• La divergence entre les ventes et les nouvelles inscriptions est le principal facteur qui explique la récente accélération des prix des logements. Nous nous attendons à une hausse des inscriptions en raison de l’impact combiné du marché printanier et de la hausse des prix. Les décideurs devraient attendre, avant d’intervenir, et constater l’évolution des inscriptions par rapport aux ventes dans les prochaines semaines.

  • Toute intervention officielle doit être pensée pour limiter la spéculation excessive. Pour l’heure, l’importance de l’aspect spéculatif par rapport à la dynamique actuelle du marché n’est pas évidente; toutefois, les décideurs pourraient hausser le coût de la spéculation en fiscalisant les gains de l’activité spéculative.

  • Le défi colossal que doit relever le marché canadien du logement est toujours l’insuffisance chronique de l’offre par rapport à la demande en raison des taux élevés de croissance de la population comptabilisés dans les dernières années. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une solution à court terme, les décideurs devraient intervenir en réduisant les obstacles contre la construction neuve pour toutes les formes de logement — logements abordables, logements locatifs et logements en propriété. Il est probable que les prix des logements augmentent tendanciellement jusqu’à ce qu’il y ait un équilibre plus harmonieux entre le nombre de logements au Canada et le nombre de Canadiens qui ont besoin d’un logement.

La récente dynamique du marché canadien du logement invite les décideurs à intervenir. En raison des hausses de prix sur un an nettement supérieures à 20 % sur certains marchés, l’on craint que les attentes extrapolatives s’enracinent. Les récentes indications du gouverneur Tiff Macklem de la Banque du Canada laissent entendre que les décideurs sont attentifs au risque; or, il n’est pas évident qu’il faut intervenir d’urgence. L’activité spéculative est l’enjeu le plus préoccupant, et toutes les interventions officielles immédiates doivent se contenter d’amoindrir la spéculation au lieu de prendre des mesures qui se répercutent sur la demande de logements d’après les besoins.

Le nombre d’inscriptions par rapport aux ventes, qui atteint un creux sans précédent, est un motif d’inquiétude immédiat du point de vue de la dynamique des prix. Le ratio des ventes par rapport aux nouvelles inscriptions, qui a toujours été un très bon indicateur avancé de la croissance projetée des prix, frôle des records et laisse entendre que les prix continueront d’augmenter rapidement dans les six prochains mois au moins (graphique 1). Les mois d’inventaire s’établissent aussi à un creux sans précédent. Les prix élevés à l’heure actuelle, de concert avec l’arrivée du printemps, devraient donner lieu à une hausse des inscriptions, ce qui pourrait rétablir l’équilibre dans une certaine mesure et amoindrir la nécessité de formes plus ambitieuses d’intervention officielle. Il se pourrait aussi que les ventes s’emballent malgré la hausse prévue des inventaires, de sorte que le ratio des ventes par rapport aux inscriptions continuerait de culminer à des niveaux élevés. Au moment d’écrire ces lignes, nous croyons qu’il est préférable d’attendre encore quelques semaines pour mieux évaluer la conjoncture du marché avant d’intervenir officiellement.

 

Toujours est-il que si l’on envisage d’intervenir officiellement, nous croyons que les mesures adoptées devraient être très ciblées. Puisqu’au fil des ans, le déterminant absolu des prix des logements est l’équilibre entre l’offre et la demande, la meilleure option adoptée pour dépressuriser le marché du logement est d’accroître l’offre. Or, il ne s’agit pas d’une solution pratique à court terme.

