Lorsque Veryl Obodi est arrivée au Canada en juin 2019 en tant que réfugiée du Kenya, sans argent et sans famille sur laquelle compter, elle pensait que ses études et son expérience l’aideraient à trouver un bon emploi. Au lieu de cela, elle s’est retrouvée à vivre dans le refuge pour sans-abri YWCA à Toronto et à travailler comme femme de ménage.

Mme Obodi a été choquée d’apprendre que son diplôme de premier cycle en tourisme, sa maîtrise en gestion des ressources naturelles et ses dix années d’expérience en gestion de projets dans le secteur de la conservation et dans les secteurs privés, intergouvernementaux et à but non lucratif ne suffisaient pas à lui assurer un emploi dans son domaine.

Partout où Mme Obodi a posé sa candidature, on lui a dit que ses diplômes internationaux n’étaient pas reconnus. Même après s’être inscrite à la School of Continuing Studies de l’Université de Toronto et avoir fait certifier ses diplômes, elle se faisait toujours dire qu’elle avait besoin d’expérience au Canada, mais personne ne lui suggérait comment l’obtenir. « Ceci a été l’un de mes plus grands obstacles », affirme-t-elle. (À la fin de l’année dernière, le gouvernement de l’Ontario a annoncé qu’il présenterait une loi interdisant l’utilisation de l’expérience professionnelle canadienne comme critère dans les offres ou les demandes d’emploi, une première au Canada.)

C’est l’intervenant de Mme Obodi au refuge qui l’a mise en contact avec Up With Women/Exponenti’elles, un organisme de bienfaisance national qui aide les femmes récemment sans-abri et à risque, les femmes transgenres et les personnes non binaires, bispirituelles et à l’identité de genre diverse à trouver un moyen durable de sortir de la pauvreté.

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Photo : Veryl Obodi
Source : Exponenti’elles


Le programme s’articule autour d’une année de coaching individuel à raison de deux heures par mois avec un professionnel certifié par l’International Coaching Federation. Les participantes se réunissent afin de se soutenir mutuellement, de travailler en réseau et de créer une communauté. Elles ont accès à des webinaires bimensuels animés par des experts invités et sont orientées vers des services d’aide globale dans des domaines comme le logement et la sécurité alimentaire, le soutien juridique, les finances personnelles et l’orientation en matière d’immigration.

L’organisme de bienfaisance dessert quatre provinces, soit l’Ontario, le Québec, l’Alberta et la Colombie-Britannique, et emploie 18 personnes. En l’espace de six à douze mois, même durant la pandémie, les participantes ont vu leur revenu moyen augmenter de 15 000 $, et une sur cinq gagnait plus de 50 000 $ à la fin du programme, selon le Boston Consulting Group (BCG).

Mme Obodi a finalement occupé un emploi de femme de ménage pendant 18 mois, tout en travaillant à l’obtention d’un certificat de troisième cycle en gestion de projet au George Brown College de Toronto. En 2021, après avoir suivi le coaching d’Exponenti’elles, elle a trouvé un emploi dans une institution financière en tant que conseillère clientèle dans une succursale. Depuis, elle a gravi les échelons jusqu’à occuper un poste de praticienne de projet au siège social de l’entreprise.

« J’aime pouvoir revenir quatre ans en arrière et voir le chemin que j’ai parcouru, de l’itinérance à bénéficiaire de l’aide sociale, et maintenant au paiement de mes impôts », a déclaré Mme Obodi, qui est devenue résidente permanente du Canada en 2022 et qui remplira les conditions requises pour obtenir la citoyenneté en novembre 2024.

Soutien essentiel de la Banque Scotia

La Banque Scotia s’est engagée à verser 300 000 $ sur deux ans pour aider Exponenti’elles à offrir ses services à un plus grand nombre de femmes dans le besoin en Colombie-Britannique, en Alberta, dans la région du Grand Toronto, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. L’investissement communautaire fait partie du programme ScotiaINSPIRE, l’initiative d’investissement communautaire de la Banque, d’une durée de dix ans et d’une valeur de 500 millions de dollars, qui vise à renforcer la résilience économique et l’inclusion de groupes défavorisés.

Les dons pluriannuels sont d’une importance capitale pour la viabilité d’une organisation, a déclaré Lia Grimanis, présidente-directrice générale et fondatrice d’Exponenti’elles. « Chaque année, nous travaillons très fort à amasser des fonds, ce qui rend la croissance très difficile. »

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Photo : Lia Grimanis
Crédit photo : Exponenti’elles


Il faut beaucoup de temps et de travail pour communiquer avec tous les organismes (réfugiés et nouveaux arrivants, santé mentale et handicap, mères célibataires, jeunes et LGBTQ) pouvant recommander les personnes qui bénéficieraient de l’accompagnement offert par Exponenti’elles, affirme Mme Grimanis.

« ScotiaINSPIRE fournit des fonds pour aider les gens à surmonter les obstacles qui se dressent sur leur chemin, et nous sommes ravis d’aider Exponenti’elles à croître et à atteindre plus de femmes partout au Canada, a déclaré Maria Saros, vice-présidente et chef mondiale, Impact social à la Banque Scotia. Nous sommes très fiers de pouvoir soutenir leur expansion, qui comprend l’établissement de relations avec des refuges et des organismes soutenant les femmes et le recrutement de coachs, de technologies et de personnel, afin d’aider les femmes à changer positivement l’orientation de leur vie. »

Le chemin vers l’itinérance

Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les femmes se retrouvent en situation d’itinérances ou vivent dans des situations précaires, mais la pauvreté est le dénominateur commun. « Si vous vivez dans la pauvreté, vous courez le risque de devenir sans-abri », a expliqué Mme Grimanis.

