Richard E. Waugh - 9 avril 2013

Allocution de Richard E. Waugh
Chef de la direction
Banque Scotia

Prononcée à l'occasion de l'Assemblée annuelle des actionnaires de la Banque Scotia à Halifax

Le 9 avril 2013

« J’aime insister sur notre statut de banque multinationale, ce qui signifie que nous sommes appelés à penser sur le plan mondial, mais à agir sur le plan local. Dans chacun de nos marchés, nous nous efforçons de répondre localement aux besoins particuliers des clients, petits et grands. »

Seul le texte prononcé fait foi

 

Merci et bonjour.

La Banque Scotia est profondément enracinée au Canada, mais étant la plus internationale des banques canadiennes, sa présence internationale occupe manifestement une place importante dans son histoire, dans le façonnement de son identité actuelle et dans son avenir.

Cette présence nous apporte d’abord et avant tout équilibre et diversité, deux éléments centraux de notre stratégie.

Elle aide aussi notre personnel à avoir une ouverture sur le monde, ce qui est indispensable pour faire des affaires en ce XXIe siècle.

J’aime insister sur notre statut de banque multinationale, ce qui signifie que nous sommes appelés à penser sur le plan mondial, mais à agir sur le plan local. Dans chacun de nos marchés, nous nous efforçons de répondre localement aux besoins particuliers des clients, petits et grands.

Nous mettons néanmoins à leur service toutes les ressources et les pratiques exemplaires de la Banque Scotia, grâce à une capitalisation boursière de près de 70 milliards de dollars et à un effectif de 82 000 employés.

Ce n’est pas la manière habituelle dont les banques mondiales fonctionnent. Plusieurs sont gérées à partir de Londres ou de New York, mais investissent peu à l’échelle locale.

Comme nous nous plaisons à le dire à nos clients, nous ne faisons pas la navette; nous avons des points d’ancrage, comme c’est le cas depuis plus de 120 ans à l’échelle internationale.

Voilà une approche typiquement canadienne, caractérisée par l’ouverture d’esprit et la réceptivité aux différences, mais aussi par la prudence et la réflexion. Cette approche nous réussit très bien en tant que Canadiens, mais nous sommes loin de l’exploiter autant que nous le devrions.

Ce qui m’amène à aborder le sujet plus général de l’avenir de l’économie canadienne, et de la nécessité pour notre pays de se tourner davantage vers les marchés étrangers pour trouver des débouchés à ses biens et à ses services.

Ce n’est pas la première fois que j’en parle et je reviens encore sur le sujet, parce qu’il représente à mes yeux l’un des plus grands enjeux pour l’avenir économique du Canada.

J’aimerais donc expliquer aujourd’hui :

  • pourquoi il est si important pour l’avenir économique du Canada de poursuivre notre expansion sur les marchés émergents en forte croissance plutôt qu’auprès de nos partenaires commerciaux traditionnels;
  • en quoi l’expansion internationale peut nous aider à surmonter certains des principaux obstacles à la croissance et à la productivité;
  • et enfin, pourquoi les Canadiens, et tout particulièrement les intervenants du secteur privé que nous sommes, doivent saisir cette occasion sans plus tarder.

Commençons par examiner pourquoi cet enjeu est si important pour l’avenir économique du Canada.

Je vais me concentrer principalement sur trois raisons.

La première est que nous devons faire face aux réalités de l’économie mondiale actuelle. Nous devons être là où la croissance a lieu et, en ce moment, les milieux d’affaires canadiens pourraient faire bien mieux.

D’ici 2050, on prévoit que les marchés émergents seront responsables de 70 % du commerce international. Actuellement, moins de 12 % des exportations du Canada sont destinées à ces marchés.

Même après plusieurs décennies de mondialisation, environ trois quarts de nos exportations prennent encore le chemin des États-Unis. Il n’est pas étonnant que le Canada occupe l’avant-dernier rang du G20 pour ce qui est de la performance à l'exportation.

Beaucoup d’entre nous se fient trop à la traditionnelle faiblesse du dollar canadien, ne mettent pratiquement l’accent que sur ressources naturelles et comptent presque uniquement sur les Américains pour acheter leurs produits.

Le dossier de l’oléoduc Keystone devrait nous rappeler que les États-Unis protègent avant tout leurs propres intérêts et que nous ne pouvons pas compter sur eux pour assurer notre prospérité. Dépendre d’un seul client n’a jamais été une bonne stratégie.

