Dans un contexte où les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis attirent de plus en plus l’attention, et où l’on cherche activement des moyens de dynamiser l’économie nationale, l’intérêt pour l’exploitation des riches gisements de minéraux critiques du pays ne cesse de croître. Mais qu’entend-on exactement par «minéraux critiques», et quels sont ceux que le Canada peut réellement produire? Quelle sera l’importance de ces ressources pour l’avenir du pays?
Voici un guide d’introduction aux minéraux critiques élaboré par l’équipe Études économiques de la Banque Scotia, notamment par Rebekah Young, vice-présidente, Inclusion et résilience économiques, en collaboration avec d’autres sources.
• Qu’entend-on par «minéraux critiques»?
• Pourquoi les minéraux critiques sont-ils si importants?
• Quels sont les minéraux critiques dont dispose le Canada?
• Quels sont les pays qui possèdent les minéraux les plus critiques?
• Comment l’exploitation des minéraux critiques peut-elle contribuer à l’économie canadienne?
Qu’entend-on par «minéraux critiques»?
Les minéraux critiques sont des éléments et des composés nécessaires à la fabrication d’un grand nombre de technologies, comme les téléphones intelligents, les panneaux solaires, les batteries de voitures électriques, les puces électroniques, les moteurs à réaction, les satellites, les engrais…
Voici quelques exemples de minéraux critiques présents au Canada, ainsi que certaines de leurs utilisations :
Bien que la classification des minéraux critiques puisse varier d’un pays à l’autre et évoluer au fil du temps, par définition, ceux-ci sont des ressources jugées essentielles, dont l’approvisionnement pourrait être compromis lorsqu’ils sont le plus nécessaires.
Ils sont généralement extraits de gisements, mais ils peuvent aussi être récupérés à partir de sources secondaires, notamment grâce au recyclage des technologies en fin de vie ou comme sous-produits de procédés de raffinage d’autres matières premières.
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Pourquoi les minéraux critiques sont-ils si importants?
Bon nombre des technologies dont nous dépendons aujourd’hui et dont nous dépendrons demain reposent sur l’utilisation de minéraux critiques, qu’il s’agisse de la transition vers les énergies propres ou de l’essor des centres de données d’intelligence artificielle (IA).
Des secteurs comme ceux de l’énergie, de l’aérospatiale, des technologies, de la défense, des transports et des dispositifs médicaux font usage de technologies qui en dépendent fortement. La demande de minéraux critiques continuera de croître. D’après les projections de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) fondées uniquement sur les politiques actuelles, la demande de lithium devrait être multipliée par cinq d’ici 2040. Celle du graphite et du nickel devrait doubler, tandis que les besoins en cobalt et en terres rares devraient augmenter de 50 à 60 %. Ceux en cuivre, quant à eux, devraient afficher une hausse de 30 %.
Prenons l’exemple des batteries de voitures électriques. En 2024, les véhicules électriques représentaient 20 % du marché mondial de l’automobile, et selon l’AIE, ce chiffre devrait atteindre 40 % d’ici 2030.
En raison du nombre de technologies importantes qui dépendent des minéraux critiques, l’accès d’un pays à ces ressources peut également affecter sa capacité à assurer un approvisionnement énergétique sécuritaire et abordable. Cette question devient d’autant plus pressante que la demande en électrification pourrait doubler d’ici la fin de la décennie, notamment en raison des besoins croissants des centres de données d’IA.
«Le câblage, les panneaux solaires, les turbines, les batteries de stockage et les réseaux de distribution de l’énergie constituent une autre catégorie où la demande en minéraux critiques est particulièrement élevée», explique Mme Young.
Les minéraux critiques sont également cruciaux pour la sécurité nationale en raison de leur rôle dans la fabrication des technologies militaires et de sécurité.
Face à ces enjeux, de nombreux pays accélèrent l’extraction et le raffinage des minéraux critiques présents sur leur territoire ou cherchent à renforcer leurs relations avec des pays qui disposent déjà de ces capacités.
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Quels sont les minéraux critiques dont dispose le Canada?
Au Canada, le gouvernement fédéral a dressé une liste officielle de 34 minéraux critiques, dont six sont jugés particulièrement essentiels : le lithium, le graphite, le nickel, le cobalt, le cuivre et les terres rares. De nombreuses provinces tiennent également une liste des minéraux critiques qui revêtent une importance stratégique pour elles.
Pour figurer sur la liste globale du Canada, un minéral doit être exploitable sur le territoire canadien, et sa chaîne d’approvisionnement doit présenter un risque de rupture. Il doit également répondre à au moins un des critères suivants :
- être jugé essentiel à la sécurité économique ou nationale du pays;
- être nécessaire à la transition nationale vers une économie numérique durable et à faibles émissions de carbone;
- permettre au Canada de se positionner comme un partenaire durable et stratégique au sein des chaînes d’approvisionnement mondiales.
En outre, le Canada est le premier producteur mondial de potasse, principalement utilisée dans les engrais, avec 21,9 millions de tonnes produites en 2023, ce qui représente 32,4 % de la production mondiale. Il se classe également parmi les cinq principaux producteurs mondiaux d’indium, de niobium, de métaux du groupe du platine, de concentré de titane, d’uranium et d’aluminium de première fusion.
