IL FAUT PLUS D’AMBITION POUR AMOINDRIR LA DISCORDANCE ENTRE LA FORMATION ET L’EMPLOI

  • Au Canada, les pénuries de travailleurs sont appelées à perdurer à l’heure où les forces démographiques se déroulent.
  • Pour corriger les déficits, il faudra adopter une approche dans laquelle tous seront à la manœuvre, notamment en rehaussant la participation des femmes, des Canadiens aînés, des nouveaux arrivants et des autres groupes marginalisés dans la population active.
  • Or, une approche globale doit viser non seulement à accroître les effectifs, mais aussi à maximiser le potentiel de ceux et celles qui font déjà partie de la population active.
  • De plus en plus, les nouveaux arrivants qui s’installent au Canada sont plus instruits et motivés à apporter leur concours; or, la plupart du temps, on leur confie des postes qui ne valorisent pas leur formation. Si les deux tiers des immigrants qui viennent d’arriver au pays sont porteurs de diplômes d’études universitaires, seulement 40 % environ travaillent dans des emplois qui réclament ces diplômes, contre 60 % parmi leurs collègues nés au Canada.
  • Les raisons qui expliquent cette discordance entre la formation et l’emploi sont complexes et diverses et comprennent à la fois les facteurs de l’offre et de la demande; or, les contraintes chroniques de main‑d’œuvre sur fond de potentiel anémique dans la croissance économique devraient donner de l’élan aux efforts consacrés pour surmonter vigoureusement ces obstacles.
  • À titre d’exemple, un engagement de 5 ans à l’endroit des nouveaux arrivants pour réduire l’écart entre le niveau de leur formation et l’emploi qu’ils occupent dans les cinq premières années suivant leur arrivée — en étendant cet engagement à ceux qui sont arrivés dans les 5 dernières années et à ceux qui devraient arriver dans les 5 prochaines années — pourrait permettre de rehausser la catégorie d’emploi d’environ 250 000 nouveaux arrivants sur cet horizon temporel (graphique 1).
  • Bien que les chiffres ne puissent pas transformer radicalement la trajectoire de croissance du Canada à défaut de politiques complémentaires sur la croissance, ils pourraient au moins orientationnellement justifier de meilleurs gains de productivité. (Et par souci de clarté, il faudrait aussi adopter des politiques sur la demande pour absorber suffisamment ce rehaussement de l’offre.)
  • Essentiellement, amoindrir cette discordance aurait un impact substantiel sur les nouveaux arrivants et sur leur famille : la pénalité salariale pourrait être de l’ordre de 20 000 $ à 25 000 $ par an.
  • Les gouvernements devraient, de concert avec les parties prenantes, relever leurs ambitions en offrant des programmes d’aide et des perspectives afin de permettre aux nouveaux arrivants de faire fructifier tout leur potentiel au fil du temps.
  • Ce parcours ne devrait pas se terminer quand les nouveaux arrivants s’installent au Canada et intègrent la population active; il devrait plutôt s’agir du début de ce parcours seulement. 
Graphique 1 : Coup de pouce potentiellement modeste à la production grâce au relèvement du marché de l'emploi

DES EMPLOIS PARTOUT

Les pénuries de travailleurs sont tenaces et omniprésentes d’un océan à l’autre. Depuis le début de la pandémie, plus de 400 000 nouveaux emplois sont venus enrichir la population active; les taux de participation sont essentiellement redevenus ce qu’ils étaient avant la pandémie, et le taux de chômage atteint un creux absolu. Il reste plus d’un million d’emplois à pourvoir — le double par rapport aux niveaux d’avant la pandémie — dans l’ensemble des secteurs et des régions (graphique 2). Plus de 40 % des entreprises font état de pénuries de travailleurs, selon la Banque du Canada.

Graphique 2 : L'augmentation des postes à pourvoir au Canada

À l’heure où les décideurs fomentent un ralentissement de l’économie, ce freinage allégera un peu la tension sur les marchés du travail surtendus; or, les pénuries structurelles sont appelées à perdurer. Il faut se rappeler qu’avant même la pandémie, plus du tiers des entreprises télégraphiaient des pénuries de travailleurs. Au moment d’écrire ces lignes, trois travailleurs soutiennent chaque retraité — ce qui représente en fait le double du ratio de dépendance des personnes âgées dans le dernier demi‑siècle. Dans le même temps, un Canadien sur cinq en âge de travailler est sur le point d’atteindre l’âge de la retraite, selon les données du Recensement de 2021, et la population canadienne de naissance est appelée à plonger en territoire négatif d’ici la fin de cette décennie.

