BEAUCOUP DE PROGRÈS, MAIS ENCORE BIEN DU CHEMIN À PARCOURIR

Nous mettons en lumière les estimations de la population nationale et les constituantes de la croissance, en mettant l’accent sur les niveaux et les courants de résidents permanents et de résidents temporaires. Dans ce rapport, nous suivons les admissions et la délivrance des visas aux personnes qui sont autorisées à résider en permanence et temporairement au Canada, en analysant ces chiffres pour savoir s’ils cadrent avec les cibles du gouvernement fédéral dans le domaine de l’immigration. 

À l’heure où le pays attend le nouveau Plan des niveaux d’immigration le 4 novembre 2025, les données font état de résultats contrastés par rapport aux cibles de l’an dernier

  • Il ne fait aucun doute que les niveaux d’immigration ont fléchi considérablement depuis que le Plan des niveaux d’immigration 2025-2027 a été annoncé en octobre 2024, même s’ils ne se sont pas repliés aussi rapidement que l’avait souhaité le gouvernement fédéral. Comme prévu, les admissions de résidents permanents sont toujours en voie d’atteindre leur cible annuelle. Or, même si leur nombre régresse, les résidents non permanents décrochent toujours de la cible de 5 % fixée à l’origine pour 2026; l’objectif consiste à atteindre la cible reportée sur 2027.
  • La baisse de la population des étudiants internationaux, de concert avec le peu d’arrivées d’étudiants, explique une grande part de ce ralentissement. La population des travailleurs temporaires, malgré le ralentissement des nouvelles admissions et des prorogations de séjour, reste élevée et permet difficilement d’atteindre la cible de 5 %.

La croissance de la population se déroule actuellement à un rythme prépandémique, même si elle dépasse toujours le taux ciblé dans la politique

  • Dans son rapport Estimations de la population du mois dernier, Statistique Canada dresse un portrait nuancé de l’ambitieux Plan d’immigration du gouvernement. Même si la croissance s’est certes ralentie dans l’année écoulée, les taux annualisés trimestriellement (0,5 %) et sur un an (0,9 %) sont toujours nettement supérieurs à la contraction de 0,2 % de la cible.

Les chiffres sur les résidents permanents concordent jusqu’à maintenant avec le plan de l’an dernier; la part nettement supérieure des approbations délivrées pour les personnes qui se trouvent déjà au Canada vient abaisser les chiffres sur les résidents non permanents (RNP)

  • Atteindre les cibles fixées pour les RP n’a jamais été une difficulté pour le gouvernement fédéral, et les tendances actuelles laissent entendre qu’il en sera de même cette année. Or, pour 2026 et les années suivantes, la question est axée sur l’évolution des cibles par rapport aux quoteparts provinciales, à la composition des résidents temporaires qui ont accès au statut de RP et aux catégories d’entrée dont feront partie les nouvelles admissions.
  • Même si nous sommes aujourd’hui loin de la croissance migratoire explosive de 2022-2024, la baisse des admissions, de concert avec l’accroissement des exflux, comporte sa propre part de difficultés économiques et sociales, qui auront différentes répercussions sur les provinces et les municipalités et qui pourraient mener à la révision des quoteparts d’admission des RP dans des catégories comme le Programme des candidats des provinces.

Les chiffres relatifs aux RNP ont basculé, mais sont encore loin des cibles déjà fixées; dans le même temps, on relève des signes ténus d’une surcorrection possible dans le cadre du programme des étudiants internationaux

