Née au Canada en 1962, Laura Letinsky a obtenu une maîtrise en Beaux-Arts de l’Université Yale en 1991 et elle reçut une bourse de recherche John Simon Guggenheim en 2000. Sa plus récente série de photographies, Ill Form and Void Full, a été présentée à titre d’exposition individuelle au Musée d’art contemporain de Chicago durant l’hiver 2012, et comme partie d’une rétrospective de mi-carrière au Denver Art Museum en 2013. L’œuvre de Mme Letinsky se retrouve dans les collections du San Francisco Museum of Modern Art, du The Art Institute of Chicago, du Museum of Fine Arts, Houston, de l’Amon Carter Museum, du Museum of Contemporary Art, Chicago et du Stuttgart Museum (Allemagne), entre autres. L’œuvre de Mme Letinsky a fait l’objet de cinq monographies : Venus Inferred (Université de Chicago), Hardly More than Ever (Renaissance Society), Now, Again, (Galerie Kusseneers), After All (Damiani) and Ill Form and Void Full (Radius Press).
Dans sa nouvelle série de natures mortes, un genre qu’elle pratique depuis 15 ans, Mme Letinsky se penche sur la temporalité de la nature morte, l’autoréférence du support photographique, et de la mutabilité de la perception. En combinant des images de ses propres photographies à celles tirées de revues, aux côtés d’objets réels, elle dilue la différence entre ce qui est réel et ce qui est médiatisé, et entre ce qui est plat et ce qui est dimensionnel. De plus, en utilisant le blanc comme couleur, les bords du papier comme lignes et les ombres comme avions, Mme Letinsky redresse le sens de l’espace et de la perspective du visiteur.
Les arrangements dans Ill Form & Void Full emploient des éléments bidimensionnels comme objets sculpturels, pour produire des effets étonnants. Des silhouettes de nourriture et de couverts sont fixés ou collés sur des reproductions de surfaces de table ou sur du papier blanc, le tout étant placé sur le mur ou les véritables tables du studio, créant ainsi une multiplicité de façades qui brouillent la perspective et qui flottent dans un espace indéchiffrable de lumière et d’ombre. La juxtaposition d’objets tridimensionnels aux côtés de leurs reproductions désamorce de façon conceptuelle l’urgence temporelle associée aux «vanités». Ici, la tension est plutôt le jeu entre l’espace réel et illusoire et l’implication déroutante de la dimensionnalité d’une image aplanie. Une tension similaire est présente dans une autre série actuelle de collages, Albeit, qui imite les pages en papier glacé des revues. Puisant dans la tradition de vanités des maîtres hollandais et flamands, les arrangements de Mme Letinsky interpellent la notion de temps et la relation entre la maturité et la décomposition. Toutefois, ils le font en questionnant les notions d’authenticité photographique, ainsi que la capacité du support à illustrer la temporalité face à la forme, au matériel et au narratif. La nouvelle œuvre de Mme Letinsky approfondit les explorations précédentes de la nature morte. Auparavant, les pièces de The Dog and the Wolf et de Fall utilisaient des lignes obliques de perspectivers et de profondeur, une juxtaposition d’objets incongrus et des gradations bien contrôlées de lumière comme toile de fond pour illuminer les idées entourant la nourriture, le désir et la mort. Dans To Say It Isn’t So, Mme Letinsky confond la beauté intemporelle de la nature morte classique avec la banalité chaotique de la culture de consommation contemporaine. Dans sa première série de natures mortes, Hardly More Than Ever, l’intérêt de Mme Letinsky portait sur la façon dont l’espace domestique était construit ou aménagé, créant ainsi un espace photographique «l’aménagement» du foyer.