LE MARCHÉ CANADIEN DU LOGEMENT : À PAS FEUTRÉS

RÉSUMÉ

En mars, les ventes de logements au Canada ont arraché un gain de 0,5 % (en données désaisonnalisées sur un mois), alors que les nouvelles inscriptions ont éclipsé la hausse de février, en perdant 1,6 %. Le ratio des ventes sur les nouvelles inscriptions, indicateur de l’équilibre du marché, a donc fléchi à 57,4 %. Ce ratio, qui se situe toujours dans la fourchette qui cadre avec la situation du marché national en territoire « équilibré » (du moins d’après les moyennes à long terme et les écarts types), est toutefois légèrement supérieur à sa moyenne à long terme de 55 %. Le marché a comptabilisé 3,8 mois de stock – et n’a donc pas bougé depuis février : il accuse donc une baisse de plus d’un mois par rapport à sa moyenne à long terme, qui est de l’ordre de cinq mois. Les mois de stock du Nouveau‑Brunswick, de la Nouvelle‑Écosse et de Terre‑Neuve‑et‑Labrador accusent toujours une baisse de cinq mois sur leurs moyennes à long terme, alors qu’en Colombie‑Britannique et en Ontario, les mois de stock ont plongé à 0,2 mois en deçà de leurs moyennes à long terme.

Les ventes ont progressé dans plus de la moitié des 31 marchés locaux que nous suivons. Brantford a mené la hausse des ventes, en rattrapant toute sa baisse de février, à 11,2 % (en données désaisonnalisées sur un mois); cette ville a été talonnée par Charlottetown et Winnipeg, dont les ventes ont augmenté de 10 % et de 9 %. Ailleurs, les progrès ont été modestes. Ces hausses viennent à peine compenser les baisses dans les 13 autres marchés : London et Peterborough ont plongé de 16 % alors que les ventes de Kingston ont perdu 12 %.

Le premier trimestre de 2024 a inscrit une hausse de plus de 8 % des ventes par rapport au précédent trimestre (en données désaisonnalisées) et a progressé de 12 % par rapport au même trimestre l’an dernier. Cette progression trimestrielle a été essentiellement menée par une augmentation de 24 % des ventes dans la vallée du Fraser en Colombie‑Britannique et par d’importantes hausses dans les deux chiffres sur de nombreux marchés de l’Ontario. De concert avec les enjeux de l’abordabilité et de l’offre, cette augmentation explique peut‑être la lenteur constatée vers la fin du trimestre dans ces provinces.

Les marchés dont les inscriptions ont augmenté ont été presque aussi nombreux que ceux dont les inscriptions ont fléchi. Le nombre de propriétés nouvellement inscrites a crû de 26 % (en données désaisonnalisées sur un mois) à Charlottetown et a inscrit une progression comprise entre 10 % et 17 % à Peterborough, Kingston et Guelph. Or, cette augmentation a été largement masquée par les baisses comptabilisées ailleurs : les nouvelles inscriptions à Calgary et St. Catharines ont mené le bal, en plongeant de 15 % et de 13 %. Compte tenu de l’évolution des ventes et des inscriptions, 24 marchés se situaient en territoire équilibré en mars contre 19 en février, cinq se situaient en territoire vendeur par rapport à huit en février, et seulement un est resté en territoire acheteur contre quatre en février.

Pour l’ensemble du trimestre, les inscriptions du T1 de 2024 ont baissé de 2 % par rapport au trimestre précédent; elles ont toutefois augmenté de 14 % par rapport au même trimestre l’an dernier.

Mesurés selon l’indice des prix des propriétés (IPP) MLS, les prix ont chuté d’à peine 0,3 % (en données désaisonnalisées sur un mois) en mars. La baisse de mars a été portée par un recul de 0,7 % de l’IPP des appartements et de 0,1 % des maisons en rangée, alors que le segment des maisons unifamiliales n’a pas bougé. Or, en examinant plus attentivement ce segment, on constate que les maisons unifamiliales d’un étage ont progressé de 0,4 %, ce qui a été masqué par une baisse de 0,3 % des maisons à deux étages.