En 2017, nous faisions valoir qu’en plus de se consacrer à des politiques pour accroître l’offre, le gouvernement devrait en adopter pour limiter, et non éliminer, la spéculation sur le marché du logement. À l’époque, l’objectif consistait à rendre la spéculation plus coûteuse en imposant une taxe aux vendeurs qui achètent et revendent spéculativement des propriétés dans un certain délai. Depuis, le gouvernement fédéral tâche de réduire les incitatifs financiers qui encouragent ces opérations d’achat-revente en mettant en œuvre un système qui permet de suivre les achats et les ventes de résidence principale. Il pourrait adopter d’autres mesures à cet égard :

  • Les gains en capital ne s’appliquent pas à la vente des résidences principales. Les spéculateurs tirent parti de ce congé fiscal pour comptabiliser comme des gains en capital les revenus provenant de l’achat et de la vente de résidences, au lieu de les considérer comme des revenus professionnels, ce qui correspond à leur vraie nature. Ce problème pourrait facilement être corrigé en comptabilisant dans les revenus, et non dans les gains en capital, la vente d’une résidence dans un certain délai — par exemple de 12 mois. Il va de soi qu’il faudrait consentir certaines exemptions, dans le cas des propriétaires qui devraient déménager pour des motifs légitimes. Or, nous ne savons pas dans quelle mesure l’activité spéculative concourt à la dynamique actuelle des prix, ce qui explique que l’impact d’une telle mesure n’est pas évident.

On ne devrait pas envisager une révision plus poussée des gains en capital sur les résidences principales. Les gains défiscalisés de la propriété d’un logement apportent à leur propriétaire un avantage considérable par rapport au locataire. Si tentant qu’il soit de réduire cet avantage en fiscalisant une partie des gains en capital sur les résidences principales, cette évolution de la fiscalité produirait un choc financier considérable sur les Canadiens. Derek Holt dresse une longue liste d’arguments défavorables à cette idée sur ce site. Les décideurs pourraient par contre intervenir en limitant l’impôt à ceux qui achètent des logements éventuellement ou en plafonnant les gains défiscalisés, ce qui aurait toutefois pour effet d’accentuer les problèmes d’équité transgénérationnelle : pourquoi y aurait-il un traitement fiscal différentiel pour les nouveaux propriétaires par rapport aux anciens? Pour réduire l’incitation à la propriété plutôt qu’à la location, une meilleure approche consisterait à permettre de déduire des revenus une certaine tranche des loyers.

Au Canada, l’offre de logements ne permet simplement pas de répondre à la demande autant qu’elle le devrait essentiellement en raison des règles et des règlements qui régissent la construction neuve dans les provinces et les villes canadiennes. Les constructeurs ne sont pas en mesure de réagir aussi efficacement qu’ils le devraient aux signaux de prix. Le facteur sous-jacent qui étaye la hausse des prix est l’insuffisance chronique de l’offre par rapport à la demande : il y a moins de logements par millier de Canadiens aujourd’hui qu’il y en avait il y a trois ans. Statistiquement, la baisse des taux d’intérêt a évidemment contribué à la hausse de la demande; or, un baromètre très élémentaire des logements construits par rapport à la croissance de la population nous renseigne sur toute l’ampleur de la montée du déséquilibre entre l’offre et la demande depuis 2017 (graphique 2). Les logements mis en service progressent graduellement depuis 2012, alors que la croissance de la population a explosé, pour atteindre des sommets sans précédent depuis plusieurs décennies dans la période comprise entre 2017 et 2019. Nous serions sur la voie d’un autre sommet si la COVID n’avait pas autant réduit l’immigration. Hausser l’offre est évidemment la solution à adopter pour rétablir l’équilibre sur le marché du logement; or, ce n’est pas une solution qui peut s’appliquer du jour au lendemain.

 

L’offre est surtout congestionnée dans les municipalités, en raison des règles et des règlements qui régissent la construction des logements neufs. À l’échelle fédérale, la Stratégie nationale du gouvernement sur le logement, qui s’étend sur 10 ans, et l’Initiative pour la création rapide de logements visent à accroître substantiellement le nombre de logements abordables d’un océan à l’autre; pourtant, on pourrait en faire plus pour encourager les paliers inférieurs de gouvernement à intervenir dans l’offre de logements. Le gouvernement fédéral pourrait, par exemple, subordonner le financement des infrastructures à la réalisation de points de repère dans le processus d’approbation des logements neufs à l’échelle municipale afin d’accélérer le déroulement des travaux d’aménagement et de triompher des motifs d’opposition de ceux qui sont rétifs à l’idée (le syndrome du « pas dans ma cour »).

