Pour bien des enfants, les chances de survivre au cancer dépendent du milieu de vie. Dans plusieurs régions du monde, les risques de mauvais résultats cliniques chez les patients ayant un cancer ou une hémopathie grave sont déterminés par les difficultés économiques, l’accès limité aux médicaments et aux services diagnostiques spécialisés et la pénurie de professionnels de la santé spécialisés.

Le taux de survie des enfants qui vivent au Canada et peuvent être admis dans des établissements de premier ordre comme l’Hôpital pour enfants de Toronto (SickKids) dépasse les 80 %, soit beaucoup plus que chez les enfants antillais. C’est cet état de fait qui a conduit à la création, en 2013, de l’initiative SickKids-Caribbean, fruit de la collaboration du Centre for Global Child Health de SickKids, de l’Université des Indes occidentales ainsi que des ministères de la Santé et de grands établissements hospitaliers et autres de six pays anglophones des Antilles — Bahamas, Barbade, Jamaïque, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les Grenadines et Trinité-et-Tobago —, avec le soutien de la fondation SickKids.

La plus grande utilité du programme est de rendre les praticiens plus à même d’améliorer le sort des enfants malades. L’arrivée dans la région de quatre médecins antillais fraîchement formés au sujet des cancers et des hémopathies chez les enfants, ainsi que de 42 infirmiers spécialisés, a fait grimper les taux de survie, estime la Dre Michelle Reece-Mills, pédiatre et oncologue-hématologue pédiatrique au centre hospitalier de l’Université des Indes occidentales.

Pendant sa résidence en pédiatrie en Jamaïque, la Dre Reece-Mills s’est prise d’affection pour une patiente leucémique, décédée un mois après son transfert dans un établissement de soins jamaïcain. C’est ce qui l’a amenée à entreprendre, en 2009, des études en oncologie et en hématologie au Canada, plus précisément au Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario, à Ottawa, et à l’Hôpital SickKids, à Toronto.

« Le milieu de l’hématologie pédiatrique aux Antilles se compose grosso modo d’un ou deux spécialistes par île, qui se sentent souvent isolés », précise la Dre Reece-Mills, se remémorant ses premières années de pratique. L’initiative SickKids-Caribbean a jeté des ponts entre les pays, estime-t-elle. « Nous sommes plus conscients que nos problèmes se ressemblent, et nous nous y attaquons ensemble. »

L’idée de cette initiative a germé dans l’esprit d’une Canadienne qui se rendait souvent en Barbade. Celle-ci a demandé à l’oncologue-hématologue pédiatrique de son fils leucémique quelles seraient ses chances de survie s’il habitait les Antilles. Lorsque le Dr Victor Blanchette, un Barbadien d’origine qui dirigeait le programme de thrombose et d’hémostase pédiatriques de la Division d’hématologie et d’oncologie de SickKids, lui a répondu que les chiffres et les résultats ne faisaient l’objet d’aucun suivi, la femme s’est proposée pour contribuer au financement d’une étude sur les leviers de changement à la portée de SickKids.

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Nous sommes plus conscients que nos problèmes se ressemblent, et nous nous y attaquons ensemble.

La Dre Michelle Reece-Mills, pédiatre et oncologue-hématologue pédiatrique au centre hospitalier de l’Université des Indes occidentales

L’initiative SickKids-Caribbean a été créée afin d’aider la région à se doter de ressources pérennes pour diagnostiquer et traiter les cancers et les hémopathies chez les enfants en fournissant de la formation dans des domaines de spécialisation, en créant des bases de données locales en oncologie pédiatrique pour les hôpitaux et en établissant une structure de communication intégrée.

Il importe non seulement de renforcer les capacités locales, mais aussi de mettre à la disposition des médecins le savoir et les ressources de diagnostic et de dépistage de SickKids. Avec l’aide de la Banque Scotia, l’initiative a pu créer sept pôles de télémédecine, qui ont facilité plus de 500 consultations à partir des six pays partenaires. Par ces consultations, les médecins antillais peuvent poser rapidement des diagnostics justes, planifier des traitements adéquats et moduler ou revoir les plans au besoin.

« La Banque Scotia est un véritable chef de file pour ce programme, qui n’aurait pas été possible sans son soutien financier », fait valoir Ted Garrard, chef de la direction de la fondation SickKids.

L’implication de la Banque Scotia a également facilité la création, pour les hôpitaux, de registres locaux de patients en oncologie pédiatrique pour faire le suivi des résultats cliniques et améliorer les soins essentiels à la survie des enfants cancéreux. D’après les données colligées, si le taux d’incidence du cancer chez les enfants est à peu près le même dans la région qu’ailleurs en Amérique du Nord, les résultats de santé, eux, sont de loin inférieurs.

On observe aussi des progrès dans le diagnostic et le traitement de l’anémie falciforme (drépanocytose), une maladie héréditaire particulièrement courante chez certains groupes ethniques, notamment d’ascendance africaine. En Jamaïque, la drépanocytose touche 1 enfant sur 200 et entraîne un risque élevé de maladie grave et de décès prématuré. Grâce à l’initiative, plus de 90 000 bébés ont été testés en Jamaïque et à Sainte-Lucie, et un suivi est assuré en cas de résultat positif.

« À l’heure actuelle, nous pouvons dépister la drépanocytose dans tous les hôpitaux jamaïcains où ont lieu des naissances. Voilà un progrès remarquable dont la Pre Jennifer Knight-Madden et le groupe du Caribbean Institute of Health Research ont été le fer de lance », déclare la Dre Reece-Mills.

L’initiative SickKids-Caribbean est financée par des dons de particuliers et de grandes entreprises du Canada et des Antilles, à hauteur de 8 millions de dollars canadiens pour la première phase et de 5 millions pour la deuxième, qui devrait se terminer le 31 mars 2022; l’apport de la Banque Scotia s’élève à 1 million.

« Nous nous soucions des collectivités où nous sommes présents. En soutenant l’initiative SickKids-Caribbean, nous faisons en sorte que de meilleurs soins soient prodigués aux enfants de la région ayant une hémopathie comme la leucémie ou la drépanocytose », déclare Stephen Bagnarol, directeur général de Scotiabank Trinidad and Tobago et premier vice-président et chef, Antilles du Sud et de l’Est. « Pour la Banque Scotia, il est très important que les jeunes puissent s’épanouir tout au long de leur vie, et donc qu’ils soient en santé et reçoivent les meilleurs soins médicaux possible. »

« L’hôpital, son personnel et la fondation SickKids sont très fiers de contribuer à un projet qui sauve vraiment des vies », se réjouit Ted Garrard.

Ce dernier y voit un autre exemple de collaboration s’inscrivant dans une relation de confiance qui unit depuis longtemps la région et le Canada. « Les Canadiens qui ont participé à l’initiative l’ont fait dans un esprit de concertation au lieu de prendre toute la place. Finalement, nous avons augmenté les capacités, et nous sommes très contents d’avoir pu apporter notre pierre à l’édifice », conclut-il.