  • La population des étudiants internationaux a commencé à baisser plus rapidement que les autres catégories de RNP : le premier recul a été comptabilisé à la toute fin de 2024. Depuis, les chiffres sur les étudiants internationaux inscrivent une baisse trimestrielle moyenne de 4,7 %, et la dernière baisse en date (-5,6 %) est de l’ordre de 4,5 fois supérieure à la chute correspondante du nombre de titulaires du permis de travail.
  • Il est difficile de savoir combien d’étudiants quittent effectivement le pays par rapport au nombre de ceux qui ont accès à un visa différent. Or, la rareté générale des titulaires du permis d’étude qui obtiennent ensuite le statut de résident permanent, de concert avec les nouvelles restrictions imposées dans les demandes de participation (et de maintien) dans le cadre du Programme du permis de travail postdiplôme (PPTP), laisse entendre qu’il y a plus d’étudiants qui sortent du pays que par le passé.
  • Malgré son attrait historique comme première destination pour les études, le Canada a récemment constaté une baisse de l’intérêt chez ceux qui veulent faire leurs études ici en raison des mesures post-COVID-19 supplémentaires et du durcissement des politiques migratoires. La preuve de fonds à déposer obligatoire lorsqu’on s’installe au Canada (22 895 $ en 2025 contre 10 000 $ par le passé) a plus que doublé et a réduit, de concert avec les limites fixées pour les heures de travail, les possibilités d’obtention du statut de RP et a aigri l’opinion publique sur l’immigration, ce qui a amené les étudiants internationaux prospectifs à envisager d’autres destinations.
  • Même si on a adopté des plafonds annuels modestes, il semble que les admissions d’étudiants internationaux soient devenues inférieures à celles auxquelles on s’attendait dans le Plan des niveaux d’immigration de l’an dernier. Les universités font écho à cette tendance : 93 % des universités sondées font savoir que les politiques migratoires restrictives et les problèmes de visa constituent des obstacles majeurs qui se dressent contre les inscriptions dans ces établissements, alors que presque la moitié des sondés évoquent dans l’ensemble des inquiétudes quant à l’abordabilité.1
  • Par contre, le nombre de titulaires du permis de travail a baissé, sans toutefois le faire au rythme des cibles fixées dans l’ensemble, et représente à peine plus de la moitié du total des résidents non permanents du pays.2 Malgré l’attention considérable consacrée par les médias au Programme des travailleurs étrangers temporaires, ces derniers représentent moins de 10 % du total de la population des RNP à la fin de 2024, et il est improbable qu’ils changent considérablement le résultat comptable.

Il n’empêche que la plupart des prévisionnistes tablaient sur un ralentissement du rythme de la mise en œuvre

  • Les Études économiques de la Banque Scotia estiment que la population des 15 ans et plus continue de baisser constamment : la croissance sur un an devrait se chiffrer à 1,2 % environ à la fin de 2025.
  • Les nouveaux travailleurs temporaires (154 515) et les nouveaux étudiants (89 430) arrivés au pays sont beaucoup moins nombreux que les cibles et les attentes dans la période comprise entre janvier et août, d’après les données publiées cette semaine par IRCC. Cette baisse du nombre d’arrivées laisse entendre que la décélération de la population se poursuivra, d’autant plus que pour les étudiants internationaux, les mois de l’été, au cours desquels les admissions et les arrivées culminent, ont été relativement calmes par rapport aux années précédentes, alors que les nouveaux titulaires du permis de travail arrivés au pays sont aussi nettement moins nombreux que par le passé, puisque les arrivées depuis le début de l’année 2025 (de janvier à août) ont atteint une moyenne de l’ordre de 19 300 par mois, contre la moyenne mensuelle de 37 600, approximativement, pour la même période en 2024.

Le premier ministre Mark Carney a fait savoir que le nouveau plan sera déposé dans le cadre du budget fédéral le 4 novembre. Nous nous attendons à ce que ce plan continue de suivre ce parcours de décélération de la croissance de la population et donne lieu à des changements dans les politiques qui pourraient renchérir sur l’ensemble du programme de développement du gouvernement.

  • On s’attend largement à ce que le budget établisse un programme de croissance et d’investissement, ce qui indique catégoriquement que le plan migratoire est étudié dans ce contexte et devrait prioriser la qualité plutôt que la quantité, grâce aux mises au point attendues dans les incitatifs permettant d’attirer les compétences recherchées dans le programme Reconstruire pour le mieux, tout en misant sur les vides créés dans la foulée des changements apportés aux États-Unis aux visas H-1B.
  • Idéalement, ce plan apporterait aussi une plus grande clarté (et une meilleure crédibilité) aux projections de la population dans l’ensemble, ce qui permettrait aux régions et aux municipalités d’améliorer leurs prévisions, et surtout leur planification.
  • Le nombre légèrement inférieur de RP pourrait vouloir dire que l’on constate effectivement un ralentissement des perspectives économiques, même si les différents besoins en travailleurs parmi les provinces pouvaient mener à des quoteparts rajustées dans le prochain plan, alors qu’une correction du parcours en raison de l’attrition des RNP pourrait constituer un rappel à l’ordre à l’heure où les marchés du travail s’adaptent et alors que les politiques restrictives produisent leurs effets.

 1 Study Portals, The Global Enrolment Benchmark Survey, période d’admission de janvier à mars 2025.

2 En excluant les demandeurs d’asile titulaires du permis de travail.

Canada : Estimations mensuelles de la population d'après l'Enquête sur la populationa active; Estimations trimestrielles nationales de la population; Estimations trimestrielles du nombre de résidents permanents; Admission des résidents permanents, chaque mois – IRCC; Nombre total de RP admis (courants majeurs) par IRCC en pourcentage de la cible du gouvernement fédéral pour 2025; Délibrance de permis de résidents temporaires, chaque mois – IRCC