• La flambée de l’inflation fondamentale et la hausse de son ampleur ne laissent pas entrevoir de ralentissement.
  • Les rendements sont portés à la hausse; la paire USD/CAD en fait fi…
  • ...en partie parce que les effets de domino ont dévalorisé les bons du Trésor américain.
  • Voici pourquoi je crois toujours que la BdC doit relever ses taux de 75 points de base la semaine prochaine…
  • ...et ce n’est pas seulement à cause des derniers chiffres de l’IPC. 
 
  • Canada, IPC, évolution en % et en données non désaisonnalisées sur un an, septembre 2022 :
  • Données réelles : +0,1 / 6,9
  • Scotia : +0,3 / 7,0
  • Consensus : -0,1 / 6,7
  • Auparavant : -0,3 / 7,0
  • IPC « fondamental » moyen hors composante commune : 5,0 sur un an (5,0 % auparavant)

En raison de l’emballement des détails qui sous‑tendent le compte rendu de septembre sur l’IPC du Canada, je m’attends encore plus à ce que la Banque du Canada hausse d’encore 75 points de base, la semaine prochaine, son taux directeur, en continuant de durcir le ton et en réaffirmant que les taux doivent continuer d’augmenter.

Les marchés restent follement hypersensibles aux chiffres rétrospectifs de l’IPC. Au Canada, les rendements à 2 ans et à 5 ans se sont envolés de 5 points de base après la publication des données : après avoir surclassé les bons du Trésor américain avant la publication des données, ils ont effacé leur dégagement. La paire USD/CAD n’a guère changé après la publication des données en partie du fait des mouvements corrélés cet avant‑midi dans les rendements américains et canadiens.

Les prix des swaps indexés sur le taux à un jour pour la décision de la BdC la semaine prochaine ont évolué : avant la publication des données, les prix tournaient aux alentours de 60 points de base; ils ont monté à plus de 75 points de base, puisque les cours boursiers intègrent aujourd’hui trois trimestres dans la hausse des taux en points de pourcentage, ce qui cadre avec le message que j’adresse aux clients et au personnel depuis un certain temps. Plus loin dans cette note, j’explique pourquoi je ne crois pas que la BdC ait le choix de hausser les taux de moins de 75 points de base.

L'INFLATION DE SYNTHÈSE AUGMENTE PLUS QU’ESCOMPTÉ

Avant de livrer des indices plus pertinents, l’inflation de synthèse a gagné +0,1 % sur un mois en chiffres non désaisonnalisés, ce qui est donc supérieur à l’estimation consensuelle médiane, qui prévoyait une baisse de -0,1 % sur un mois, et à peu près la moitié du consensus s’attendait à un chiffre négatif. Ce n’est pas tout à fait aussi élevé que mon pronostic pour une hausse de +0,3% sur un mois en chiffres non désaisonnalisés, ce qui est quand même essentiellement du bon côté du consensus.

En chiffres désaisonnalisés, l’IPC de synthèse a gagné 0,4 % sur un mois, soit 4,8 % en rythme annualisé, ce qui représente le résultat le plus élevé depuis juin. Pour reprendre ce que nous disions, il faut oublier les indicateurs sur un an, puisque les pressions exercées par la tendance sur un mois permettront de savoir si l’inflation se ralentit ou non et de combien elle le fait à la marge.

LES INDICATEURS FONDAMENTAUX CONTINUENT DE FLAMBER

Or, ce qui est encore plus important, c’est que tous les indicateurs de l’IPC fondamental se seront embrasés. L’IPC fondamental hors aliments et énergie a gagné 5,2 % sur un mois en rythme désaisonnalisé et annualisé. Le graphique 1 fait état de la moyenne mobile sur trois mois, qui reste élevée. L’IPC fondamental, qui s’entend de l’IPC sauf les huit constituantes les plus volatiles, soit les fruits et les légumes, les charges d’intérêts hypothécaires, l’essence, le gaz naturel et les autres combustibles, le transport interurbain et le tabac, entre autres, a lui aussi gagné 5 % sur un mois en rythme désaisonnalisé et annualisé.

Graphique 1 : Dans l'inflation au Canada, ce ne sont pas seulement les effets de base qui comptent

Les indicateurs des tendances centrales de la Banque du Canada sont restés fermes, à 5 % sur un an en moyenne, et n’ont donc pas changé par rapport au chiffre du mois précédent; ils accusent une baisse d’à peine deux dixièmes par rapport aux deux mois précédents (graphique 2). Essentiellement, cet indicateur est de l’ordre de 5 % sur un an depuis avril et ne semble pas vouloir se ralentir. Pour dégager ce chiffre, j’ai établi la moyenne des mesures de la moyenne tronquée et de la médiane pondérée, en excluant des constituantes communes de l’IPC, qui ont été déconsidérées suite à des révisions exagérées, et que même le gouverneur Tiff Macklem est aujourd’hui enclin à exclure dans la réévaluation de cet indicateur.

