- La progression de l’emploi au Canada met en lumière la résilience. Mais les détails sont contrastés.
- Or, les heures de travail font état de la vigueur du PIB pour le T1.
- La croissance des salaires a rebondi.
- C’est pourquoi nous nous attendons à ce que la BdC ne se précipite pas pour abaisser les taux.
- Les salaires du secteur public continuent de comptabiliser des gains sans précédent.
- La croissance démographique excessive du Canada fracasse tous les records — et cause des tensions.
- Emplois au Canada en milliers sur un mois // taux de chômage en %, février, en données désaisonnalisées :
- Données réelles : 40,7/5,8
- Banque Scotia : 25/5,6
- Consensus : 20/5,8
- Auparavant : 37,3/5,7
En février, l’économie canadienne s’est enrichie de 40 700 emplois. Bien qu’ils soient contrastés, les détails sont plutôt satisfaisants, et le marché de l’emploi reste résilient. La croissance des salaires a rebondi et surpasse toujours l’inflation et la productivité. Les heures de travail indiquent que le PIB du T1 est en voie de rebondir solidement, ce qui pourrait au moins enrayer les progrès accomplis sur la voie de la détente désinflationniste, voire l’inverser. Dans l’ensemble, les chiffres sont assez solides et permettent de croire qu’il n’y a pas lieu, pour la BdC, de se précipiter afin d’abaisser les taux d’intérêt. Le graphique 1 fait état de quelques indicateurs récapitulatifs.

LES MARCHÉS : LE DOLLAR CANADIEN S’EST LÉGÈREMENT RAFFERMI ET LES TAUX ONT FAIT MOINS BIEN QUE LE DOLLAR US
Les marchés ont davantage réagi aux chiffres américains, qui ont été encore plutôt satisfaisants, mais qui n’ont pas été au rendez-vous des attentes, après révisions. L’aval de la courbe des rendements du Canada s’est légèrement repris de concert avec le dollar US : les rendements à 2 ans ont plongé d’à peine 1 point ou 2 points de base après la publication des données. Les salaires non agricoles se sont bien tirés d’affaire à 275 k; or, il a fallu apporter des révisions négatives de ‑117 k. La paire USD/CAD n’a guère évolué après la publication des données sur l’emploi.
LA BANQUE DU CANADA — RIEN NE SERT DE SE PRÉCIPITER POUR ABAISSER LES TAUX
À la rigueur dans ce cas, les statistiques justifient nos prévisions : la BdC n’a pas à se précipiter pour abaisser les taux. Nous y reviendrons dans les sections pertinentes ci-après. Nous prévoyons un honnête rebond de l’économie durant le T1. La croissance des salaires est toujours supérieure à la cible de la BdC et continuera probablement de l’être puisque la productivité reste médiocre. Le marché de l’emploi est toujours aussi résilient, quelle que soit l’interprétation des données.
LA CROISSANCE DES SALAIRES A REBONDI
Les salaires des employés permanents se sont accélérés à 4,2 % sur un mois en données désaisonnalisées et annualisées; il s’agit d’un solide rebond après le plongeon de ‑1,6 % le mois précédent, sur un mois en données désaisonnalisées (graphique 2). Le taux de croissance sur un an a cédé quelques dixièmes à 4,9 % contre 5,3 %. Or, les gains de salaires sont toujours nettement supérieurs à la cible inflationniste de la BdC.

Aujourd’hui, comparativement au bond prodigieux de l’été dernier, il s’agit d’un ralentissement par rapport aux ridicules sommets atteints dans les deux chiffres. Or, les données sont volatiles, comme l’indique le graphique. Nous ne pouvons pas non plus porter de jugement sur le cycle des salaires en nous en remettant uniquement à ce graphique. En effet, un travailleur sur trois est syndiqué sur le marché du travail contre 10 % aux États‑Unis, les salaires conclus dans les conventions collectives explosent, et il faut essentiellement, pour la population active, cimenter les années de solides gains de salaires (graphique 3).

Au Canada, les salaires continuent de surpasser l’inflation (graphique 4). Le simulacre d’argument — voulant que les gains de salaires servent à compenser l’inflation du passé — est toujours dépouillé de bon sens. Il est aussi désynchronisé de la productivité.

Lorsqu’elle parle des salaires, la BdC devrait faire attention et évoquer les pressions sur les salaires réels qui pourraient s’accentuer si l’inflation s’apaise, selon des chiffres corrigés de la productivité. Je ne suis pas du tout convaincu que cette approche se tempérera à terme par opposition aux déclarations sur la pression chronique qui fait monter l’inflation par rapport à la cible de la BdC.
LE REBOND DES HEURES DE TRAVAIL ÉTAYE LE PIB DU T1
Le total des heures de travail a progressé de 0,3 % sur un mois en données désaisonnalisées. Curieusement, Statistique Canada affirme que ce total a « peu varié ». Quoi? Bonté divine! Il s’agit pourtant d’un grain très solide, qui permet de s’attendre à un honnête gain du PIB de février, d’ici à ce qu’on publie d’autres données dans la colonne de l’activité.
De surcroît, les heures de travail font état d’un bond de 3,3 % sur un trimestre en rythme désaisonnalisé et annualisé. Ce bond s’appuie sur le gain de 0,3 % en février, le bond de 0,6 % en janvier, la moyenne du T4 et l’hypothèse voulant que les heures de travail ne bougent pas en mars, ce qui permettra de focaliser le calcul sur les effets de ce qu’on sait jusqu’à maintenant sans imposer de jugement arbitraire sur mars.
Comme l’indique le graphique 5, il s’agit de la plus forte progression des heures de travail depuis le T1 2023 : à l’époque, les heures de travail avaient augmenté de 4,9 %. Il faut rappeler qu’au cours de ce trimestre, le PIB avait gagné 2,6 % sur un trimestre en données désaisonnalisées et annualisées.

