La pénurie de logements abordables au Canada est une véritable crise. Pour la résoudre, il faudra des efforts coordonnés, d’importants investissements sur de nombreuses années et de nouvelles approches.
Tel était le message sous-jacent du Sommet sur le logement abordable de la Banque Scotia. Cet événement annuel réunit des sociétés immobilières, des organismes à but non lucratif, des organisations municipales et d’autres principales parties prenantes et spécialistes pour étudier le problème ainsi que les solutions potentielles.
«La réalité est qu’il est dispendieux de construire et d’exploiter des logements et qu’il en faut de plusieurs types au Canada, a déclaré Paul Scurfield, chef mondial, Marchés des capitaux mondiaux de la Banque Scotia, dans son mot d’ouverture lors du récent événement virtuel. Augmenter l’offre de logements nécessitera des capitaux, des politiques gouvernementales vigoureuses, de l’innovation et des partenariats.»
Le sommet d’une journée, tenu en mars, a donné lieu à des tables rondes et à des périodes de questions où ont participé 40 panélistes et animateurs et animatrices. Les sujets discutés comprenaient le logement autochtone, l’offre de logements, la disponibilité de la main-d’œuvre au Canada et les partenariats novateurs. Le Sommet sur le logement abordable de la Banque Scotia a été créé en 2021. Il répond à la demande croissante de la clientèle et de la population canadienne en général voulant comprendre le marché du logement et améliorer la disponibilité de logements abordables, c’est-à-dire dont le coût est inférieur ou égal à 30 % du revenu avant impôt d’un ménage.
Cette année, le thème du sommet était «Bâtir dans un contexte d’incertitude», en référence à l’évolution rapide des conditions politiques et économiques, comme les barrières tarifaires. Le gouvernement libéral nouvellement élu de Mark Carney s’est engagé à doubler le nombre de logements construits chaque année. Ceci comprendrait la création d’une entité nommée Créer Maisons Canada qui agirait en tant que promoteur immobilier pour superviser la construction de logements abordables.
En 2022, la Société canadienne d’hypothèques et de logement a estimé qu’il faudrait 5,8 millions de nouveaux logements d’ici 2030 pour parvenir à l’abordabilité au Canada, et que même avec une estimation prudente du prix de chaque logement, le coût se chiffrera en milliers de milliards, a ajouté M. Scurfield.
«Le problème de logement au Canada ne peut être résolu par un seul groupe, a-t-il déclaré. Tous les paliers de gouvernement et toute une série de parties prenantes du secteur privé devront s’harmoniser et passer à l’acte. Nous connaissons tous les problèmes. Nous devons maintenant agir pour les résoudre.»
Voici quelques thèmes et points clés du sommet :
Le besoin d’augmenter l’offre de logements
Malgré un ralentissement de la croissance démographique survenu peu de temps après les changements de politique apportés par le gouvernement fédéral pour réduire l’immigration, la demande de logements au Canada reste élevée, surtout dans le contexte de baisse des taux d’intérêt, qui incite les acheteurs potentiels d’une maison à entrer sur le marché. Parallèlement, l’offre de logements au Canada, ainsi que la capacité à en construire davantage, n’a pas été en mesure de suivre, ce qui a entraîné la hausse des prix. Depuis la fin de 2019, le prix des logements a augmenté d’environ 36 % au Canada. Une analyse faite par Études économiques Scotia montre qu’un tiers de cette augmentation peut être attribué à la croissance démographique, mais que les deux tiers sont dus au déséquilibre entre l’offre et la demande, soulignant l’importance d’augmenter l’offre pour répondre à la demande incessante. Bien que le marché de la copropriété ait connu un ralentissement ces dernières années, des millions d’habitations devront encore être construites pour atteindre l’abordabilité du logement au Canada.
Le besoin d’innovation
Les progrès technologiques peuvent aider à accélérer le processus de construction, affirment les promoteurs immobiliers. Par exemple, l’intelligence artificielle a le potentiel d’accélérer l’élaboration des plans de construction. Il y a également des essais aux États-Unis qui utilisent des robots pour tracer le plan d’un bâtiment, comme l’emplacement des murs, sur le sol en béton pendant la construction, augmentant la rapidité et l’efficacité, a-t-on appris lors d’une table ronde. Toutefois, les progrès et les gains d’efficacité qui en résultent ne seront pas la recette miracle. Sur le plan politique, il y a des exemples d’innovation en Colombie-Britannique, où les prix des logements sont depuis longtemps les plus élevés au pays et où leur abordabilité est un problème depuis des décennies. Par exemple, la province a introduit une taxe sur la revente précipitée de biens immobiliers qui s’applique aux profits réalisés lors de la vente d’une propriété achetée il y a moins de deux ans. Aussi, la Colombie-Britannique a récemment adopté une loi qui limite les locations à court terme aux résidences principales. Les personnes ne respectant pas cette loi s’exposent à de lourdes amendes.
