Par Myles Zyblock, Stratège principal en placements Banque Scotia

Retour sur l’année écoulée

Chaque année qui passe semble nous réserver son lot de surprises. Or, rien, du moins dans ce que nous avons vécu, n’arrive à la cheville des événements qui se sont déroulés en 2020, encore moins la crise monétaire asiatique, l’éclatement de la bulle technologique de 2000, ou même la crise financière de 2008.

Le monde a été tétanisé par une féroce pandémie, qui n’avait pas eu de précédent depuis au moins un siècle. Écoles et magasins ont fermé leurs portes, et les déplacements ont été complètement freinés. Nos vies ont été chamboulées en l’espace de quelques semaines.

Ces ondes de choc ont provoqué les baisses les plus brusques dans les annales sur les marchés du crédit, des titres boursiers et des produits de base. La volatilité des cours des actifs a culminé à un sommet qu’on n’avait pas vu depuis la Grande Dépression des années 1930. Pendant un temps, les cours du pétrole ont sombré en territoire négatif pour la toute première fois, quand la demande s’est tarie et que les producteurs de pétrole payaient effectivement les acheteurs pour se défaire de leurs stocks.

Les décideurs ont réagi à cette crise en faisant appel au seul moyen qu’ils connaissaient : inonder le marché de liquidités. Les baisses d’impôts, le soutien du crédit et les suppléments de revenus ont compté parmi les nombreux outils auxquels les gouvernements ont fait appel pour compenser l’affaissement des revenus des entreprises.

Les banques centrales sont intervenues en sabrant les taux d’intérêt et en rachetant les actifs en difficulté, légués par la dernière crise financière, pour permettre de stabiliser le système économique et financier.

Nous avons ensuite été témoins d’un saisissant revirement de situation. Les prix ont monté en flèche après avoir atteint des creux à la fin de mars, et en août, les titres boursiers et le crédit étaient revenus en territoire positif pour l’année. Le rebond initial réagissait à l’espoir que la prodigalité des mesures de relance stabilise l’économie. Nous avons vite appris à travailler, à faire nos emplettes et à mieux communiquer à la maison. C’est ce qui a favorisé la détente et rehaussé l’optimisme des investisseurs.

Pourtant, de nombreux secteurs d’activité comme le transport aérien, l’immobilier commercial, l’hôtellerie, le tourisme, les loisirs et l’énergie se comportent toujours comme si l’économie mondiale était loin d’un semblant de normalité. La propagation du virus connaît un regain partout aux États-Unis. À l’heure où les hôpitaux sont bondés et que la mortalité est à la hausse, il semble que cette crise soit loin d’être résorbée.

L’interaction entre le virus et l’économie est au cœur de ce feuilleton. Attachez vos ceintures. Les prochains trimestres réunissent toutes les conditions d’un manège palpitant.

L’économie se fissure à nouveau

La très récente recrudescence des cas de contamination, surtout en Europe et aux États-Unis, pèsera probablement sur l’activité économique des prochains mois. Les inquiétudes de plus en plus vives à propos de la propagation du virus encourageront les particuliers à rester chez eux ou à réduire les déplacements et les interactions inutiles. Le choc des restrictions imposées par l’État jouera aussi un rôle dans ce ralentissement.

Bien qu’il soit trop tôt pour s’avancer, il serait pourtant très étonnant que l’on puisse éviter entièrement un certain ralentissement. De nombreux indicateurs économiques laissent clairement poindre un essoufflement de la croissance en Europe. Des statistiques comparables laissent entendre que les États-Unis manquent de souffle dans certains secteurs de l’économie, mais pas suffisamment, à ce stade, pour modifier notre point de vue sur sa reprise soutenue.

Il faut se rappeler que cette pandémie dure depuis environ un an et que nous avons appris bien des moyens nouveaux de se tirer d’affaire. Ces comportements adaptatifs devraient permettre d’enrayer considérablement cette récente vague de propagation virale. Les mesures officielles qui sont désormais en vigueur et les autres qui s’enchaîneront probablement au Canada et aux États-Unis viendront aussi stabiliser la croissance économique mondiale. Surtout, nous pouvons compter sur de nouveaux vaccins prometteurs, qui joueront un rôle prépondérant en modelant l’environnement économique et la conjoncture des marchés financiers dans le tournant de 2021.

Un choc retentissant partout dans le monde

La mise au point d’un vaccin est un processus très complexe, qui comprend plusieurs étapes, notamment des études précliniques, le développement de technologies, diverses phases d’essais cliniques et l’homologation. À cet égard, nous sommes optimistes pour la suite des choses. Néanmoins, pour mettre au point un vaccin, il faut généralement compter de 10 à 15 ans et même plus dans certains cas. Par exemple, aucun vaccin contre le SIDA ne s’est encore révélé suffisamment efficace pour obtenir son homologation.