Graphique 2 : L'inflation fondamentale au Canada

L'AMPLEUR À LA HAUSSE

Comme l’indique le graphique 3, il y a eu un autre relèvement de l’ampleur des pressions sur les prix dans l’ensemble des seuils. Une part astronomique de 78 % du panier de l’IPC (contre 75 % pour le mois précédent) a aujourd’hui augmenté de plus de 3 % sur un an, et 73 % du panier a augmenté de plus de 4 % sur un an (contre 70 % pour le mois précédent). Les pressions qui s’exercent sur les prix continuent de s’étendre à une part de plus en plus grande de l’économie.

Graphique 3 : L'inflation au Canada est de grande ampleur

LES FACTEURS

L’ampleur est également révélée par la répartition des changements selon les différentes constituantes du panier. Le graphique 4 indique les variations de prix sur un mois, et le graphique 5 en fait autant après avoir pondéré les contributions apportées à l’ensemble de l’évolution de l’IPC sur un mois. Le graphique 6 fait état des changements de prix sur un an, et le graphique 7 en fait autant du point de vue des contributions pondérées dans l’ensemble de l’évolution de l’IPC sur un an.

Graphique 4 : Évolution mensuelle de l'IPC canadien dans les catégories détaillées en août; Graphique 5 : Contributions à l'évolution mensuelle de l'IPC canadien dans les catégories détaillées de septembre
Graphique 6 : Évolution de l'IPC canadien sur 12 mois dans les catégories détaillées en août; Graphique 7 : Contributions à l'évolution sur 12 mois de l'IPC canadien dans les catégories détaillées de septembre

Les aliments (+1,2 % sur un mois), le logement (0,5 %), les dépenses courantes, l’ameublement et l’équipement des ménages (0,4 %) ainsi que les soins de santé et les soins personnels (0,3 %) ont été les principaux facteurs de la hausse en chiffres désaisonnalisés.

L’IPC des services (à peine plus de la moitié du panier) a augmenté de 0,3 % en chiffres non désaisonnalisés, ce qui représente une partie du rebond auquel je m’attendais dans ce qui constitue généralement un mois désaisonnalisé anémique. Ainsi, les services en chiffres désaisonnalisés ont progressé de l’ordre de 0,5 % sur un mois.

Les loisirs, la formation et la lecture n’ont pas rebondi autant que je m’y attendais. Ils ont perdu -0,2 % sur un mois en chiffres non désaisonnalisés.

L’essence a reculé de 7,4 % sur un mois, ce qui correspond essentiellement au pistage que j’avais établi pour les prix de détail.

La valeur à neuf des logements continue de se tasser dans l’IPC de juin à septembre. Elle ne baisse pas encore en chiffres indiciels absolus, ce qu’elle fera toutefois probablement, et les taux sur un an sont en décrue. Or, il s’agit d’environ 6 % du panier; c’est pourquoi les calculs selon lesquels Statique Canada capte directement les prix des logements n’auront pas le même impact désinflationniste énorme que le calcul (décalé) des loyers équivalents des propriétaires aux États‑Unis, ce qui se produira probablement plus rapidement au Canada.

Les vêtements ont augmenté de 1,6 % sur un mois en chiffres non désaisonnalisés, ce qui est inférieur à la normale saisonnière, puisque les gammes de vêtements changent en prévision de l’hiver. Les vêtements en chiffres désaisonnalisés ont perdu -0,2 % sur un mois.

Les graphiques 8 à 16 font état de certains autres indicateurs. Nous invitons aussi le lecteur à consulter, à la fin de cette publication, tout le tableau, qui donne une répartition détaillée du panier, en plus de comprendre les micrographiques et les indicateurs de la note standard pour les changements par rapport aux normes récentes sur différentes périodes.

Graphique 8: L'inflation des biens et des services au Canada; Graphique 9 : Le facteur d'inflation du logement; Graphique 10 : L'inflation liée au logement; Graphique 11 : L'inflation des loyers suivant les prix des logements
Graphique 12: Inflation des produits alimentaires achetés dans les restaurants; Graphique 13: L'inflation des prix des voitures et le $ CA; Graphique 14: Répartition de l'évolution mensuelle dans la catégorie de l'IPC des loisirs, de la formation et de la lecture; Graphique 16: Contributions pondérées des constituantes dans l'indicateur de l'IPC fondamental pour la moyenne tronquée de septembre
Graphique 15 : L'IPC du transport aérien au Canada

LES INCIDENCES SUR LA BANQUE DU CANADA

Le taux augmentera‑t‑il de 75 ou de 50 points de base la semaine prochaine? La question s’adresse au gouverneur Tiff Macklem. J’ai plaidé toute la semaine en faveur d’une hausse de 75 points de base, en affirmant que cette hausse ne serait même pas arrimée aux chiffres publiés aujourd’hui pour l’IPC. Je prévois donc une hausse de 75 points de base, en m’en remettant aux arguments suivants, qui penchent pour le commentaire sur le dollar CA, sur la réaction des marchés et sur ce que la Fed fera probablement.