L’accès à la propriété pour les autochtones
Bien que la crise du logement soit un phénomène relativement récent au pays, les peuples autochtones ont de la difficulté à se loger depuis des décennies. Surtout dans les réserves en raison de pénurie chronique de logements disponibles, de surpeuplement, de moyens financiers limités pour effectuer des travaux d’entretien et de rénovation adéquats, et bien plus encore. De plus, comme la Loi sur les Indiens interdit d’utiliser des maisons ou des terres faisant partie de la réserve comme sûreté en garantie d’un prêt hypothécaire, il est difficile d’accéder aux capitaux nécessaires pour avoir accès à la propriété. Des organisations autochtones, comme le Fonds pour les habitations du marché des Premières Nations, aident les Premières Nations à développer leurs capacités de prendre en main les complexités de la gestion des terres et à faire face aux institutions financières afin d’augmenter le taux d’accès à la propriété des autochtones et de leur fournir des garanties financières pour les aider à devenir propriétaires. Parallèlement, les services de développement économique de certaines bandes, comme la Nation Squamish dans la région du Grand Vancouver, se sont lancés dans des projets de construction de logements d’envergure qui intègrent les valeurs autochtones de la communauté tout en travaillant avec des partenaires pour générer des profits autant pour les communautés autochtones que pour les communautés non autochtones avoisinantes. Dans tous les cas, les peuples autochtones ont besoin de partenaires qui comprennent les obstacles juridiques, réglementaires, financiers et autres qui doivent être surmontés pour résoudre le problème du logement.
L’harmonisation des politiques à tous les paliers de gouvernement
Les promoteurs immobiliers ont réclamé un réexamen des diverses politiques menées aux différents paliers de gouvernement, car celles-ci augmentent jusqu’à 26 % le coût global de la construction de nouveaux logements. Cela comprend les redevances de développement (DCC) – des frais uniques prélevés par les municipalités pour aider à couvrir les coûts en capital des infrastructures, telles que les routes, pour soutenir les nouveaux développements –, les impôts fonciers et la TVH. Bien que les logements construits à des fins spécifiques – c’est-à-dire qu’ils sont construits expressément pour la location à court ou long terme – puissent bénéficier d’un report des DCC dans certaines municipalités ou d’un remboursement de la TPS/TVH, les promoteurs ont déclaré lors du sommet que différents types de logements étaient nécessaires pour augmenter l’offre et améliorer l’abordabilité. Par ailleurs, alors que le secteur de la construction fait face à une pénurie de main-d’œuvre, un appel a été lancé pour harmoniser les politiques d’immigration fédérales et provinciales afin d’attirer des personnes dotées des compétences requises pour construire les millions de logements nécessaires dans les années à venir. On estime qu’une main-d’œuvre de 187 000 personnes sera nécessaire au cours de la prochaine décennie.
L’importance des partenariats
L’un des thèmes récurrents du sommet était qu’aucune partie prenante ne peut s’attaquer seule au problème du logement, mais que toutes –, gouvernements de tous les paliers, entreprises et organismes à but non lucratif – doivent travailler ensemble. Une des tables rondes s’est concentrée sur la manière dont les entreprises doivent prendre contact avec les organismes à but non lucratif qui disposent de l’expertise nécessaire dans les différents aspects de la crise et travailler avec ceux-ci pour avoir une incidence concrète. Ces défis peuvent consister à veiller à ce qu’il y ait des logements adéquats pour le personnel de ces entreprises, et à soutenir les organismes à but non lucratif qui contribuent à former la prochaine génération de main-d’œuvre qualifiée nécessaire à la construction des logements, ainsi que les organisations qui aident les nouveaux arrivants à trouver un logement et à s’installer dans leur communauté d’adoption. De plus, donner la possibilité au personnel de faire du bénévolat auprès de ces organismes à but non lucratif peut renforcer les liens avec ces communautés et maximiser l’incidence du secteur privé sur la résolution du problème.
Dans son mot de la fin du sommet, Meigan Terry, cheffe, Affaires de la société et Durabilité à la Banque Scotia, a mis l’accent sur ce thème et a déclaré qu’il est clair que la pénurie chronique de logements abordables est un problème complexe et qu’aucun groupe ne peut s’y attaquer à lui seul.
«Nous avons tous un rôle à jouer et nous devons travailler ensemble pour relever ce défi majeur.»