- Sur le marché du travail américain, les gains d’emploi continuent de progresser vigoureusement
- … alors que la croissance des salaires s’accélère.
- Ce résultat renforce le pronostic de la Réserve fédérale.
- Les cumulards faussent‑ils les gains?
- Salaires non agricoles aux États‑Unis, en milliers sur un mois//taux de chômage (%), en données désaisonnalisées pour novembre 2022 :
- Données réelles : 263/3,7
- Scotia : 205/3,6
- Consensus : 200/3,7
- Auparavant : 284/3,7 (révisé à partir de 261/3,7)
Aux États‑Unis, la croissance du marché de l’emploi s’est poursuivie à un rythme très vigoureux en novembre : les mises en disponibilité ont probablement freiné le rythme des gains, qui auraient normalement été encore plus importants. La croissance des salaires s’est accélérée.
L’écart visant à déjouer le consensus et mon estimation s’inscrivait dans l’intervalle de confiance de 90 % des estimations des salaires non agricoles (+/- 120 000), ce qui ne vient jamais bousculer les marchés. Ces derniers tentent de déjouer le facteur de crainte, qui n’attend que la prochaine tuile avant de tout vendre. L’indice S&P a perdu à peine 0,5 % le jour même; toutefois, le rendement des bons du Trésor à 2 ans a gagné 13 points de base et le rendement à 10 ans, 4 points de base, dans une courbe orientée à la baisse. Les cours des taux terminaux ont monté d’environ 12 points de base et ont inversé d’environ la moitié la baisse dans la foulée du discours de Jerome Powell, président de la Fed. Le dollar s’est d’abord raffermi; or, il a tout de suite cédé une grande partie du terrain gagné.
Il n’y a probablement aucune incidence directe pour le scénario de la Réserve fédérale américaine en prévision de la réunion qui se tiendra la semaine prochaine. La Fed a déjà essentiellement prédécidé que le taux des fonds fédéraux sera haussé de 50 points de base et que le taux terminal prévu sera « en quelque sorte augmenté », ce qui donne l’impression d’un consensus sur un taux de l’ordre de 5 %. Un point de pourcentage dans les données ne changera pas la situation pour la Fed, à plus forte raison parce qu’on s’inquiète des risques de baisse prospectifs en 2023.
LES DÉTAILS METTENT EN LUMIÈRE LES GAINS DES SALAIRES
La croissance des salaires s’est accélérée. Les salaires ont gagné 0,6 % sur un mois en chiffres désaisonnalisés, ce qui donne 6,8 % en rythme annualisé. Cette accélération reprend le gain de salaires le plus rapide depuis la fin de l’an dernier (graphique 1). Ce gain représente à peine un mois d’accélération jusqu’à maintenant; toutefois, les gains du référentiel qui précèdent ce mois étaient déjà assez élevés. Le gain du mois précédent a lui aussi été révisé à la hausse, pour passer à environ 0,5 % sur un mois en chiffres désaisonnalisés, ce qui donne 5,7 % sur un mois en données annualisées et désaisonnalisées.
Ce gain est de grande envergure (graphique 2). Le nombre d’emplois a augmenté de 184 000 dans les services, de 37 000 dans les biens, de 20 000 dans la construction et de 14 000 dans l’activité manufacturière. Dans les services, l’éducation et la santé ont gagné 82 000 emplois, les loisirs et l’hébergement, 88 000, et les gouvernements (tous les États et toutes les administrations locales), 42 000. Dans le commerce de détail, le nombre d’emplois a baissé de 30 000, ce qui contredit l’angle vigoureux de la saison des Fêtes (trois baisses consécutives).
Le taux de chômage est resté constant, à 3,7 % (graphique 3). Ce taux est dérivé de l’enquête complémentaire sur les ménages, qui fait état d’une baisse plus considérable de la population active (‑186 000) que la baisse de l’emploi (138 000) d’après cette enquête. Le taux de participation a décroché (graphique 4). L’enquête sur les ménages comporte une plus grande marge d’erreur sur ce taux que les salaires; or, elle capte aussi les petites entreprises sous-traitantes.
Les heures de travail ont perdu 0,1 % sur un mois en chiffres désaisonnalisés. Elles inscrivent un gain d’un peu plus de 1 % sur un trimestre en rythme annualisé (graphique 5). Puisque le PIB est un indicateur défini en heures multipliées par la productivité de la main‑d’œuvre, ce gain favorise la croissance du PIB au T4.
LES CUMULARDS NE SONT PAS LES COUPABLES
Il est utile de jeter un coup d’œil plus attentif à un problème qui suscite la critique des chiffres sur les salaires cette année. Les salaires ont‑ils pour effet de surcomptabiliser la croissance de l’emploi dans l’économie américaine à cause du cumul des emplois?
D’une part, il est vrai que les salaires non agricoles tiennent compte des emplois, et non des travailleurs (d’où le risque de les compter en double ou en triple) alors que l’enquête sur les ménages, qui suit le nombre de travailleurs, ne se prête donc pas au comptage en double des emplois. L’autre différence avec l’enquête des ménages, c’est qu’elle capte aussi mieux les employeurs qui n’ont pas de masse salariale formelle (soit les petites entreprises).
Les statistiques mettent en lumière les raisons pour lesquelles l’enquête de l’emploi auprès des ménages a fait perdre 138 000 emplois en novembre, alors que la population active a perdu 186 000 emplois. Ainsi, ces chiffres pourraient tout de suite laisser entendre que l’écart entre les deux indicateurs de l’emploi s’explique par le comptage en double.
Or, il faut se pencher sur les détails de l’enquête sur les ménages pour savoir si le comptage en double est vraiment problématique.
L’indicateur des cumulards dans l’enquête sur les ménages zigzague essentiellement depuis le début du dernier semestre environ. La moyenne s’est également inversée pour se rapprocher des normes prépandémiques, après avoir sombré dans les profondeurs de la pandémie (graphique 6). On ne peut pas écarter les gains de l’emploi à cause des gains inhabituels des cumulards et ainsi traiter les salaires comme de fausses données. D’après moi, un emploi est un emploi, et si nous nous contentons d’inverser la moyenne, je suis tout à fait d’accord. Les Américains font ce qu’il faut pour revenir aux anciennes méthodes de règlement des factures.
J’aime bien aussi me pencher, dans l’enquête sur les ménages, sur le baromètre des travailleurs à temps partiel pour des raisons économiques : leur nombre a fait du surplace (+25 000) en novembre, après avoir baissé de 183 000 en octobre, ce qui ne veut pas dire que plus de travailleurs doivent se consacrer à différents emplois à temps partiel et ce qui n’a pas non plus pour effet de gonfler les données sur les salaires pour des raisons économiques. Les emplois volontaires à temps partiel (non exercés pour des raisons économiques) ont baissé de 77 000 en novembre et ont monté d’à peine 41 000. Ce qui s’est produit, c’est que les emplois à temps partiel aux États‑Unis pour des raisons non économiques ont regagné les niveaux atteints avant la pandémie, alors que les emplois à temps partiel exercés pour des raisons économiques se sont rapprochés de ce qu’ils étaient avant la pandémie (graphique 7).
Il y a un autre problème, puisque l’enquête sur les ménages est très volatile et s’inscrit dans des plages de confiance beaucoup plus vastes que les salaires non agricoles. Les emplois ont augmenté de 650 000 en août et en septembre et viennent de baisser de 466 000 en octobre et en novembre. La tendance, volatile, est toutefois toujours provisoirement haussière.
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