Commençons par dire que Tiff Macklem télégraphie un retour aux substitutions de taux dans l’évolution du dollar CA, ce qui, même si c’est débattable quand il s’agit de savoir si on pense de cette manière, laisse quand même entrevoir une fonction de réaction selon laquelle il est disposé à faire plus que compenser la léthargie de la monnaie. Je crois qu’il risque de se faire collisionner et percuter par les marchés des changes comme cibleur de devises, ce qui n’est pas judicieux; or, c’est ce qu’il laisse entendre qui compte peut‑être le plus, du moins dans le court terme. Le Canada importe beaucoup, et par conséquent, les pressions qui se répercutent sur les prix sont considérables; or, on juge généralement qu’elles sont modestes et typiquement transitoires. À nouveau, les prévisions établies depuis longtemps par les analystes pour la léthargie du dollar US n’ont pas donné de bons résultats, et par conséquent, la frustration sérielle dans le domaine des marchés de changes capte l’attention de la BdC. C’est ce qu’a déclaré officiellement Tiff Macklem à deux occasions distinctes et Carolyn Rogers, la première sous‑gouverneure, en a fait autant. Ils ne réclament pas un retour à l’indice formel de la conjoncture monétaire du passé; toutefois, M. Macklem affirme explicitement que la léthargie de la monnaie l’oblige à s’en remettre plus fortement aux taux. Le dollar CA n’a pas obéi et s’est retrouvé coincé dans une fourchette de 1,37–1,38 malgré leurs mises en garde.

Par conséquent, si la BdC hausse son taux de 50 points de base et que la Fed le relève de 75 points de base le 2 novembre, ce qui est largement qu’attendu, un différentiel de taux négatif s’étendrait à tous les taux directeurs. En données constantes (eh oui!), le dollar CA se dévaloriserait encore, surtout par rapport à ce que les cours intègrent, ce qui serait contraire au message lancé et ce qui paraîtrait très incohérent. Veut‑on ou non une monnaie plus forte? Est‑on en train de remplacer la hausse des taux par une monnaie faible ou non? Quelle heure est‑il sur la planète Mars? Le message et la cohérence sur cette question paraîtraient plutôt erratiques.

En outre, une hausse d’à peine 50 points de base à ce stade après 75 points de base et avant 100 points risquerait de provoquer une réaction de rétrogradation dans le style de la RBA sur les marchés, ce qui détendrait la conjoncture financière et ce qui paraîtrait contraire à ce que l’on souhaite réaliser. Les marchés affirmeraient qu’ils y sont presque, ce qui paraît contraire à la plupart des messages lancés. Je crois que la BdC doit toujours durcir le ton et être prête à se retourner plus tard au besoin. À la différence de l’Australie, le Canada connaît une croissance tendancielle des salaires beaucoup plus vigoureuse, est plus sensible aux décisions de la Fed, dispose de politiques de soutien financier, dont celles du gouvernement Trudeau, le remboursement des frais de renouvellement des plaques d’immatriculation du gouvernement ontarien et les chèques pré- et post-électoraux du gouvernement québécois, compte sur une offre de produits de base différente, a moins de relations commerciales avec la Chine, comptabilise des chiffres inflationnistes plus récents et plus fermes et mise sur un marché du travail qui demeure très équilibré, entre autres.

Ainsi, le plaidoyer en faveur d’une hausse de 75 points de base revient essentiellement : a) au sérieux dont on fait preuve à propos du dollar CA et à la crédibilité de ces communiqués; b) à gérer les marchés qui, faut‑il le reconnaître, ne sont guère satisfaisants; et c) aux influences de la Fed. Sans oublier les nombreuses autres régions du Canada dans le discours que j’ai fait valoir dans la promotion de cette saison et qui va bien au‑delà d’un simple pronostic.

Si la BdC hausse sont taux de 75 points de base la semaine prochaine, c’est qu’elle aura probablement à l’esprit un taux terminal de l’ordre de celui que le FOMC a télégraphié pour ses propres marchés (soit 4,5 %–5 %). Il est difficile d’imaginer qu’après une hausse de 75 points de base, elle s’arrêtera ou rétrogradera à un peu moins de 25 points de base, pour ensuite clore le dossier.

Tableau 1 : RÉPARTITION DES CONSTITUANTES DE L'INFLATION CA
Tableau 1 : RÉPARTITION DES CONSTITUANTES DE L'INFLATION CA