LE MARCHÉ CANADIEN DU LOGEMENT : LA RECONQUÊTE DU SOMMET
RÉSUMÉ
En mai, les ventes de logements au Canada ont à nouveau progressé, en gagnant 5,1 % (sur un mois en données désaisonnalisées); dans le même temps, les inscriptions ont augmenté un peu plus, soit de 6,8 %. Par conséquent, le ratio des ventes sur les nouvelles inscriptions, indicateur de la tension du marché, est resté relativement inchangé depuis avril, à l’époque où il s’établissait à 69 %, ce qui témoigne d’un durcissement brusque et fulgurant de la conjoncture du marché après une période de normalisation proche de sa moyenne à long terme de 55 %, en baisse par rapport aux sommets sans précédent atteints durant la pandémie. Le ratio s’inscrit à 67,9 % en date de mai, ce qui veut dire que le marché national du logement se situe en territoire vendeur, qu’il avait regagné en avril après un répit de plusieurs mois en territoire équilibré. Les mois de stocks ont aussi continué d’effacer les améliorations réalisées par rapport aux creux record depuis l’automne 2021, en enchaînant une quatrième baisse mensuelle d’affilée pour s’établir à 3,1 mois — soit presque deux mois en deçà de sa moyenne à long terme.
Les progrès accomplis dans les ventes et dans les inscriptions ont été assez généralisés dans l’ensemble des marchés locaux que nous suivons. Les ventes et les inscriptions ont augmenté dans 24 des 31 marchés locaux que nous suivons; 20 de ces marchés ont augmenté dans le même temps — ce qui veut dire que l’offre nouvelle sur le marché est tout de suite absorbée, en raison de la demande refoulée. Bien qu’elle n’ait guère permis d’amoindrir les pressions à l’échelle nationale, la hausse des inscriptions en mai a effectivement permis à certains marchés de revenir en territoire équilibré : aujourd’hui, seulement sept marchés sont en territoire vendeur, contre 12 en mars.
Les prix mesurés selon l’indice des prix des propriétés (IPP) MLS ont crû de 2,1 % (sur un mois en données désaisonnalisées) en mai. Il s’agirait de la deuxième hausse mensuelle d’affilée en importance, après 12 mois de baisses, l’augmentation de mars ayant été révisée à la baisse pour s’inscrire à un modeste repli et passer de 0,6 % à ‑0,2 %; l’augmentation d’avril a pour sa part été révisée à la hausse pour passer de 1,6 % à 2 %. Il ne faut pas prendre à la légère les deux hausses consécutives de 2 % de l’IPP! L’augmentation de mai a à nouveau été menée par les maisons unifamiliales (2,6 %), alors que les segments des habitations en rangée et des appartements ont tous deux progressé de 1,5 %. Ce sont les appartements qui se sont le plus accélérés dans les gains de prix mensuels, après avoir atteint 0,8 % en avril. Grâce aux résultats de mai, l’IPP MLS décroche encore plus des niveaux atteints avant la pandémie : il s’inscrit désormais à 36 % de plus, ce qui réduit à 12 % à peine la correction par rapport à son pic de février 2022. (Le creux atteint en mars 2023 accusait une baisse de 15 % sur le pic.)
CONSÉQUENCES
Comme prévu, la vigueur récente du marché du logement au Canada ne s’est pas démentie en mai. Les ventes nationales de logements de mai ont prolongé leur plus longue séquence de hausses consécutives depuis que le marché du logement a entamé sa correction en février 2022, en commençant par se relever légèrement en février et en mars cette année, pour enchaîner avec une prodigieuse hausse dans les deux chiffres en avril. Dans le même temps, les inscriptions ont elles aussi augmenté légèrement, ce qui n’a toutefois guère permis de compenser les baisses précédentes, ni de rééquilibrer le marché. C’est ainsi que l’indice des prix des propriétés (IPP) MLS a enchaîné une deuxième hausse mensuelle, aussi importante que celle qui a été constatée au plus fort de la remontée du marché du logement.
Nous nous attendons à ce que l’activité se stabilise sur les marchés du logement et à ce que la demande et les prix finissent par se relever, grâce à la demande refoulée et à la forte immigration, de concert avec l’offre limitée. Toutefois, l’ampleur et la rapidité selon lesquelles cette progression semble se dérouler surpassent nos précédentes attentes. Bien qu’on puisse penser que le marché est résilient et que les finances des ménages sont saines, cette conjoncture comporte d’autres difficultés pour la Banque du Canada, qui tâche de ralentir l’économie et de ramener l’inflation sur sa cible de 2 %.
Effectivement, la vigueur soutenue constatée en mai, qui a mené à la décision de la Banque du Canada la semaine dernière sur la foi des premières données publiées par les grands marchés immobiliers du pays (veuillez cliquer sur ce lien), laissait entendre que l’activité liée au logement pourrait cesser de peser sur la croissance comme elle l’avait fait pendant une grande partie de l’année écoulée. C’est ce qui explique, entre autres, la hausse des taux décrétée la semaine dernière — et il est encore trop tôt pour constater dans les statistiques l’impact de cette hausse sur le marché du logement.
La vigueur récente du marché du logement s’explique, au moins en partie, par les acheteurs qui sont revenus sur le marché lorsque les taux se sont stabilisés, ainsi que par les marchés qui ont d’abord anticipé des baisses qui ont donné lieu à une réduction des taux fixes. Pendant le ralentissement, ces acheteurs ont réuni de meilleures mises de fonds et ont donc été en mesure de revenir sur le marché lorsque les signes de la fin de la correction se sont manifestés, encouragés par la conviction généralisée voulant à l’époque que la Banque du Canada a fini de hausser les taux et qu’elle allait bientôt les baisser. En relevant ses taux la semaine dernière, elle a haussé les coûts du crédit, directement sous l’effet de l’augmentation des taux hypothécaires variables et indirectement dans les communiqués qui ont mené à la décision qui a eu pour effet, comme nous l’avons constaté, de hausser les prix du marché et par le fait même, les taux fixes. La Banque a aussi laissé entendre que la pause pourrait être terminée, en laissant la porte ouverte à d’autres hausses, ce qui permettrait de contrecarrer l’activité spéculative qui compte sur une stabilisation des taux et sur leur baisse plus tôt que ce qui est manifestement le cas aujourd’hui. Dans l’ensemble, on pourrait ainsi ralentir la resurchauffe du marché du logement, nécessaire dans cet environnement de lutte contre l’inflation, puisque la Banque du Canada ne peut pas se permettre que la partie de l’économie (le logement) la plus sensible aux taux d’intérêt refasse des siennes à l’heure où elle tâche de ralentir la croissance et de ramener l’inflation sur la cible, en plus d’aider à apaiser les inquiétudes sur l’abordabilité et la stabilité du logement.
Ce sont des questions importantes, puisque s’il n’y a pas, dans le même temps, de hausse significative de l’offre, la vigueur soutenue de la demande réintroduirait des déséquilibres sur le marché et se traduirait plutôt par des hausses importantes des prix, ce qui retarderait encore plus l’amélioration nécessaire de la conjoncture favorable à l’abordabilité du logement. Malgré la hausse de mai, les nouvelles inscriptions accusent toujours une baisse de 18 % par rapport à leur moyenne de 2000‑2019 pour le mois de mai, alors que la hausse des ventes des quatre derniers mois les a ramenées sur la moyenne de 10 ans pour ce mois.
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