Or, en novembre, trois vaccins viables contre le coronavirus ont vu le jour sur la scène mondiale. Selon les données d’essais cliniques de phase 3, le vaccin de Pfizer en partenariat avec BioNTech et celui de Moderna se seraient révélés hautement efficaces à soigner les personnes ayant contracté la COVID-19. Cette percée relève de l’exploit et rend un vibrant hommage à ce que l’humanité peut accomplir lorsque qu’elle canalise son génie et son sens de l’innovation vers l’atteinte d’une cause commune.

Les gouvernements travaillent aujourd’hui de concert avec les pharmaceutiques qui produisent ces vaccins pour s’assurer que tous ceux et celles qui souhaitent se faire vacciner pourront le faire. Au Canada et aux ÉtatsUnis, le déploiement initial des vaccins a commencé à petite échelle : les travailleurs de la santé, les premiers intervenants et les personnes âgées à haut risque reçoivent les premières doses de vaccin. Aux États-Unis, les autorités sanitaires affirment qu’elles s’attendent à un choc considérable sur la dynamique de l’éclosion dès le deuxième ou le troisième trimestre, alors que les gouvernants canadiens espèrent que la grande majorité des Canadiens sera vaccinée d’ici la fin de 2021.

Des doutes subsistent quant à la capacité des instances sanitaires à déployer efficacement des campagnes de vaccination. Parviendront-elles à vacciner rapidement les tranches de la population les plus à risques, à administrer les vaccins avant qu’ils n’expirent et à effectuer rigoureusement le suivi des nouveaux cas d’infection? Aux États-Unis, bon nombre de ces considérations logistiques ont été laissées entre les mains de chaque État, ce qui pourrait potentiellement laisser une grande place à l’improvisation et à l’arbitraire. Malgré tout, ne perdons pas de vue l’essentiel : les campagnes de vaccination contre la COVID-19 sont désormais à portée de main.

La prochaine phase importante de la reprise

L’économie mondiale a rebondi après s’être effondrée comme jamais auparavant au deuxième trimestre, lorsque la croissance du PIB des grandes puissances du G7 a perdu, en chiffres annualisés, 36 %, ce qui est ahurissant. L’activité a pris du mieux grâce à l’aide des vigoureux programmes de relance des gouvernements et à d’ingénieuses mesures d’adaptation de la population active et de la chaîne logistique. Il n’est pas difficile d’imaginer que cet affaissement économique aurait pu être bien pire sans la souplesse apportée par les différents produits et services à vocation technologique. En fait, nous serions même toujours fortement paralysés.

Hormis un certain freinage de l’économie, les programmes de vaccination tout juste lancés devraient ouvrir la porte à une plus grande mobilité, à un climat de confiance et au retour tant attendu à la normalité. Il est difficile de savoir exactement à quoi ressemblera cette nouvelle normalité. Il est improbable que nous puissions reprendre les activités prépandémiques. Toujours est-il que pour bien des gens, la vie s’améliorera vraisemblablement dans l’année à venir.

Le secteur privé a cumulé suffisamment d’économies et la marge de capacité est considérable, ce qui laisse entendre que la reprise actuelle pourrait s’étendre sur plusieurs années. Les gouvernements n’annuleront probablement leurs mesures de relance que lorsqu’ils auront l’assurance que les bénéfices des entreprises connaîtront une forte remontée et que l’essentiel des dommages causés au marché du travail aura été corrigé.

Pour les banques centrales, il se pourrait qu’il n’y ait pas de hausse de taux d’intérêt avant au moins un ou deux ans. En outre, les prochains programmes de relance budgétaire, plus modestes, perdureront vraisemblablement en 2021.

Les milieux économiques s’attendent à ce que la croissance du PIB mondial, après avoir perdu près de 4 % en 2020, rebondisse aux alentours de 5 % en 2021. Nous ne sommes pas vraiment en désaccord avec ces points de vue, puisque nous croyons que la plupart des économies inscriront une solide croissance, menée par les marchés émergents. Le PIB du Canada et celui des États-Unis gagneront probablement 4 % environ à la fin de 2021. À notre avis, la reprise économique connaîtra dans la nouvelle année, grâce à l’énorme concours de la technologie médicale, une transition avec une phase plus autonome.

La version originale de cet article a été publiée dans notre bulletin De bons conseils.