CONSÉQUENCES

Il faut admettre que c’est l’incertitude qui règne. Les marchés évoluent dans un sens durant un mois et dans un autre sens le mois suivant (en deçà et au‑delà de la frontière, ce qui a d’énormes incidences ici). Les prévisions de croissance sont sans cesse révisées. (La Banque du Canada vient elle‑même de relever de près du double ses prévisions de croissance pour 2024.) Les attentes vis‑à‑vis des taux d’intérêt changent sans cesse, et tout se répercute sur les prévisions de taux, qu’il s’agisse du rendement économique des États‑Unis, de la croissance des salaires au Canada ou du marché du logement lui‑même. On ne peut pas dire que la conjoncture économique se prête très facilement à prendre des décisions financières (et émotives) absolument cruciales. La situation est déjà assez stressante dans une journée normale en temps régulier.

Il ne fait aucun doute qu’il y a une demande de logements. Mais d’où sortez-vous ça? D’autant plus que les ventes de logements sont inférieures aux moyennes à long terme et que la croissance démographique atteint des sommets. Or, il n’est guère étonnant que les acheteurs ne se précipitent pas massivement sur le marché du logement à l’heure actuelle. Il faut donc s’attendre, çà et là, à de légères progressions (ou régressions). Et rappelons‑nous que lorsqu’on affirme que les ventes ont augmenté ou diminué d’un mois au suivant, en réalité, des milliers de ventes continuent de se dérouler chaque mois. (Veuillez cliquer sur ce lien pour prendre connaissance de la volatilité mensuelle régulière du marché du logement.) Or, l’incertitude fait probablement taire une partie de la demande qui se serait normalement exprimée, et normalement, les augmentations mensuelles devraient être un peu plus importantes, compte tenu de la croissance démographique (qui n’est toutefois pas plus importante que pendant la folie de la pandémie; heureusement, cette période est aujourd’hui révolue).

En outre, mars a été un mois exceptionnel cette année, en confondant les équations des corrections dans les variations saisonnières, puisque la fin de semaine de Pâques tombait cette année en mars plutôt qu’en avril, comme elle le fait généralement. Les corrections des variations saisonnières visent à contrôler les variations relevées dans les données mensuelles et attribuables à des faits qui se reproduisent en même temps chaque année, par exemple la météo et les jours fériés. C’est peut‑être ce qui a eu pour effet de distortionner les données de mars (à la baisse), puisqu’on ne peut pas vraiment corriger les variations saisonnières d’un fait qui se produit une fois tous les quatre ou cinq ans.

Ceci dit, l’ACI a effectivement noté que le suivi hebdomadaire des données fait état d’une plus grande vigueur vers la fin de mars. Les inscriptions ont rebondi dans la deuxième semaine de mars, ce qui s’est enchaîné, dans la semaine suivante, avec un relèvement des ventes. Le suivi hebdomadaire d’un bond des inscriptions dans la première semaine d’avril, selon les comptes rendus de l’ACI, pourrait alors pointer un relèvement de l’activité des ventes vers la fin d’avril, lorsque les acheteurs absorbent l’offre nouvelle qui déferle sur le marché. Les chiffres d’avril par rapport à mars pourraient être rehaussés par le reliquat des corrections des variations saisonnières de Pâques qui seront appliquées aux données d’avril.

Tableau 1: Ventes, Nouvelles inscriptions, Prix moyen, IPL MLS, Ratio ventes/Mois d’inscriptions actives; Graphique 1: Ventes de logements dans certaines villes
Veille du marché du logement de la Banque Scotia — mars 2024
Indice des prix des logements (IPL) MLS — ouest du Canada
Indices des prix des logements MLS (suite) — est du Canada
Indices des prix des logements MLS (suite) — est du Canada et total du Canada