Parlons un peu du potentiel qu’entrevoit la Banque Scotia dans les marchés émergents.

Cette année, la croissance du PIB des marchés étrangers clés devrait être deux fois plus élevée que celle du Canada ou des États-Unis, sans parler de l’Union européenne, dont le taux de croissance risque d’être presque nul.

Cependant, la croissance du PIB n’est pas le seul élément à prendre en considération. Les marchés émergents ont aussi un profil démographique prometteur : une population en croissance rapide, beaucoup de jeunes et une classe moyenne en plein essor.

Autrement dit, cette conjoncture offre des occasions exceptionnelles aux entreprises canadiennes.

Vous avez peut-être déjà entendu parler de la « sous-bancarisation », c’est-à-dire le fait pour une population d’utiliser peu de produits et de services bancaires, ce qui crée beaucoup de potentiel de croissance pour les prêts à l’habitation, les prêts auto et les cartes de crédit.

Une façon d’évaluer la sous-bancarisation est d’examiner les prêts au secteur privé en les exprimant en pourcentage du PIB. Plus le pourcentage est élevé, plus le marché est saturé.

Le Canada et les États-Unis dépassent largement les 100 %.

La Colombie, par contre, est à 45 % seulement, et le Pérou et le Mexique ne sont qu’à 26 %, ce qui laisse beaucoup de place à la croissance.

De plus, je tiens à insister sur le fait que les occasions ne se limitent pas au secteur bancaire. Les économies florissantes dont la classe moyenne est en pleine expansion sont également intéressantes pour les entreprises canadiennes dans beaucoup d’autres industries.

Prenons les infrastructures, par exemple. J’ai rencontré l’an dernier, dans le cadre de ma collaboration avec le Forum des PDG Brésil-Canada, le chef de la direction d’une entreprise établie à Halifax. Son entreprise installe des appareils d’éclairage à DEL. Il m’a confié qu’il venait tout juste de signer un important contrat pour l’installation de lampadaires à São Paulo, au Brésil.

Quand je lui ai posé des questions au sujet du projet, il m’a dit qu’il n’y avait jamais eu de lampadaires dans le quartier où ils travaillaient et qu’ils devaient partir de zéro pour ce qui touche l’aménagement et l’installation.

Dans les grandes villes canadiennes, il n’y a probablement aucune rue dépourvue de lampadaires actuellement.

Ce genre d’occasion existe toutefois dans les marchés émergents et, en tant que Canadiens, nous avons les atouts et l’expertise nécessaires pour décrocher les contrats, pour autant que nous tentions de les obtenir.

La deuxième raison pour laquelle cet enjeu est important pour l’avenir économique du Canada, c’est tout simplement qu’il est lié à la création de bons emplois pour les Canadiens.

Quand une entreprise canadienne s’implante à l’étranger, elle ne crée pas des emplois que là-bas. Elle crée aussi chez nous des postes qualifiés et bien rémunérés au siège social ainsi que des carrières formidables dont le pays a besoin.

Le siège social de la Banque Scotia, à Toronto, compte des fonctions de gestion et de soutien clés qui assurent le bon déroulement de nos activités dans 55 pays. Quand la Banque prend de l’expansion, que ce soit au Canada ou à l’étranger, l’équipe canadienne s’agrandit aussi. Cette équipe est composée de professionnels très instruits et qualifiés dans une grande diversité de disciplines, qui vivent et travaillent ici en enrichissant leurs collectivités, tant sur le plan économique que social.

Bien sûr, nous comptons sur de nombreux fournisseurs canadiens pour nous prêter main-forte, dont des comptables, des avocats et des spécialistes des TI.

Cette création d’emplois a des répercussions positives importantes, tant sous la forme de recettes fiscales, que de retombées pour les commerces locaux, d’argent et de bénévoles pour les organisations caritatives et de contributions à la culture et aux arts.

Elle crée aussi un environnement propice au recrutement de travailleurs et d’entrepreneurs hautement motivés et très instruits du monde entier qui, grâce à leurs idées, nous aident à innover.

La troisième raison pour laquelle il est important que l’économie canadienne se tourne vers les marchés émergents est le gain en productivité qui en découlera.

Les problèmes de productivité du Canada sont bien connus, et j’ai déjà parlé des trois éléments clés qui nous aideront sur ce plan : l’efficacité, l’innovation et l’envergure.

En étendant nos activités sur les marchés étrangers, nous pouvons exploiter ces trois éléments essentiels d’un seul coup.

