Plusieurs grandes institutions financières se joignent à d’autres organisations mondiales pour faire front commun dans la lutte contre la traite et l’exploitation des enfants.
Ces histoires d’horreur ne sont que trop fréquentes, trop tragiques : celles d’enfants victimes de traite des personnes et d’exploitation, sous le joug d’abuseurs mettant les technologies numériques au service de leurs crimes. Dans une enquête récente, le New York Times indiquait qu’en 2018, les sociétés technologiques ont signalé, à l’échelle de la planète, la présence en ligne de 45 millions de vidéos et de photos mettant en scène des agressions d’enfants, un chiffre plus de deux fois supérieur à celui de 2017. En octobre 2019, 338 personnes, dont des Canadiens, ont été inculpées dans le cadre d’une enquête criminelle internationale portant sur un site pédopornographique qui utilisait la cryptomonnaie Bitcoin comme mode de paiement. Les autorités ont décrit ce réseau comme l’une des plus vastes opérations d’exploitation pédopornographique à ce jour.
Des chiffres qui servent de douche froide pour nous rappeler que la traite des personnes et l’exploitation infantile sont des problèmes qui touchent toute la planète, et que le Canada ne fait pas exception.
Stuart Davis, chef mondial, Gestion du risque de crimes financiers et chef de groupe, Lutte contre le blanchiment d’argent à la Banque Scotia, a récemment accompagné au Vatican un groupe restreint composé d’ONG, de chefs religieux et de représentants des secteurs privé et public pour discuter des moyens de lutter contre l’exploitation des enfants. Cette rencontre, intitulée « Promouvoir la dignité numérique de l’enfant – Du concept à l’action », concrétisait un engagement pris par les dirigeants internationaux pour protéger les enfants de l’esclavage moderne. L’initiative avait été lancée en 2017 par l’Académie pontificale des Sciences sociales, une entité indépendante du Vatican dont le mandat consiste à s’exprimer sur diverses questions scientifiques et technologiques.
« Cette rencontre était le fruit d’un immense travail, explique M. Davis, et je souhaite qu’elle soit l’ultime appel à l’action. Selon nous, la prochaine étape devrait être d’établir les assises d’une approche commune, tous secteurs confondus, visant à lutter contre la traite et l’exploitation. »
Parmi les participants, on trouvait des représentants d’Apple, de Microsoft, d’Amazon et de l’Organisation des Nations Unies, qui se sont penchés sur le concept de dignité numérique de l’enfant et sur les moyens déployés par les entreprises et les ONG pour lui donner vie.
Lors de cette rencontre, M. Davis s’est exprimé sur la nécessité d’une meilleure collaboration entre les secteurs privé et public, en mentionnant les réussites de certains partenariats déjà en place, comme le projet PROTECT, qu’il a aidé à mettre sur pied en 2016. Cette initiative, qui réunit dans un partenariat public-privé le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), les forces de l’ordre et les principales banques canadiennes, a pour objectif de retracer l’argent issu de la traite des personnes et de stopper son cours.
Depuis son lancement, le projet PROTECT a contribué à faire augmenter partout au Canada le nombre de signalements d’activités suspectes auprès du CANAFE (450 en 2015 par rapport à 4 200 en 2017). Cette amélioration est le résultat direct de ce projet de réflexion collectif qui visait à redéfinir les signaux d’alerte pour la traite des personnes, par exemple de multiples opérations aux points de vente des motels, des hôtels ou des agences de location de véhicules, ou encore des activités financières menées dans différentes villes sur une courte période.
En plus de son travail de surveillance et de prévention sur la traite des personnes, la Banque Scotia aide les rescapés à reconstruire leur vie. Cette année, la Banque a lancé un projet pilote à Vancouver en partenariat avec le programme Deborah’s Gate de l’Armée du Salut pour offrir des services financiers aux victimes de traite des personnes. « L’une des nombreuses répercussions qu’ont à subir ces personnes est la perte d’identité financière, explique M. Davis. À ce chapitre, les banques peuvent aider les victimes à se remettre sur pied. » À ce jour, la Banque Scotia a ouvert deux comptes bancaires pour des rescapés de la traite des personnes et prévoit en ouvrir trois autres d’ici la fin de l’année.
Ce projet a pris racine dans un plan d’action visant à réunir des fonds pour la lutte contre l’esclavage mis en œuvre par l’Initiative de Liechtenstein, un partenariat international entre les gouvernements et le secteur privé. « Avec un partenariat public-privé, il est concrètement possible de faire le bien et d’aider les populations, pas seulement à l’échelle d’un pays, mais à l’échelle de toute la planète », ajoute-t-il.
La rencontre au Vatican était le point culminant d’une tournée d’interventions visant à promouvoir ce genre de partenariats que M. Davis a entreprise cette année. Il a notamment pris la parole lors d’une conférence organisée dans le cadre du programme The Future of Financial Intelligence Sharing, dont l’objectif est le partage de renseignements entre les secteurs privé et public afin de faciliter la prévention, la détection et l’élimination des crimes financiers. Il s’est également exprimé à la réunion annuelle de l’Institute of International Finance, qui a corédigé une publication sur les stratégies de gestion des risques de l’avenir.
« Ceux qui s’occupent de lutter contre les crimes financiers se concentrent généralement sur la lutte contre le blanchiment d’argent et la lutte contre le financement du terrorisme, précise M. Davis. Mais je crois qu’ils devraient adopter une vision plus large. »
« Ce que je propose, c’est que la lutte contre la traite et l’exploitation des personnes fasse également partie de la bataille livrée contre les crimes financiers, au même titre que le sont la lutte contre le blanchiment d’argent et la lutte contre le financement du terrorisme », pense-t-il.
Joseph Mari, premier directeur, Partenariats externes, Gestion des risques associés aux crimes financiers, qui avait participé, en 2017, à la toute première rencontre au Vatican, réitère le message de M. Davis.
« Le bilan humain de ces crimes est inconcevable, déclare M. Mari. À la Banque Scotia, nous nous sommes engagés à donner à ce problème toute l’attention dont il a besoin et à aider les rescapés de façon concrète. »