Les mesures destinées à limiter la demande ont un impact limité. Les acheteurs étrangers représentent une faible part du nombre de propriétaires de logements au Canada, et les impôts qui leur sont imposés ont, dans le meilleur des cas, des incidences temporaires sur le marché du logement. De même, les mesures conçues pour protéger les ménages contre eux-mêmes — par exemple en réduisant les amortissements maximums, en haussant le taux d’intérêt auquel les candidats à la propriété ont droit au crédit hypothécaire ou le durcissement des normes de crédit de l’assurance hypothécaire — viennent réduire le maximum que l’on peut consentir en prêts aux acheteurs en espérant partiellement que ces mesures se répercuteront sur le système en abaissant les prix des logements grâce à la réduction de la demande. Il ne fait aucun doute que ces mesures ont produit un certain effet; or, l’insuffisance de l’offre sous-jacente est si importante que les prix continuent de témoigner de ce déséquilibre.

Le choc potentiel de l’évolution du marché du logement sur la stabilité financière est une autre considération pour les décideurs. Comme l’a fait observer le gouverneur Tiff Macklem, on a constaté une baisse de la part des prêts hypothécaires assurés et une augmentation du nombre de prêts hypothécaires à rapport prêt-valeur (RPV) élevé. Cette augmentation pourrait constituer un problème si les prix des logements devaient plonger brusquement; or, nous croyons qu’il s’agit d’un scénario improbable, puisqu’à notre avis, l’offre limitée par rapport à la demande fera monter les prix jusqu’à ce que l’équilibre s’améliore entre l’offre et la demande. Le fléchissement de la part des prêts hypothécaires assurés peut être inquiétant pour certains; or, les prêts hypothécaires non assurés obligent à consentir une mise de fonds d’au moins 20 %. Il s’agit d’un tampon substantiel contre les baisses des prix des logements. En outre, la valeur nette des logements reste élevée : Professionnels hypothécaires du Canada fait savoir que la valeur nette moyenne représente 73 % de la valeur des logements pour tous les propriétaires et 56 % pour les propriétaires qui ont un prêt hypothécaire.

De même, il est improbable que les mesures adoptées pour accroître l’abordabilité, par exemple l’extension du Crédit à l’achat d’une première propriété ou le Régime d’accession à la propriété ait un impact considérable sur l’abordabilité dans l’ensemble. Toujours est-il que si attrayants soient ces programmes pour les décideurs, les mesures adoptées pour faciliter l’accès à la propriété viennent exacerber le déséquilibre entre l’offre et la demande.

Le logement répond à un besoin essentiel. Les politiques de l’État devraient se consacrer surtout aux moyens de rehausser la réceptivité de l’offre à la demande, surtout quand la croissance fulgurante de la population donne lieu à un déséquilibre. Puisque l’immigration est appelée à augmenter spectaculairement cette année et dans l’avenir, nous pouvons nous attendre à d’autres difficultés à cet égard. La conjoncture actuelle devrait obliger tous les gouvernements à se pencher plus urgemment sur l’atonie de l’offre. D’ici là, les prix continueront probablement d’augmenter tendanciellement, même s’il est évident que le rythme actuel de la hausse des prix des logements est insoutenable. Nous espérons que dans les prochains mois, les inscriptions augmenteront, si les mesures de confinement sanitaires le permettent, et que cette progression viendra réaliser un meilleur équilibre entre les ventes et l’inventaire. Si cette évolution ne se produit pas, il pourrait se révéler nécessaire d’intervenir sous une forme ou une autre. Nous privilégions les mesures qui visent directement à répondre à l’inquiétude sous-jacente de mouvements de prix extrapolatifs, en favorisant les interventions officielles qui viennent accroître le coût de la spéculation.

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