, qui auraient à eux seuls fait plonger le baromètre à 3,5 %. La moyenne tronquée et la médiane pondérée sont influencées plus lentement par le décalage des effets de base parce qu’il s’agit non pas de baromètres ponctuels sur un an, mais bien de changements sur un mois mobiles, pondérés et composés, qui sont influencés par l’évolution des prix sur l’année entière écoulée, et non seulement pour mai 2023 par rapport à mai 2022.

Il s’agit aussi de baromètres volatils révisables, ce qui justifie une mise en garde dans les réactions à ces baromètres. Par exemple, l’estimation initiale de l’IPC en moyenne tronquée en avril s’établissait à 4,9 % sur un mois, en données désaisonnalisées et en rythme annualisé, et se chiffre aujourd’hui à 5,5 %; toutefois, cette brusque révision à la hausse a été masquée par une forte révision à la baisse de l’IPC en médiane pondérée en avril, de 4,8 % sur un mois en données désaisonnalisées et en rythme annualisé à 4,2 % aujourd’hui, ce qui laisse inchangée, à 4,85 % sur un mois en données désaisonnalisées et en rythme annualisé, la moyenne des deux baromètres pour avril.

L’ampleur s’est à nouveau améliorée; toutefois, nous constatons toujours que l’inflation d’une grande partie du panier s’emballe sur un an (graphique 2).

Graphique 2 : L'ampleur de l'inflation au Canada

L’inflation des biens et l’inflation des biens de base sauf aliments et énergie se sont repliées à presque zéro sur un mois en données désaisonnalisées; cependant, l’inflation des services a remonté d’un cran (graphique 3) et est présentée en rythme mensuel désaisonnalisé et en rythme annuel désaisonnalisé dans le graphique 4. L’inflation des biens s’est révélée plus volatile que l’inflation des services, qui attire relativement plus l’attention de la BdC, notamment du point de vue des liens perçus avec la vigueur du marché du travail.

Graphique 3 : L'inflation des biens et des services au Canada; Graphique 4 : L'inflation des services au Canada toujours aussi vigoureuse

Les graphiques 5 et 6 font état de la répartition des variations sur un mois des prix par constituante en chiffres non pondérés et en fonction de leur apport pondéré à l’ensemble de l’évolution de l’IPC. Les graphiques 7 et 8 en font autant pour ce qui est des taux sur un an.

Graphique 5 : Évolution mensuelle des catégories détaillées en mai de l'IPC canadien; Graphique 6 : Contributions des catégories détaillées en mai dans l'évolution mensuelle de l'IPC canadien
Graphique 7 : Évolution sur 12 mois des catégories détaillées en mai de l'IPC canadien; Graphique 8 : Contributions des catégories détaillées en mai dans l'évolution sur 12 mois de l'IPC canadien

Le graphique 9 indique ce qui est compris dans l’IPC en moyenne tronquée pour le mois, en rappelant qu’il rogne la tranche supérieure et inférieure de 20 % de la fourchette des variations de prix en chiffres pondérés. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il nous faut insister pour dire que même si les intérêts hypothécaires ont augmenté, ils n’entrent même pas en ligne de compte dans la moyenne tronquée et ne constituent pas une considération dans le regard que jette la BdC sur les facteurs de l’inflation.

Graphique 9 : Les constituantes unimensuelles de mai comprises et exclues du baromètre de l'IPC de base tronqué de la Banque du Canada

Les graphiques 10 à 14 font état des autres constituantes. 

Graphique 10 : Répartition de l'évolution mensuelle dans la catégorie de l'IPC des loisirs, de la formation et de la lecture; Graphique 11 : L'inflation liée au logement; Graphique 12 : L'IPC du transport aérien au Canada; Graphique 13: L'inflation des loyers et les prix des logements
Graphique 14: Inflation des produits alimentaires achetés dans les restaurants

Le lecteur est invité à consulter le tableau reproduit à la fin de cette publication pour prendre connaissance de la répartition du panier de l’IPC, ainsi que des micrographiques et des indicateurs de la note z pour les écarts par rapport aux tendances.

AUCUN EFFET DES VARIATIONS DU PANIER

Parce que Statistique Canada a remanié la pondération des paniers en faisant appel aux modèles de dépenses de 2022 sans réviser les chiffres du mois précédent à partir des coefficients de pondération de 2021, on ne savait pas vraiment s’il allait y avoir des distorsions. Or, il n’y en a pas eu. La variation sur un mois de l’IPC aurait été la même (0,4 % sur un mois en données non désaisonnalisées) d’après les nouveaux ou les anciens coefficients de pondération. On ne s’attendrait pas à ce que les variations des coefficients du panier aient un impact considérable sur le taux sur un an, ce qui ne s’est pas produit.

Tableau 1 : RÉPARTITION DES CONSTITUANTES DE L'INFLATION CA
Tableau 1 : RÉPARTITION DES CONSTITUANTES DE L'INFLATION CA