Pour corriger ces pénuries, il faudra adopter une approche dans laquelle tous seront à la manœuvre. Dès le début de la pandémie, les Études économiques de la Banque Scotia ont tracé les contours du plaidoyer pour corriger les lacunes de la participation des femmes dans la population active : à peu près un demi‑million de femmes en âge de travailler étaient sur la touche par rapport aux hommes. Nous avons récemment mis en lumière le plaidoyer économique pour encourager les Canadiens aînés à continuer de faire partie de la population active plus longtemps, ce qui pourrait au bas mot enrichir la population active de 1,4 million de travailleurs encore. Nous avons aussi détaillé les dividendes économiques que rapportent les niveaux d’immigration musclés dans les provinces les plus peuplées du Canada : le nombre de nouveaux arrivants a atteint l’an dernier un nouveau sommet, à un peu plus de 400 000 travailleurs, et ce chiffre ne cesse d’augmenter.

Le rôle de l’immigration occupe le devant de la scène dans le débat déchirant sur les pénuries de travailleurs. Un récent sondage du Conseil canadien des affaires a permis de constater que les deux tiers des entreprises s’en remettent au recrutement international pour corriger les déficits de travailleurs. À la différence du relèvement de la participation dans la population active de ceux qui sont déjà au Canada, ce qui apporte un coup de pouce ponctuel du point de vue de la croissance de la production, l’immigration apporte à la population active un influx constant de travailleurs très instruits et motivés. Dans la dernière décennie — hormis les secousses pandémiques —, les travailleurs immigrants sont intervenus pour près de 85 % dans la croissance de la population active du Canada (graphique 3). La dépendance à l’endroit des nouveaux arrivants est généralisée dans l’ensemble des secteurs (graphique 4); elle est toutefois particulièrement aiguë dans certains secteurs comme la santé, puisqu’une infirmière autorisée sur quatre et une aide-infirmière sur trois sont des immigrantes, selon Statistique Canada.

Graphique 3 : Les immigrants prennent le relais; Graphique 4 : Les immigrants récents dans la population active dans l'ensemble des secteurs

AU‑DELÀ DES EFFECTIFS

En tâchant d’augmenter le nombre de travailleurs, le Canada ne doit pas perdre de vue l’amélioration du potentiel de ceux qui font déjà partie de la population active. La richesse nationale est simplement fonction des travailleurs, soit leurs heures de travail et leur productivité pendant ces heures. On peut hausser la croissance en augmentant le nombre de travailleurs dans la population active ou en haussant leur productivité grâce à des investissements dans les outils, les technologies ou la formation. Le palmarès du Canada dans la productivité de la main‑d’œuvre est sans éclat, et il faut enchaîner quelques victoires rapides pour enchaîner des gains plus importants. Pour tracer par exemple une trajectoire plus ambitieuse, il faudrait prévoir des virages massifs dans le déploiement du capital, réaménager les systèmes d’éducation ou adopter une approche plus stratégique dans le développement sectoriel.

Les Canadiens nouvellement arrivés sont — ou devraient être — les premiers « fruits à récolter ». Ils arrivent pour la plupart dans ce pays dans la force de l’âge de travailler — ou même au début de leur carrière s’ils sont des étudiants internationaux — et sont très instruits. Les deux tiers environ des immigrants en âge de travailler qui viennent de s’installer au pays (soit ceux qui sont arrivés dans les 5 dernières années et qui ont entre 24 et 54 ans) portent des diplômes d’études universitaires, par rapport au tiers de leurs collègues nés au Canada. À l’heure actuelle, plus de 40 % des Canadiens en âge de travailler qui ont une formation universitaire sont des immigrants, ce qui est nettement supérieur à leur part de 30 % dans la population active pour cette cohorte d’âges.