Le graphique 6 explique aussi les raisons pour lesquelles le PIB du T4 était honnête, mais léthargique, et pour lesquelles la demande intérieure finale a dérapé, alors qu’elle rebondit au T1. Le T4 a été perclus de grèves au Québec en particulier (dans le secteur public et dans la Voie maritime du Saint-Laurent). On s’est repris au T1, et c’est en partie la raison pour laquelle les heures de travail et le PIB rebondissent. Il faut lisser ces deux données. Pourtant, une grande partie du commentaire porte essentiellement sur les données sans poser de questions.

LES DÉTAILS CONTRASTÉS DU GAIN DE L’EMPLOI
On relève des plus et des moins parmi les détails.
D’abord, c’est à l’emploi à temps plein qu’on doit tout le gain (+70,6 k), puisque l’emploi à temps partiel s’est replié de 29,9 k postes. Ce repli vient effacer le bond de 49 k du mois précédent dans l’emploi à temps partiel et la baisse de 11,6 k de l’emploi à temps plein.
Dans l’ensemble des secteurs, l’envergure a été contrastée. Le graphique 7 donne la répartition des gains par secteur industriel : tout est normal à cet égard. Dans l’ensemble, le secteur des biens a perdu 6,3 k emplois, alors que le secteur des services en a gagné 47 k.

Les postes salariés dans le secteur privé ont perdu 16,5 k, ce qui n’est pas bon signe à mes yeux. Les entreprises privées sont les porteurs de la richesse dans l’économie. C’est une tache au dossier; rappelons toutefois que les postes salariés avaient déjà inscrit quatre honnêtes gains.
Dans le secteur public, les emplois salariés ont gagné encore 18,8 k, dont 8,8 k dans l’administration publique. La colossale remontée de l’emploi dans le secteur public se poursuit (graphiques 8 et 9). Depuis le début de la pandémie, 52 % de tous les emplois créés au Canada l’ont été dans le secteur public, dont 18,4 % de l’ensemble des emplois créés au cours de cette période dans l’administration publique (fonctionnaires). Le poids de plus en plus lourd qui pèse sur la productivité qui s’affaisse (graphique 10) n’aide pas.

Les postes de travailleurs autonomes ont progressé de 38,3 k. Le travail autonome est indispensable à l’économie canadienne; or, il inscrit les données les plus léthargiques des données estimatives en raison de l’augmentation de l’écart type des estimations, qui est supérieur au total des variations de l’emploi.
LA CROISSANCE DE LA POPULATION PULVÉRISE DES RECORDS
La population s’est enrichie de 83 k habitants en février par rapport à janvier. Il s’agit d’une progression de 1,03 million d’habitants en chiffres sur un an. Février et janvier réunis ont été les mois adossés les plus vigoureux pour la croissance démographique dans les annales. Le graphique 11 fait état du rebond massif qui se produit et qui est porté par le nombre d’immigrants intenablement élevé à mon avis. Le graphique 12 en fait autant en pourcentage sur un mois, ce qui est un moyen de contrôler la taille différente de la population sur de longues périodes. Il s’agit d’un record, sous tous les angles.

Je l’ai dit un million de fois et je le redis aujourd’hui : le Canada a besoin de hausser l’immigration en raison du vieillissement de la population active sur fond de taux de fécondité faméliques. Je suis depuis longtemps en faveur d’une hausse de l’immigration, qu’il faut étaler dans le temps, et j’ai fait valoir de solides propositions pour y arriver il y a deux décennies. Les Canadiens sont favorables à l’immigration même si les discussions s’assombrissent ailleurs dans le monde, et je n’ai pas de temps à consacrer à tous ceux et celles qui décident d’adopter une approche plus sombre dans ce débat. L’immigration est la pierre d’assise du succès de l’économie canadienne depuis la Confédération. Dans le rajustement du PIB par habitant, il faut tenir compte de la possibilité que les effets du deuxième et du troisième cycles soient favorables.
Or, le rythme de l’immigration est trop vif et trop rapide, et il n’y a pas eu du tout de planification ni de préparatifs en prévision de cette vague d’immigrants. C’est comme si tout s’était déroulé sur un coup de tête. Le gouvernement fédéral est en mode de bousculade totale par voie de conséquence et entraîne les provinces et les municipalités dans son sillage. Dans les messages publiés sur le micrologement, on annonce qu’on construira des logements dans les prochaines années alors qu’on en a besoin tout de suite et que le volume de logements annoncé est trop modeste pour répondre à la demande. Au lieu d’endiguer l’immigration — ce qui serait la décision la plus judicieuse à prendre à mon avis —, nous sommes probablement appelés à constater que le budget du 16 avril se creusera encore plus profondément en raison du plus grand nombre de programmes d’incitation à la construction de logements. Les déficits infrastructurels qui existaient déjà ne font qu’empirer. Il en va de même des pénuries d’enseignants et des tensions dans la santé et les services sociaux.
C’est problématique parce que les ressources de l’économie sont massivement consacrées à la consommation, au logement et aux dépenses de l’État et qu’il ne reste presque plus rien pour l’investissement et l’effort de productivité (graphique 13). Cette part des ressources est à son plus haut depuis la fin des années 1980 et le début des années 1990. On ne guérit pas le mal par le mal. Comme l’a dit un jour John Crow, ancien gouverneur de la BdC, « Les partis pris à plus court terme de la politique économique faussent le jeu en faveur de l’inflation. Bien qu’il soit beaucoup trop facile d’assurer et d’encourager l’inflation, on ne peut en dire autant lorsqu’il s’agit de la limiter et de la réduire ».

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