Les femmes racisées, membres des Premières Nations, Inuits ou Métis, qui vivent avec un handicap, qui élèvent seules leurs enfants ou qui ont un statut d’immigration précaire représentent un nombre disproportionné des personnes sans-abri. Seulement 26 % d’entre elles consomment des substances (drogues et/ou alcool) et 16 % souffrent d’une maladie mentale, selon Exponenti’elles. Nombre d’entre elles ont également vécu de la violence familiale, des abus et des traumatismes.

Mme Grimanis comprend mieux que quiconque les causes de l’itinérance chez les femmes, car elle a suivi un parcours semblable à celui de nombre de ses clientes. Lorsqu’elle avait 16 ans, sa grand-mère est décédée et son père et son oncle ont sombré dans la dépression et la violence, souvent dirigée contre elle. Sentant qu’elle n’avait nulle part où aller, Mme Grimanis a dormi chez plusieurs amis, jusqu’à ce qu’elle ne soit plus la bienvenue.

« Vous perdez rapidement vos amis lorsque vous dormez sur leur canapé. Ensuite, vous devez vous faire de nouveaux amis et vous n’avez pas le temps d’évaluer qui ils sont. Et vous ne pouvez pas voir venir les dangers », a-t-elle déclaré à propos de cette période de sa vie. 

Stats: Up With Women clients are: 67% immigrants & refugees 33% youth 85% live with a disability (including mental health) 56% single parents 78% fled violence 17% over age 50

Source : Exponenti’elles


À l’âge de 19 ans, Mme Grimanis a trouvé le chemin d’un refuge et a lentement commencé à reconstruire sa vie. Elle s’est promis de trouver un moyen d’aider d’autres femmes à sortir du cycle de la pauvreté. « Ma vie entière est devenue consacrée à la réalisation de cette promesse. J’ai fait de ma vie une histoire qui pourrait inspirer d’autres personnes à croire qu’elles peuvent y arriver aussi. »

Mme Grimanis attribue une grande partie de sa situation à son autisme, bien qu’elle n’ait été diagnostiquée qu’à 45 ans. « Lorsque l’on considère l’autisme dans le contexte de la violence, on ne voit pas d’escalade, pas de signaux d’alarme. C’est comme si vous ne saviez pas que le train arrive avant qu’il ne vous percute. Et le fait d’être une jeune femme n’a fait qu’exacerber cette situation », a-t-elle ajouté.

« Le nombre de personnes autistes sans-abri est très élevé. De nombreuses femmes ne sont jamais diagnostiquées. Nous voyons beaucoup de mères d’enfants autistes : les enfants sont diagnostiqués, mais les mères ne le sont pas. Nous sommes doués à masquer ces situations. »

Parallèlement, Mme Grimanis reconnaît que son autisme l’a aidée à décrocher son premier emploi dans la vente de logiciels, même si elle n’était pas suffisamment qualifiée. « Parce que j’étais autiste, je n’avais pas compris que leur “nous vous rappellerons” était un non, alors j’ai continué à appeler », mentionne-t-elle.

Naissance d’une association caritative

Il a fallu 20 ans pour que Mme Grimanis reçoive du coaching. Cela s’est produit alors qu’elle travaillait dans le domaine des logiciels de veille stratégique et d’analyse prédictive pour SAS et qu’elle gagnait plus de 250 000 $ par année. « Tout ce que j’ai pensé, c’est que ça m’aurait été pratique il y a des années. Les personnes qui en ont le plus besoin ne pourraient jamais se l’offrir. »

C’est cette prise de conscience qui est à l’origine de la création d’Exponenti’elles. Il y a près de 15 ans, Mme Grimanis a lancé l’organisme de bienfaisance avec l’idée de demander à des coachs de s’engager à aider gratuitement une personne à risque et à faible revenu pendant un an. Il s’agissait d’une petite demande qui allait changer la vie de nombreuses femmes, a-t-elle déclaré.

« Nous avons constaté des changements immédiats et spectaculaires en travaillant avec des réfugiées et des personnes fuyant la violence en ce qui concerne leur emploi, leur capacité à démarrer une entreprise, et surtout, leur confiance en elles. C’était incroyable! »

L’importance du coaching

L’une des choses qui ont marqué Mme Obodi est le test d’évaluation personnelle utilisé par Exponenti’elles pour la mettre en relation avec le bon coach. « Ils ne vous confient pas simplement à un coach disponible. J’avais beaucoup de points communs avec mon coach. Il ne m’a jamais dit ce que je devais faire. Il voulait que je croie en moi, que je rêve en grand », a-t-elle expliqué.

Mme Obodi bénéficie toujours de son soutien, puisqu’ils poursuivent leurs séances mensuelles.

« Il a vu mes progrès et m’a promis de continuer à me soutenir. Il m’a largement aidée à me considérer comme quelqu’un qui mérite cette vie. »