Prenons l’exemple de la Banque Scotia :

Nous avons gagné en efficacité en centralisant nos fonctions. Par exemple, notre centre d’appels du Mexique reçoit non seulement les appels en provenance de ce pays, mais il traite aussi certains appels du Canada. Nous prévoyons également qu’il prendra bientôt en charge nos établissements en Amérique centrale.

Cet exemple rappelle la façon dont notre centre d’appels primé, ici à Halifax, accroît l’efficacité en servant des clients de partout au Canada.

Nous avons renforcé l’innovation en adoptant les pratiques exemplaires d'entreprises que nous avons acquises un peu partout dans le monde. Quand nous pénétrons un nouveau marché, nous ne faisons pas qu’enseigner, nous apprenons aussi. Et quand nous découvrons une meilleure façon de faire les choses, que ce soit par rapport aux ressources humaines, aux systèmes ou au service à la clientèle, nous l’appliquons dans toute notre organisation.

Nous favorisons également l’innovation en mettant sur pied un effectif diversifié et en encourageant une culture de collaboration entre les employés. La diversité engendre la pensée innovatrice, la diversité des points de vue et les idées nouvelles.

Nous nous efforçons de collaborer aussi ouvertement et aussi souvent que possible pour que ces idées puissent circuler. Pour la même raison, nous encourageons la mobilité entre les secteurs d’activité et les établissements de différentes régions géographiques.

Les gens qui visitent le siège social de la Banque Scotia pour la première fois sont souvent étonnés, non seulement de constater la diversité de notre personnel, mais également d’entendre parler autant de langues, particulièrement l’espagnol, partout dans les couloirs et les ascenseurs.

Enfin, sur le plan de l’envergure, les acquisitions à l’étranger nous ont manifestement permis de croître beaucoup plus vite que si nous nous étions cantonnés au Canada. Cela nous a également permis de répartir nos coûts à une bien plus grande échelle.

Tous ces efforts contribuent à accroître notre productivité et expliquent en partie pourquoi nous nous retrouvons parmi les principales banques canadiennes et internationales pour ce qui est de la productivité et de l’efficacité.

Évidemment, quand une excellente occasion se présente au pays, nous la saisissons. C’est ce que nous avons fait avec ING DIRECT Canada, Patrimoine Dundee et bien d’autres, mais soyons réalistes, de telles occasions ne se présentent pas très souvent.

Le caractère proactif de notre démarche internationale dans les marchés émergents nous permet de connaître une croissance stratégique et de réaliser des économies d’échelle. C’est ce qui nous distingue au Canada et c’est ce que bien peu de banques internationales font avec succès.

J’estime que les entreprises canadiennes doivent saisir les occasions qui se présentent à l’étranger, et cette recommandation ne vaut pas que pour les grandes sociétés, mais pour toutes les entreprises.

À cet égard, il faut bien comprendre que nous ne devons pas nous attendre à ce que le gouvernement agisse à notre place. Les entreprises canadiennes doivent prendre leurs propres initiatives à l’intérieur d’un cadre gouvernemental qui appuie les efforts du secteur privé. Croyez-en mon expérience, cela fonctionne.

Et nous devons nous y mettre immédiatement, parce que c’est maintenant que la conjoncture est favorable au Canada, et jamais le moment ne sera aussi propice.

Premièrement, nous avons l’appui de nos gouvernements et même de notre banque centrale. En fait, il y a longtemps que ces entités demandent aux entreprises canadiennes d’agir.

Les programmes et les ressources offerts actuellement par des organismes gouvernementaux nous aident à nous préparer. Et le gouvernement a ouvert la voie en signant plusieurs accords de libre-échange et d’investissement avec des pays d’Amérique du Sud et d’Asie.

Nous disposons donc des outils, mais nous nous devons, comme entreprises, de faire évoluer les mentalités.

Les Canadiens doivent prendre conscience de l’excellente réputation du Canada à l’étranger. Je voyage dans le monde depuis des années et je peux vous assurer que, d’après ce que j’ai vu, la marque du Canada n’a jamais eu aussi bonne réputation. Le moment est bien choisi.

Le Canada est l’un des très rares pays développés qui se sont relativement bien sortis de la crise financière et de la récession quand on considère son économie, ses banques et ses entreprises.

Les gens veulent faire affaire avec nous. Nous représentons ce qu'il y a de meilleur au monde : une situation budgétaire et économique saine, une société civile et démocratique où la diversité a sa place, un marché libre et, sans doute, le système bancaire le plus sûr au monde.