Or, il est beaucoup moins probable que les nouveaux arrivants occupent des postes qui valorisent leur formation. Les données du Recensement de 2016, certes désactualisées, laissent entendre que moins de 40 % des immigrants sont titulaires de postes qui réclament leurs titres de compétences universitaires, contre 60 % de la population née au Canada. Ce ratio de concordance formation‑emploi, qui est relativement stable pour les Canadiens, s’est détérioré pour les immigrants dans les dernières dizaines d’années (graphique 5). Les prochaines données du Recensement devraient faire état d’une certaine amélioration compte tenu du rôle rehaussé que jouent les étudiants internationaux dans le parcours qui mène à la résidence permanente; or, il est improbable qu’ils changent considérablement la donne. 

Graphique 5 : Travailleurs dans les postes réclamant un baccalauréat

Les facteurs qui expliquent la discordance entre la formation et l’emploi sont variés et vastes. Dans la colonne de l’offre, il peut s’agir de la reconnaissance des titres de compétences dans les secteurs réglementés, de la qualité de la formation suivie à l’étranger, de la transférabilité des compétences dans un nouveau contexte, de l’absence d’expérience professionnelle pertinente au Canada et des obstacles linguistiques ou culturels. Les forces du marché peuvent déconsidérer, en partie ou en totalité, la valeur des titres de compétences mérités à l’étranger même s’il existe des déficits sur le marché du travail au Canada. Les théoriciens de l’offre affirment souvent que cette discordance est le résultat de la « sous‑utilisation » de la formation.

Cette discordance s’explique aussi par les facteurs probablement importants de la demande. L’économie canadienne ne génère peut‑être pas une demande suffisante pour la hausse de l’offre de travailleurs diplômés universitaires nés à l’étranger et au Canada : les uns comme les autres sont plus nombreux depuis les dernières décennies (graphique 6). Déjà, en 2015, le directeur parlementaire du budget télégraphiait cette discordance structurelle, alors que Statistique Canada attribue aussi une partie du déficit à la suroffre par rapport à la demande. Dans le même temps, la demande exprimée pour les postes moins spécialisés ploie sous la pression, particulièrement aiguë dans certains secteurs, dont les services de première ligne et les fonctions administratives, mais aussi dans d’autres secteurs liés aux services, à l’heure où la part de la consommation dans l’économie canadienne continue d’augmenter. On confie de plus en plus aux nouveaux arrivants ces emplois moins bien rémunérés — nombreux sont ceux qui décident de s’y consacrer même s’ils détiennent des diplômes supérieurs — alors que les travailleurs nés au Canada désertent ces emplois (graphique 7). Les théoriciens de la demande disent souvent que cette discordance est un phénomène de « surqualification ». 

Graphique 6 : Part croissante des travailleurs justifiant d'une formation universitaire; Graphique 7 : Les immigrants corrigent les déficits dans les emplois moins spécialisés

Malgré les facteurs qui expliquent cette discordance, l’impact sur les ménages de nouveaux arrivants peut être retentissant. Une multitude de sources statistiques imparfaites pointe des pénalités salariales substantielles pour ceux qui occupent des postes inférieurs à leurs compétences. En 2017, les immigrants nouvellement arrivés et justifiant d’une formation universitaire gagnaient en moyenne 21 000 $ de moins par an que leurs collègues  nés au Canada, dont les revenus s’établissaient à une moyenne de 69 000 $ — soit une pénalité salariale de plus de 40 %. (Les données publiées datent d’il y a longtemps; or, l’évolution du déficit dans le temps est obstinément stable.) L’écart salarial s’amenuise pour les immigrants arrivés il y a longtemps (5 ou 10 ans); or, cet écart se réduit à 15 000 $ à peine par an (graphique 8). Le tableau est donc incomplet, puisque les chiffres ne tiendraient compte que des 40 % environ des immigrants titulaires de postes correspondant à leur formation. Le supplément salarial de tous les Canadiens qui ont un diplôme universitaire par rapport à ceux qui n’ont qu’un diplôme d’études secondaires s’établissait à près de 30 000 $ par an (même s’il varie considérablement en fonction de l’âge et de l’expérience), d’après les données du Recensement de 2016 (graphique 9).