Ces classements reflètent la production actuelle, mais une grande partie des ressources en minéraux critiques du Canada est inexploitée. Depuis plusieurs années, le pays investit davantage dans la prospection pour mieux connaître ses réserves et évaluer leur potentiel d’exploitation. Les modèles d’IA sont de plus en plus utilisés pour prédire l’emplacement des minéraux critiques, explique Mme Young.
Il est important de distinguer la quantité d’un minéral détenue par un pays de la quantité qu’il est possible d’extraire sur le plan économique. Le Canada possède une riche dotation en minéraux critiques, mais pour en tirer pleinement parti, des efforts considérables seront nécessaires. Comme l’a souligné un rapport d’une commission de la Chambre des communes, l’extraction de ces minéraux est freinée par des obstacles tels que des enjeux environnementaux et le manque d’infrastructures dans les régions éloignées. Ces données économiques peuvent évoluer assez rapidement, fait remarquer Mme Young, notamment si les gouvernements instaurent un environnement d’investissement plus stable (et efficace) ou, à l’inverse, si l’offre transfrontalière, jadis fiable, venait à être soudainement restreinte.
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Quels sont les pays qui possèdent les minéraux les plus critiques?
De nombreux minéraux critiques sont fortement concentrés dans un petit nombre de pays, que ce soit pour l’exploitation ou pour le raffinage. En effet, dans l’un de ses rapports, l’AIE a constaté que cette concentration de l’offre s’est accentuée ces dernières années, ce qui suscite des inquiétudes quant à la sécurité économique et énergétique.
Source : AIE
La Chine se taille la part du lion sur le marché mondial des minéraux critiques grâce à ses vastes réserves nationales, à ses investissements stratégiques de longue date à l’étranger, à ses subventions nationales massives et à ses capacités étendues de raffinage. Dans le cadre de ses différends commerciaux avec les États-Unis, la Chine a récemment mis en place des contrôles à l’exportation sur certains de ces minéraux critiques. La Chine n’est toutefois pas un cas isolé : selon l’OCDE, les restrictions à l’exportation dans le monde ont été multipliées par cinq au cours des 15 dernières années. Actuellement, plus de la moitié des minéraux critiques liés à l’énergie font l’objet de divers types de contrôles.
Ces dernières années, les États-Unis et plusieurs autres pays ont entrepris des démarches stratégiques pour garantir leur approvisionnement en minéraux critiques. Bien que l’attention mondiale accrue portée à ces minéraux critiques puisse, à terme, favoriser une diversification des chaînes d’approvisionnement en produits raffinés, l’AIE prévoit que les progrès resteront modestes d’ici 2035, les trois premiers fournisseurs devant conserver une part de marché de 82 %.
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Comment l’exploitation des minéraux critiques peut-elle contribuer à l’économie canadienne?
Au Canada, on espère que l'extraction et le raffinage de nos ressources en minéraux critiques pourraient créer des emplois et de la prospérité dans le pays. Par exemple, le soi-disant Cercle de feu du Nord de l'Ontario, qui contient de grandes quantités de nickel, de chromite, de zinc, de platine, de cuivre et d'autres minéraux critiques, est envisagé pour la production. Le secteur minier représente déjà environ 5% du PIB canadien, et la demande mondiale pour ces ressources pourrait doubler au fil du temps, dit Mme. Young.
Les cinq minéraux critiques nécessaires à une batterie électrique, par exemple, figurent sur la liste des minéraux critiques du Canada et pourraient donc être produits au pays. Selon un rapport d'Énergie propre Canada, si le Canada développait une chaîne d'approvisionnement nationale de batteries pour véhicules électriques, elle pourrait soutenir jusqu'à 250 000 emplois d'ici 2030 et ajouter 48 milliards de dollars à l'économie canadienne chaque année.
« Il est très difficile d'établir un chiffre et même un échéancier sur le potentiel [des minéraux critiques au Canada]. La meilleure estimation que nous puissions faire serait le suivi des activités des grands projets par le gouvernement fédéral », explique Mme. Young. Au-delà de la production actuelle, il y a environ au cours des 10 prochaines années au Canada, pour un investissement potentiel de 72,4 milliards de dollars.
Cependant, Mme. Young affirme que si les gouvernements fédéral et provinciaux sont intelligents en matière de politiques et que le processus réglementaire onéreux est simplifié, nous pourrions voir beaucoup plus de projets entrer en développement compte tenu de la demande de minéraux critiques. Elle note également les progrès réalisés dans l'avancement des partenariats avec les communautés autochtones, non seulement par les canaux des employés et de la chaîne d'approvisionnement, mais de plus en plus par le biais de partenariats d'équité.
Source : Ressources naturelles Canada
Au-delà de l’extraction, Mme Young estime que le Canada pourrait également devenir un acteur de premier plan dans le raffinage des minéraux critiques.
«Le traitement des minéraux critiques est un secteur plus flexible, souvent implanté dans des pays disposant d’une main-d’œuvre qualifiée, d’établissements universitaires de haut niveau et d’une forte capacité de recherche en raison de la complexité technique des processus et de l’intensité capitalistique qu’il requiert. Le Canada réunit tous ces atouts.»