En outre, parce que nous ne sommes pas une grande puissance, nous ne sommes pas perçus comme une menace sur le plan économique, politique ou militaire.

Nous avons tant à offrir avec notre expertise de premier ordre dans les services bancaires, l’énergie, l’exploitation minière, les services de santé, les infrastructures, le transport, les technologies de pointe, et j’en passe.

Tout cela repose sur les valeurs et les principes solides du Canada. Nous avons mis beaucoup d’efforts à définir notre culture canadienne unique au cours des dernières décennies.

Évidemment, nous ne sommes pas parfaits et nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Quelques multinationales canadiennes ont récemment fait les manchettes pour leurs erreurs. Personne d’entre nous ne souhaite ce genre d’événements, mais cela nous rappelle que nous devons être vigilants afin d’exercer nos activités de façon équilibrée et responsable et de conserver la bonne réputation que le Canada a acquise.

Je peux vous dire que, d’après l’expérience de la Banque Scotia, les gens, les entreprises et les gouvernements des marchés émergents avec qui nous traitons sont incroyablement réceptifs à notre façon de faire « à la canadienne », la façon « Banque Scotia ».

Nous sommes considérés comme des partenaires stables qui sont les héritiers d’une longue tradition ayant fait ses preuves en matière de gestion des risques, d’intégrité sociale, de confiance et de respect des enjeux locaux et qui veulent aider ces pays à atteindre leurs grands objectifs économiques et sociaux. Comme je l’ai mentionné précédemment, nous ne faisons pas la navette; nous avons des points d’ancrage.

La réputation de la Banque Scotia à l’étranger est un gros avantage pour nous tous, autant que l’est la réputation du Canada pour tous les Canadiens, et nous devons apprendre à en tirer parti plus efficacement.

J’aimerais conclure en encourageant tous mes compatriotes à faire de cet enjeu qu’est le commerce international une priorité, et à soutenir nos entreprises et les politiques gouvernementales dans ce domaine.

La nécessité économique est claire. Nous n’irons pas bien loin en ce nouveau millénaire en recyclant les vieilles stratégies du siècle passé. L’économie mondiale a changé, et le Canada doit suivre le mouvement.

Les occasions d’affaires dans les marchés émergents sont diversifiées et abondantes, et le secteur privé ne peut rester inactif et s’en remettre aux droits de douane ni aux autres mesures de protection du gouvernement. Nous devons prendre les devants.

Les avantages sont tangibles. La contribution des activités internationales aux résultats financiers de la Banque Scotia est importante et de plus en plus déterminante. Ces activités ont aussi enrichi notre équipe et nos pratiques commerciales, en plus d’améliorer nos perspectives de croissance et notre productivité.

Quant aux risques, ils sont relatifs et tout à fait gérables. Beaucoup de ces pays ont réalisé de grands progrès au cours des dernières décennies sur le plan de la démocratie, de la primauté du droit et de la qualité des institutions.

N’oublions pas que des risques importants sont associés au statu quo. Certains Canadiens font l’erreur de croire que nous n’avons pas la stature pour affronter la concurrence sur la scène internationale – ou que rien ne nous y oblige – alors qu’en fait nous le pouvons et le devons.

Profitons du fait que le Canada a une bonne réputation et que nous sommes bien placés pour prospérer dans des marchés très variés.

Il y a plus de deux cents ans, des commerçants de Halifax se sont aventurés à l’étranger pour conquérir de nouveaux marchés et ils ont contribué à faire du Canada une grande nation commerçante. Quant à la Banque Scotia, depuis 181 ans, elle est là pour aider ses clients à atteindre leurs objectifs.

Aujourd’hui encore, le Canada est une grande nation commerçante qui possède le talent et les ressources nécessaires pour se lancer à la conquête du monde avec succès. La Banque Scotia en est la preuve, et le magazine The Banker vient de lui décerner le titre de banque de l’année à l’échelle mondiale.

Enracinés comme nous le sommes à Halifax et dans les collectivités de partout au Canada, avec notre réseau international, notre vaste expertise et nos valeurs, nous voulons et nous pouvons aider nos clients – et le Canada – à atteindre leur plein potentiel.

C’est en remplissant ces rôles importants que, non seulement, nous contribuerons à créer des occasions de croissance pour les clients et les collectivités, mais que nous atteindrons également les objectifs que nous avons fixés pour nos actionnaires, cette année et pour les années à venir.

Merci.