Graphique 8 : Salaires des immigrants du principal groupe d'âge actif justifiant d'une formation universitaire: Graphique 9 : Supplément de formation par groupe d'âge (tous les Canadiens)

Selon une estimation raisonnable, la pénalité salariale serait de l’ordre de 25 000 $ par an pour les immigrants nouvellement arrivés et occupant des postes qui ne valorisent pas leur formation universitaire. Cette pénalité peut s’amenuiser — mais serait probablement plutôt de l’ordre de 20 000 $ par an — dans les 5 à 10 années suivant leur arrivée. Cette affirmation a certes pour effet de sursimplifier la complexité de l’isolement des compétences par rapport à la formation, la transférabilité imparfaite de la formation et de l’expérience internationales, ainsi que la capacité de l’économie canadienne à absorber le talent; or, elle donne quand même une idée de l’importance potentielle de l’impact sur chaque salarié.

CALCUL RAPIDE

Amenuiser la discordance entre la formation et l’emploi des immigrants récents pourrait faire rejaillir des bienfaits sur l’économie canadienne. Comme point de repère, parmi les 800 000 nouveaux arrivants et plus (de 25 à 54 ans) qui se sont installés au pays dans les 5 dernières années, à peine plus d’un demi‑million sont titulaires de diplômes universitaires; or, statistiquement, seulement 200 000 environ occupent des postes qui réclament ces diplômes. Si les tendances actuelles perdurent, ces chiffres sont appelés à doubler largement dans les 5 prochaines années. À titre d’exemple, un engagement de 5 ans à l’endroit des nouveaux arrivants, afin d’amenuiser l’écart entre la formation et l’emploi de chacun dans les 5 années de son arrivée — étendu à ceux qui sont arrivés dans les 5 dernières années et à ceux qui arriveront probablement dans les 5 prochaines années — pourrait porter un « rehaussement des emplois » pour un quart de million de travailleurs environ sur cette période.

On donnerait ainsi un léger coup de pouce à la richesse nationale. Certes, les chiffres ne changent pas la donne à l’échelle nationale : un profil graduel de ce « rehaussement de l’emploi » pourrait donner un supplément de ~16 G$ sur 5 ans (selon une évolution à la hausse qui donnerait environ 6 G$ par an dans la cinquième année) grâce aux circuits de revenus dans une économie de l’ordre de 2 500 G$ (2021). Or, orientationnellement du moins, ce coup de pouce mettrait sur la bonne voie la production par habitant du Canada, puisqu’en définitive, c’est ce baromètre qui rehausserait dans l’ensemble des niveaux de vie au Canada. Il donnerait également lieu à un débat plus réfléchi sur la qualité et la composition souhaitées des emplois dans l’économie canadienne au fil des ans. Après tout, ce qui est pertinent, c’est non seulement l’offre de travailleurs instruits, mais aussi les structures industrielles sous‑jacentes qui permettent de valoriser ces compétences.

Ce coup de pouce aurait un impact très significatif sur les nouveaux arrivants et leur famille. La possibilité d’amenuiser le déficit entre la formation et les salaires — qui pourrait être de l’ordre de 20 000 $ à 25 000 $ par an comme nous l’avons mentionné — pourrait avoir un impact considérable au niveau des ménages. Un récent sondage de la Banque Scotia a permis de constater que les nouveaux arrivants donnent plus d’importance à plusieurs objectifs financiers essentiels par rapport aux travailleurs nés au Canada : au lieu de consacrer l’épargne pour l’accès à la propriété ou pour acheter une voiture, ils épargnent pour fonder une famille ou pour financer leurs études. Une myriade de documents universitaires alerte aussi sur les répercussions psychologiques potentielles à force de travailler dans des postes inférieurs au niveau d’études, dont la baisse de la satisfaction professionnelle, de la sécurité de l’emploi, de la qualité de vie et de l’état de santé. Ces facteurs, dont les données sur les revenus ne font pas toujours état, pourraient avoir des incidences réelles sur les nouveaux arrivants et leur famille.

REDOUBLER D’EFFORTS POUR AMENUISER LES DISCORDANCES

Amenuiser la discordance entre la formation et l’emploi des nouveaux arrivants pourrait ne pas transformer radicalement le paysage économique du pays; or, cet effort pourrait changer considérablement la vie des nouveaux arrivants et de leur famille. Il pourrait aussi donner lieu à un dialogue plus réfléchi sur les types d’emplois — et sur les secteurs — qui feraient rejaillir des bienfaits sur le programme de croissance à plus long terme du Canada, ce dont profiteraient non seulement les nouveaux arrivants, mais aussi tous les Canadiens. En outre, il faudrait mettre l’accent non seulement sur le simple nombre d’emplois ou sur les chiffres de la population active, mais aussi sur l’amélioration de la capacité de production de ceux qui font déjà partie de la population active. Pour hausser les niveaux de vie de tous les Canadiens, il faudra relever la production par habitant, et non seulement la production attribuable au plus grand nombre de travailleurs dans la population active. S’assurer que les gains sont équitablement répartis devrait aussi constituer une priorité. Corriger ces déficits serait une étape importante sur cette voie.

Par souci de clarté, il ne faudrait pas laisser entendre qu’on doit donner la priorité exclusivement aux nouveaux arrivants potentiels dans les catégories de travailleurs très spécialisés. Après tout, les Canadiens apprennent que les nouveaux arrivants apportent des contributions démesurées dans certains secteurs dans lesquels les salaires sont moindres, dont la santé ou les soins de longue durée, dans lesquels les fortes pénuries de travailleurs pénalisent dans l’ensemble le bien‑être de nombreux Canadiens. En outre, les riches données longitudinales qui tracent les parcours des immigrants sur plusieurs décennies nous apprennent que les enfants des immigrants gagnent des salaires égaux ou même supérieurs à leurs collègues — de l’ordre de presque 30 % pour les enfants de 30 ans des familles d’immigrants pour des motifs économiques (graphique 10). Or, ils ne devraient pas attendre une génération pour corriger ces déficits. 

Graphique 10 : La deuxième génération rattrape ou dépasse (les parents et les collègues)

Pour amenuiser les discordances entre la formation et l’emploi, il faudra compter sur la collaboration dans l’ensemble des secteurs. Tous les paliers de gouvernement, le secteur privé, les établissements d’enseignement et les secteurs d’impact social ont un rôle évident à jouer en surmontant certains obstacles qui pourraient empêcher les néo‑Canadiens d’avoir accès à des emplois significatifs et enrichissants, qui correspondent à leur formation et à leur expérience au fil des ans et d’améliorer substantiellement le bien‑être de leur ménage. S’il y a déjà toute une série de programmes d’aide pour l’établissement des nouveaux arrivants, très peu sont optimisés pour les besoins de l’emploi (graphique 11). 

Graphique 11 : Recours aux services d'installation au pays

Il est improbable que des changements rapides se produisent du jour au lendemain — en raison des heurts et des obstacles légitimes dans la colonne de l’offre comme dans celle de la demande —; pourtant, hausser les ambitions collectives pourrait accélérer le progrès. Un « passeport pour l’accessibilité en milieu de travail » à l’intention des nouveaux arrivants, par exemple, pourrait tracer les objectifs aspirationnels qu’établiraient les nouveaux arrivants eux‑mêmes en se donnant un plan de 5 ans — avec de l’aide potentielle — pour y arriver. Ils pourraient commencer dans des postes moins spécialisés comme point d’accès dans leur nouveau pays et dans leur nouveau contexte, mais avoir l’occasion de suivre un meilleur parcours à la longue et avoir accès à des fonctions plus spécialisées et mieux rémunérées. Les gouvernements pourraient encourager l’accès à la propriété des entreprises en priorisant les courants d’immigration dans les secteurs et chez les employeurs qui s’engagent à favoriser ces passeports transférables dans une structure‑cadre plus vaste, qui tient compte de la contribution sectorielle au potentiel de croissance, du palmarès de ce secteur dans l’investissement consacré à la productivité du capital et de la main‑d’œuvre, ainsi que de son rôle essentiel dans la société.

Ce parcours ne doit pas prendre fin quand les nouveaux arrivants s’installent au Canada et intègrent la population active; il devrait plutôt s’agir du début de ce parcours. Les postes d’accès au marché du travail pourraient constituer un tremplin, et non nécessairement la destination finale, lorsque les nouveaux arrivants commencent à améliorer leur propre bien‑être en contribuant à l’économie et à la société du Canada. Au‑delà des arguments moraux, la concurrence est appelée à s’aviver pour les jeunes talents très instruits et mobiles à l’heure où la population active prend mondialement de l’âge. Ces nouveaux arrivants iront dans les secteurs dans lesquels leur talent est le mieux reconnu et rétribué comme il se doit.